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La promesse de l'aube
OPINIONS - Recherche scientifique tunisienne 2010
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 06 - 2010

Par Pr Mohamed JAOUA (Professeur à l'Université Nice Sophia Antipolis, ancien directeur de l'Ipest, de l'Ecole Polytechnique de Tunisie)
Onze années nous séparent de la première mise en œuvre en 1999 de la loi organique de la recherche scientifique promulguée trois années plus tôt, en 1996. Autant dire une bagatelle au regard de l'histoire. Mais une bagatelle qui a placé la recherche scientifique tunisienne au premier rang en Afrique ...
C'est un rapport de Thomson Reuters, intitulé «Global research report - Africa» et rendu public en avril 2010, qui le constate. Bien qu'il apporte des enseignements majeurs sur l'évaluation globale de notre recherche, la presse tunisienne en a peu rendu compte. Il est vrai que ses indications sont principalement destinées aux «décideurs» — notamment ceux des pays industriels — pour lesquels la structuration des paysages scientifiques est devenue un paramètre majeur dans les décisions d'investissement. Mais à ce titre, il nous intéresse aussi au premier chef, puisqu'il nous éclaire sur les décisions à attendre en matière d'IDE, ainsi que sur les axes sur lesquels il nous conviendrait d'agir pour améliorer la situation en la matière.
Une lecture rapide du rapport conduit à classer la Tunisie au 3e rang africain en termes de production scientifique globale, derrière l'Afrique du Sud et l'Egypte. Viennent ensuite le Maroc et l'Algérie, suivis de très loin par le Nigeria. Le classement est ventilé selon 21 disciplines, en ne retenant que les cinq premiers pays pour chacune d'entre elles. La Tunisie est absente du classement de cinq disciplines sur les vingt et une : environnement, sciences sociales, immunologie, science des plantes et des animaux, et espace.
Ces données brutes n'ont toutefois pas de grande signification dans la mesure où elles comparent les productions scientifiques de pays tels que le Nigeria (146 millions d'habitants) ou l'Egypte (82 millions) à celle de la Tunisie (10 millions d'habitants). Les auteurs du rapport en sont bien conscients, qui proposent aussi un classement selon la production scientifique rapportée au produit national brut. Celui-ci fait ressortir la Tunisie et … le Malawi comme les véritables leaders scientifiques africains, après élimination du Zimbabwe pour cause de l'effondrement de son PNB. Le fait qu'il ait fallu en venir à cela fait toutefois ressortir le manque de pertinence de cet indicateur, qui peut conduire en tête du classement un pays à la production économique quasi nulle, pour peu que sa production scientifique soit légèrement meilleure.
En vérité, le seul indicateur qui vaille est celui de la production scientifique rapportée à la population. Curieusement, les auteurs du rapport ne se sont pas donnés la peine de l'effectuer. A cette aune-là, la Tunisie se retrouve en tête, suivie de l'Afrique du Sud, du Maroc et de l'Algérie. Au regard du nombre de publications par million d'habitants, la Tunisie occupe aussi le premier rang pour douze des seize disciplines où elle est présente, et le second rang pour les quatre autres, derrière l'Afrique du Sud qui est pour sa part présente dans les vingt et une disciplines. Dans les cinq disciplines où la Tunisie est absente (son rang étant supérieur à 5), c'est l'Afrique du Sud qui occupe le rôle de leader.
Il ressort de ces données que les dix années de mise en œuvre de la loi organique de la recherche ont propulsé la Tunisie dans un rôle de premier plan en matière de recherche scientifique, même si son absence de certains secteurs clés tels que ceux de l'environnement et de l'écologie, de l'immunologie ou des sciences sociales, mériterait que l'on s'y penche de plus près.
On aurait tort pour autant de crier victoire, car les enseignements de ce rapport ne s'arrêtent pas à cet aspect quantitatif de la production scientifique. Ils éclairent aussi les réseaux de collaboration, et les grands ensembles régionaux de production que ces publications laissent entrevoir à travers les co-signatures d'articles. On y trouve ainsi, sans surprise, quatre grands groupes organisés autour de «leaders», et au sein desquels des interconnexions apparaissent : l'Afrique australe, l'Afrique anglophone, l'Afrique francophone, et le Maghreb étendu à l'Egypte. Les interconnexions d'un grand ensemble à l'autre sont pour ainsi dire inexistantes, le groupe Maghreb/Egypte apparaissant quant à lui particulièrement isolé du reste de l'Afrique. Ce facteur peut sans doute être imputé au fait que la recherche maghrébine reste fortement tributaire de ses partenariats historiques (33% des collaborations tunisiennes et 42% des algériennes se font avec la France), tandis que les partenariats de l'Afrique du Sud, et dans une moindre mesure ceux de l'Egypte et du Nigeria, sont plus équilibrés, en dépit d'un biais vers les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Dans tous les cas, les coopérations Sud-Sud restent cependant anecdotiques.
Tout le monde s'accorde pourtant à penser que le développement de la recherche scientifique africaine ne peut se concevoir dans le cadre étriqué des états-nations. Aussi prometteuse soit-elle, la production scientifique de chacun d'entre eux est en effet condamnée à rester modeste sinon anecdotique à l'échelle internationale. Seules des intégrations régionales puissantes pourraient permettre aux Etats africains d'espérer peser à l'échelle internationale. Et cela est tout particulièrement vrai de la Tunisie, dont les performances qualitativement remarquables buteront toujours sur les limites de sa démographie. C'est le Maghreb qui apparaît à cet égard comme le «challenger» naturel de l'Afrique du Sud, leader incontestable en termes de production scientifique brute. Elle seule dispose de la population suffisante et du potentiel de construction et de progression qui lui permettraient de prétendre à un leadership scientifique africain qui ne serait pas que d'estime.
Dans l'économie de la connaissance où nos pays sont désormais plongés, les aléas politiques qui continuent à entraver la construction maghrébine constituent donc un handicap sérieux, générant sans aucun doute un déficit de croissance significatif, de l'ordre de un à deux points selon les analystes les plus avertis. Or s'il est un domaine où ce défaut peut rapidement être corrigé, avec un probable effet d'entraînement sur d'autres secteurs de la vie économique, c'est bien celui de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Les échanges d'étudiants — et notamment de doctorants — qui permettent d'initier et de pérenniser les collaborations scientifiques, sont en effet aisés à mettre en œuvre, et ils ne demandent que des moyens modestes. Ils préfigurent en outre et préparent les futurs échanges économiques interrégionaux, car les étudiants formés dans un pays y tissent des liens et des réseaux sur lesquels ils ont tendance à s'appuyer une fois de retour dans leur propre pays. Il faut bien admettre hélas que les outils d'intégration régionale (programmes de recherche en partenariat, bourses de thèses, bourses de mobilité de type Erasmus, etc.) font cruellement défaut partout, et notamment au Maghreb. Il s'ensuit que les brassages Sud-Sud ne peuvent pour l'essentiel s'opérer que via une intermédiation du Nord, qui en tire le plus souvent le principal bénéfice.
La Tunisie, dont les performances attestées par le rapport se heurteront toujours à sa démographie, n'a pourtant pas d'autre solution que de miser sur l'attractivité de ses formations universitaires et de sa recherche sur les élites africaines. S'en donner les moyens ? Encore une fois, il ne s'agit que de «bricoles» sur le plan financier, mais dont il faut reconnaître que la mise en œuvre nécessite une véritable révolution culturelle : les Tunisiens doivent cesser de se penser et de se conduire uniquement comme les parents pauvres de l'Europe, ce qu'ils sont certes dans une certaine mesure, pour entrer dans la peau du leader régional que leur pays commence à devenir. Ce qui implique des devoirs et des engagements nouveaux vis-à-vis de l'Afrique et de son développement, dont le nôtre est plus tributaire qu'on n'a tendance à le croire. Et également une ouverture de nos structures et institutions universitaires, qui doivent être pensées comme universelles ou tout au moins comme régionales, afin d'en faire de véritables pôles d'attraction pour l'intelligence africaine. Le recrutement de nos universités, dont l'expansion rapide souffre des déficits de compétences, notamment scientifiques et technologiques, devrait dans cet esprit s'ouvrir aux non-Tunisiens, avec le souci de les stabiliser à moyen terme pour leur permettre d'apporter leur contribution au développement scientifique du pays.
Recherche-développement
Sur un autre plan, une recherche scientifique de qualité ne suffit pas à faire une économie compétitive. Le maillon manquant dans cette direction est celui de la recherche-développement et de l'innovation, objets en ce moment — et à fort juste titre — de toutes les attentions. Forte de la réussite avérée de sa loi organique de la recherche, la Tunisie pourrait être tentée de rééditer la formule gagnante au profit de la R&D. Certains aspects en sont certainement transposables. La nécessité de structurer les équipes, la responsabilisation des chercheurs et la gouvernance de leurs carrières, la transparence des procédures d'évaluation, font partie de ceux-là. Avec deux difficultés supplémentaires néanmoins. D'une part, la R&D est un jeu à plusieurs acteurs, où les entreprises constituent un vis-à-vis essentiel des universités, des centres de recherche et des pouvoirs publics. D'autre part, contrairement à la recherche fondamentale, dont les acteurs (les enseignants-chercheurs) préexistaient à la loi, celle-ci ayant juste servi de catalyseur à leur action, nous traitons ici d'une activité dont il faut non seulement imaginer les mécanismes mais aussi inventer les acteurs. Ingénieurs, enseignants-technologues, enseignants-chercheurs d'un nouveau type, qui seront-ils ? Sans doute un peu des trois à la fois, mais nous ne pourrons faire l'économie de penser le cadre de leur activité, les modes de son financement et de son évaluation, les modalités des transferts public-privé vers les entreprises et les clauses de propriété, les modalités de gestion, le déroulement des carrières et leurs critères d'avancements, etc. Un grand chantier, certes. Mais un chantier nécessaire, dont le succès conditionnera l'entrée de la Tunisie dans le club des pays développés.


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