Les patrons de la presse écrite, en butte à de sérieuses difficultés financières, se mobilisent pour sortir de l'ornière La presse écrite en mode papier retrouvera-t-elle son souffle d'antan et pourra-t-elle sauver la face dans un paysage médiatique en perpétuelle évolution ? Dans ce contexte postrévolutionnaire, où le secteur demeure en état d'agonie permanente, innombrables sont les journaux qui déclarent faillite. D'autres, et non des moindres, qu'ils paraissent au quotidien ou de manière hebdomadaire, se trouvent, bon gré mal gré, à la merci des mannes financières si capricieuses et conditionnées. Bref, tous les voyants de ce champ d'activités semblent être, aujourd'hui, au rouge. Hier, ses protagonistes n'ont point hésité à tirer la sonnette d'alarme sur les réalités de la profession. Réunis sous la coupe de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux, les patrons du secteur ont tenu à vider leur sac, révélant tout ce qu'ils avaient sur le cœur. Ils ont dénoncé l'état des lieux, sans pour autant désespérer. Pourvu qu'il y ait une vraie volonté politique visant à soutenir le secteur et lui tendre une planche de salut pour qu'il puisse voler de ses propres ailes. Aux dires de M. Taieb Zahar, président de la Fédération, l'intervention de l'Etat-providence est plus que nécessaire, voire urgente. Et ce dans la mesure où les entreprises médiatiques doivent honorer leurs engagements par rapport aux déontologies professionnelles et aux règles d'éthique régissant le métier. Mais, on est en droit de s'interroger sur le devenir de la liberté d'expression dans un organe de presse pris en otage par l'Etat qui finance et subventionne l'industrie du contenu médiatique. Alors que celui-ci est censé être un média de service public, loin de toute forme d'instrumentalisation et d'allégeance politique. D'après les intervenants, la question de l'aide gouvernementale ne devrait plus se poser ainsi. Soit l'indépendance professionnelle est un gage de vie et de survie que personne ne pourra négliger. La fédération voit les choses autrement. Volet papier d‘impression, le problème est bien réel. Il représente pour les propriétaires d'entreprises médiatiques un véritable casse-tête. Ils s'attendent à ce qu'une réduction de 50 % soit opérée sur le coût du papier importé, afin de pouvoir supporter l'envolée des prix à l'international et compenser la détérioration de la valeur du dinar tunisien face à l'euro et au dollar. C'est que depuis 1986, les cours du papier n'ont jamais arrêté de monter jusqu'à atteindre 1.300 dinars la tonne au cours de l'année dernière, contre seulement 390 dinars en 1995. S'y ajoute la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) située à 18 %, une charge supplémentaire que les directeurs de journaux ont voulu carrément supprimer. Sa réduction de 12 ou 6 % ne peut que perturber les comptes. Vient ensuite la publicité publique. Elle se présente comme un mirage financier, notamment pour les petits éditeurs. L'on demande le minimum possible pour continuer à paraître et pouvoir garder sa ligne. Ils ont même proposé l'instauration de critères fixant les modes de répartition de la publicité publique. D'autant plus que la baisse des recettes publicitaires constitue aujourd'hui la cause principale du départ en masse des privés. Sur ce chapitre, le PDG de La Snipe, M. Mongi Gharbi, a relevé que, contrairement à ce qui a été dit, La Presse ne reçoit aucun sou de la caisse du Premier ministère, en guise de subventions publicitaires. « On assume nos ressources financières de manière indépendante...», a-t-il affirmé, jugeant que l'intervention de l'Etat paraît nettement paradoxale. Et M. Gharbi de recommander beaucoup plus de solidarité pour sortir de l'ornière. Car, dans ce contexte révolutionnaire marqué par l'anarchie médiatique et la concurrence purement déloyale, il faut mutualiser les moyens pour rationaliser les dépenses. Sans pour autant cacher son «espoir de retrouver encore nos lecteurs». Autre problème, le marché de distribution des journaux est actuellement sous la coupe d'une seule personne, depuis bien des décennies. D'après les intervenants, la solution consiste à se réorganiser et s'unir pour franchir ce cap et faciliter la circulation tous azimuts de leurs journaux. Et l'annulation surprise des abonnements administratifs décidée unilatéralement par les pouvoirs publics a contribué largement à la détérioration de la situation financière de la presse écrite, ont fait remarquer la majorité des participants. Encore une fois, M. Gharbi intervenait là-dessus pour démentir l'information portant sur le montant de 5 MD consacré à La Presse, en termes d'abonnements annuels à hauteur de 20 mille exemplaires quotidiennement. Sur cette lancée, la fédération a plaidé pour l'exploitation de l'expérience de l'ex-Atce en matière de subventions financières auparavant destinées aux médias étrangers à raison de 10 MD chaque année. Il est vivement souhaité de ressusciter ce mécanisme de financement à même de le mettre à profit des médias tunisiens. Sinon, alerte M. Zahar, le modèle économique de la presse écrite nationale mènera à la faillite. Il n'y a pas un journal en équilibre, a-t-il indiqué. Autant de difficultés à plusieurs niveaux ont été dégagées et discutées à l'unisson, dont seule une mobilisation commune serait en mesure d'y trancher. Ce faisant, la fédération a suggéré la mise en place d'une commission mixte de sauvetage, l'ultime but étant de promouvoir le secteur et améliorer davantage son image de marque. « Une journée sans journaux » serait-elle de mise, en guise d'un mouvement de protestation proposé par l'un des participants. Mais, où se positionnent, alors, les journalistes en tant que cheville ouvrière du secteur ? Quel rôle leur incombe-t-il dans cette nouvelle guerre médiatique déclarée.. ?