Ikebana en pleine forêt et rencontre avec les habitants pour faire découvrir ou redécouvrir une région oubliée L'Association tunisienne pour le leadership, l'auto développement et la solidarité (Atlas) a récemment organisé une journée d'initiation à I'Ikebana, un art floral japonais, à Tbaïnia, dans la région de Aïn Draham. Le programme a commencé par une marche dans la forêt à la recherche des couleurs et des éléments qui constitueront la composition finale. «On cueille toujours soi-même les plantes et les fleurs sauvages en respectant la nature car l'Ikebana prolonge la vie des plantes», explique Chiraz Khrouf, maître d'Ikebana de l'école Ohara du Japon. Les élèves choisissent différentes sortes de matériel végétal «vivant», branches de myrte, mousse, fleurs épanouies, et récupèrent des écorces de chêne-liège, trouvés au pied des arbres. Plus tard, à l'atelier, ces éléments serviront à créer des arrangements inspirés des paysages observés. Dans ces «tableaux vivants», les branches, les fleurs et les brindilles sont maintenues en place grâce à des Kenzan (pique-fleurs), posés dans des coupes remplies d'eau. Les œuvres se construisent par étapes, en respectant certaines règles, car dans l'Ikebana, la place de la symbolique et l'harmonie est importante. Certaines élèves connaissaient déjà l'Ikebana. Passionnées, elles prennent des cours à l'espace Zmorda, l'unique lieu qui propose des ateliers selon l'école Ohara en Afrique du Nord. Pratiquer cet art à Aïn Draham est une première pour elles. Cette randonnée guidée leur a permis de redécouvrir la beauté de la nature et de la richesse des forêts tunisiennes. Inscrire une dynamique à travers les rencontres Faire connaître la région et ses atouts, culturels et environnementaux, est un des objectifs de l'association Atlas. Lors du séjour, les participants ont visité le Groupement des femmes de développement agricole à Tbaïnia (Aïn Draham), soutenu par l'association. Accueillis par les effluves des plantes aromatiques, les visiteurs ont apprécié le petit déjeuner traditionnel de la région, composé d'un mélange de miel et d'huile d'olive, de mléouis (pain rond et plat), de kesra (pain sucré à la semoule) et de lait caillé. Les femmes du groupement proposent à la vente des huiles essentielles, savons, herbes séchées et eaux florales. Ourida et Basma racontent qu'il faut deux à trois jours pour ramasser les plantes dans la forêt. «Nous les laissons ensuite reposer trois jours puis nous procédons à la distillation pendant trois ou quatre autres jours dans notre atelier, avant la mise en bouteille». Même si le groupement a investi dans des étiquettes et un conditionnement esthétique, la commercialisation de leurs produits reste difficile. Les habitants souffrent de l'isolement et du manque d'opportunités de développement de la région. Hichem, le guide de forêt, raconte que les offres d'emploi sont rares. Il ne trouve que de courtes missions de journalier pour la Direction générale des forêts. Parfois, il accompagne des groupes de randonneurs. «Je me sens marginalisé dans ma propre région», dit-il. Pour changer cette situation, il faudrait, selon Aziza Darghouth, membre fondateur d'Atlas et sociologue, commencer par abandonner les stratégies de développement sectorielles et chercher des alternatives. «Dans l'approche sectorielle, il peut y avoir de très beaux programmes. Mais il se trouve que dans l'ensemble des constats et analyses, les facteurs systémiques de contrainte sont le manque de coordination, qui découle de l'absence d'une vision de développement des territoires», explique-t-elle. Il faudrait, pour y remédier, investir les territoires, mener un travail d'écoute et de communication avec les communautés, et faire une évaluation sociale auprès de la population et au niveau des institutions. «Cette vision du territoire, ce n'est pas l'administration qui va la porter, mais la population qui y vit et rêve de se projeter, et je pense qu'elle a la capacité de le faire», conclut la militante.