Par Docteur Ali MENJOUR Le 9 Avril de chaque année, le peuple tunisien commémore la manifestation de 1938 qui a été sauvagement réprimée par les forces coloniales françaises. Dix ans après, jour pour jour, un autre peuple arabe a, lui aussi, été martyrisé. Il s'agit du peuple palestinien, et du massacre des villageois de Deïr Yassine perpétré par les sionistes au vu et au su de l'Angleterre, force mandatrice sur la Palestine à l'époque. Il est certain que, de tous les crimes sionistes commis à l'encontre du peuple palestinien, celui de Deïr Yassine reste le plus connu. La commémoration du soixante-sixième anniversaire de cette tuerie est une occasion pour évoquer l'objectif visé par ses auteurs qui n'est autre que la mainmise totale sur la ville sainte d'Al-Qods (Jérusalem). Pour cela, commençons d'abord par prendre connaissance des événements historiques. Le crime Il existait autour d'Al Qods (Jérusalem) une multitude de petits villages éparpillés dans des champs d'oliviers, entrecoupés par endroits de jolis vergers. Se trouvant à l'ouest de la Ville sainte, le village de Deïr Yassine faisait partie de ce cadre pittoresque. Du moment qu'il n'était pas situé sur un axe routier stratégique et que, d'après les propres aveux des sionistes, il ne représentait pour eux aucune menace, rien donc ne laissait prévoir qu'il allait être le théâtre d'une des tueries les plus lâches de l'histoire de l'humanité. Ecoutons à ce propos le témoignage de David Shaltiel, commandant de la Haganah (Branche armée de la gauche sioniste, future Tsahal). Ignorant tout du plan secret « Daleth » conçu et élaboré par son leader politique David Ben Gourion, Shaltiel n'a pas pu cacher son étonnement sur le choix de ce paisible village. En effet, lorsqu'il a été informé par les commandants de L'Irgoun et du Lehi (Branches armées de la droite révisionniste) quelques heures seulement avant la tuerie, il leur a répondu « Qu'est ce qu'il y a à Deïr Yassine ? En fait, il y a un pacte de non-belligérance entre Givat Shaul (le village juif d'à-côté) et le Moukhtar de Deïr Yassine. Et il ne constitue pas non plus un obstacle du point de vue de la sécurité ». Dans la stratégie diabolique de Ben Gourion, ce genre de village paisible doit justement constituer la meilleure cible afin que la population palestinienne soit continuellement hantée par la peur et la terreur. C'était le meilleur moyen, d'après le leader sioniste Ben Gourion, de forcer ces populations vers l'exode. Du moment que leur choix est fait, les bourreaux sont passés à l'action. Dans la matinée du 9 avril, 120 miliciens de l'Irgoun et du Lehi donnent l'assaut à Deïr Yassine. Spécialistes du terrorisme anti-Arabe, Alain Gresh et Dominique Vidal écrivent : «Les miliciens de Menahem Begin et D' Itzhak Shamir se livrent à une véritable boucherie : après avoir massacré les familles une à une , ils ratissent le village et abattent les survivants ». Les récits du massacre décrits par les témoins de l'époque sont nombreux. Soucieux de préserver l'objectivité dans la description de cet événement, nous avons préféré faire parvenir aux lecteurs les aveux de deux militaires sionistes et du représentant de la Croix-Rouge internationale en poste à l'époque en Palestine. Dans une interview accordée au quotidien Israélien Yediot Aharonot en date du 4 avril 1972 , Meir Pail, Professeur d'histoire militaire à l'université de Tel-Aviv, et qui a été au moment du massacre présent en sa qualité d'officier de liaison de la Hagana, a ainsi décrit la fin de la tuerie : «Vers midi, la bataille était terminée et les coups de feu avaient cessé. Les hommes de L'Irgoun et du Lehi sortirent de leurs cachettes et commencèrent à « nettoyer » les maisons. Ils tiraient sur tout ce qu'ils voyaient. Y compris les femmes et les enfants. Les commandants n'essayèrent pas d'arrêter le massacre. J'implorais le commandant d'ordonner à ses hommes de cesser le feu. Mais en vain. Au même moment, 25 Arabes avaient été chargés dans un camion, on les emmena à la carrière entre Deïr Yassine et Givat Shaul et ils furent assassinés de sang -froid ». Après ce témoignage, écoutons celui de Zvi Ankori, l'officier de la Haganah chargé d'occuper le village après le massacre : « Je suis entré dans soixante-sept maisons, j'ai vu des parties génitales coupées et des ventres de femmes broyés. A voir les traces des balles sur les corps, il s'agissait purement et simplement de meurtres ». De toutes les scènes du drame, celle décrite par Jacques De Reynier, représentant à l'époque de la Croix-Rouge internationale en Palestine dans son livre. «A Jérusalem un drapeau flottait sur la ligne de feu» est de loin la plus significative du degré de barbarie atteint par les sionistes. Qu'un hommage soit rendu à cette courageuse personnalité pour tous ses efforts afin de préserver le sang de tant d'innocentes victimes. A propos de Deïr Yassine voilà ce qu'il a notamment écrit : «J'arrive avec mon convoi au village, la troupe est en tenue de campagne. Tous des jeunes gens et même des adolescents , hommes et femmes , armés jusqu'aux dents : pistolets , mitraillettes, grenades, mais aussi de grands coutelas qu'ils tiennent à la main, la plupart encore ensanglantés. Une jeune fille belle, mais aux yeux de criminelle, me montre le sien, encore dégoulinant, qu'elle promène comme un trophée : c'est l'équipe de nettoyage qui accomplit très consciencieusement son travail. Je cherche partout, déplace chaque cadavre et finis par trouver un petit pied encore chaud. C'est une fillette de dix ans, bien abîmée par une grenade, mais encore vivante. Comme je veux l'emporter, l'officier me l'interdit, je le bouscule et passe avec mon précieux fardeau, j'entre alors dans une des plus belle colères de mon existence, disant à ces criminels tout ce que je pense de leur façons d'agir»... et de continuer : «Le nettoyage de Deïr Yassine se fit à la mitraillette, puis à la grenade et enfin au couteau ». Le lendemain, David Ben Gourion, président de l'agence juive (sorte de gouvernement regroupant toutes les factions des tendances sionistes avant la création d'Israël le 14 mai 1948 ) a adressé un message d'excuse au roi Abdallah de Transjordanie. Selon l'historiographie officielle Israélienne, le massacre de Deïr Yassine n'était qu'une «bavure» dont la responsabilité reviendrait aux troupes révisionnistes. La vérité est bien différente : avant même que le plan général qui visait à dégager l'axe Tel-Aviv-Jérusalem de toute présence palestinienne ne soit dévoilé au public, le communiqué de L'Irgoun en réponse aux accusations de la gauche sioniste est clair à ce propos. On y lit : « Le commandement de la Haganah a menti sciemment quand il a affirmé, après l'attaque de Deïr Yassine, qu'elle était contraire au « plan général ». La vérité toute nue, c'est que la conquête de Deïr Yassine faisait partie de son propre plan ».