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Y a-t-il un art juif ?
Propos Esthétiques
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 04 - 2014


Par Raouf Seddik
Il existe un art musulman, même si on estime que cet art a été étouffé sous le poids d'une certaine théologie. Il existe aussi un art chrétien, même si cet art semble avoir subi, depuis bien longtemps déjà, les effets d'une modernité qui se veut émancipée de toute tutelle théologique. Mais existe-t-il un art juif ? Etant entendu qu'il ne suffit pas d'être juif pour produire de l'art juif. Marc Chagall, qui représente la figure de l'artiste juif à l'époque moderne, a-t-il créé des œuvres dont on pourrait dire qu'elles relèvent d'un art juif ? Non, rien ne l'indique. Ce qui permettrait de l'affirmer, c'est qu'il y ait une relation de continuité avec des manifestations anciennes de l'art au sein de la communauté juive. On n'en voit pas.
A priori, ce qu'on peut relever, c'est l'existence d'un artisanat, qui s'est développé à travers la production de certains symboles religieux faisant partie du mobilier des lieux de culte : artisanat cultuel. Les connaisseurs évoquent également des représentations picturales de scènes bibliques, dans le passé, comme le sacrifice d'Isaac par Abraham ou la scène de Daniel dans la fosse aux lions. Mais il semble que ces occurrences soient d'abord rares et, d'autre part, qu'elles ne laissent guère la possibilité d'innover et de varier les thèmes. On est plutôt dans une logique de reproduction que dans une logique de création.
Toutefois, si l'on devait en conclure qu'il n'y a pas d'art juif, la question qui se poserait serait la suivante : pourquoi les deux autres religions monothéistes ont-elles, à un moment ou un autre de leur histoire, favorisé une activité proprement artistique, tandis que la religion juive ne l'a pas fait ? Qu'est-ce qui le justifie ?
Une première réponse consisterait alors à dire que l'art a été mis à contribution par les deux autres religions dans le cadre de leur politique de diffusion de leur message. Or, la religion juive est une religion qui, en dehors de quelques moments isolés, s'est gardée de toute attitude expansive. Et, par conséquent, n'avait pas besoin de l'outil de l'art.
Une deuxième réponse pourrait invoquer l'histoire du peuple juif et le fait que sa dissémination au cours de l'histoire ne lui a pas permis de se lancer dans la construction de palais et de temples... Bref, de s'engager dans l'aventure de l'art monumental, comme ont fait les musulmans et les chrétiens dans nombre de grandes villes. Car c'est autour des grands monuments que se greffe généralement toute une activité artistique...
Une troisième réponse, qui conjugue un peu les deux précédentes, rappellerait quant à elle que, contrairement au christianisme et à l'islam, le judaïsme n'a jamais eu l'occasion d'intégrer en son sein des populations d'artistes, avec leurs traditions et leurs savoir-faire déjà constitués. Songeons ici à la masse de gens qui peuplaient l'empire romain — ciseleurs, mosaïstes, peintres, architectes... — quand ce dernier a basculé du paganisme dans la religion chrétienne. Ou à tous ces artistes que le jeune empire musulman a dû « recycler » après ses conquêtes dans les territoires dominés auparavant par les Byzantins et les Sassanides.
Mais ces raisons expliquent surtout pourquoi il n'y a pas une tradition artistique juive similaire à ce qui existe dans les mondes chrétien et musulman : elles n'expliquent pas vraiment pourquoi il n'y a pas du tout d'art juif. Elles n'expliquent pas pourquoi une religion à la fois monothéiste et non expansive devrait être une religion dénuée d'art. Il faut examiner les choses plus en profondeur.
On peut faire ici une hypothèse, à savoir que le judaïsme admet une certaine forme d'activité artistique, qui n'a cependant rien à voir avec la production d'objets quelconques, mais qui est liée à la récitation poétique autour du texte biblique et, au-delà, au chant et même à la danse. Ce qui, à nouveau, poserait la question de savoir pourquoi la culture grecque, par exemple, a donné lieu à une activité poétique et musicale vivace sans que cela n'empêche, à côté, le développement des autres arts...
On touche ici, en réalité, à une spécificité du judaïsme, qui consiste à concentrer la relation de l'homme au divin autour d'une ancienne alliance scellée. Ce qui signifie, d'une part, que tous les arts visuels se trouvent marginalisés et, d'autre part, que la poésie et la musique sont essentiellement tournées vers une action de célébration d'un événement survenu dans le passé et qu'il s'agit de remémorer. Ou de répéter. A travers le texte de la Bible, le judaïsme inaugure une « technique » de révélation artistique du divin qui procède par une mise de soi en consonance avec une parole divine révélée. Dans cette optique, tout ce qui est susceptible de détourner de cette parole est soigneusement évité.
Cette attitude n'est pas complètement étrangère à l'islam, d'ailleurs. Il y a bien, en islam, et à côté de l'art monumental et de ses arabesques, une forme de poésie qui procède par répétition d'un texte sacré. Donc, là aussi, par une expérience de consonance avec une parole divine. Mais, justement, l'islam n'a pas consacré le principe de cette exclusivité : il a laissé se développer un art visuel, quitte à ce qu'il fût « aniconique », opposé à toute représentation du réel.
Dans la mesure où le judaïsme se définit par cette fidélité à l'ancienne alliance, qui s'incarne dans le livre, l'art qu'il développe reste, cependant, presqu'entièrement voué à la revivification de la parole qui s'y trouve. Un tel art, qui se confond avec le culte, répond-il à la définition de l'art ? Interrogation légitime... Mais telle est la réponse à la question que nous posons sur l'existence d'un art juif. Plus encore, il faut se demander à partir de là comment les deux autres religions, qui sont issues du judaïsme, ont pu briser le cadre et en sortir... On ne peut ici, pour conclure, que suggérer des pistes à cette dernière question : si le christianisme échappe à ce cadre, c'est parce que le livre perd avec lui sa position centrale et qu'il est supplanté par l'incarnation du divin en l'homme. Et si l'islam fait de même, c'est parce que le livre, tout en gardant une position centrale, cesse d'être seulement le lieu d'une mémoire : il est aussi le lieu d'une insurrection... Le Coran inaugure en effet une poésie par laquelle l'homme ne convoque plus héroïquement le divin à la mode de la « jahiliyya », mais est réquisitionné par lui. Et ce même renversement, qui constitue le nouvel ordre, se trouve appelé à se généraliser à travers les autres formes de l'art...


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