Quand les avoirs en devises sont en chute libre, la dérive du déficit commercial nous amène à nous poser une question essentielle, vitale presque. Comment pourrions-nous, demain, faire face à nos engagements en matière de remboursement de la dette ou de couverture des importations essentielles ? Le déficit commercial s'est encore creusé sous l'effet d'un net recul des exportations qui n'a pas été compensé par la baisse des importations. Selon les statistiques publiées hier par l'INS, le déficit commercial s'est encore exacerbé, de janvier à avril 2014. Il a atteint 4.485,2 millions de dinars (MD), contre 3.412,3 MD au cours de la même période de 2013, et ce, en raison de la régression de la couverture des importations par les exportations de 6,4 points, à 67,1%. A dire vrai, il fallait s'y attendre puisque, comme si de rien n'était, la symphonie populiste continue et des revendications sociales infondées trouvent encore un écho favorable... En effet, mis à part les facteurs climatiques qui ont fait chuter les exportations de l'huile d'olive à 104,2 MD en avril 2014 contre 399,7MD durant la même période de 2013, la baisse des exportations de 3,2% au cours des quatre premiers mois de l'année en cours est foncièrement due à la chute des exportations de phosphate et dérivés de 23,4% et du secteur de l'énergie de 11,6%. La dérive de la balance commerciale serait à la limite tolérable si par ailleurs les autres fondamentaux étaient soutenables et que le site tunisien d'investissement était particulièrement sollicité par les flux d'investissement directs étrangers. L'extrême urgence de l'action... Quand les avoirs en devises sont en chute libre, un tel niveau de déficit nous amène au moins à nous poser une question essentielle, vitale presque. Comment pourrions-nous, demain, faire face à nos engagements en matière de remboursement de la dette ou de couverture des importations essentielles ? Pour Radhi Meddeb, il faudrait prendre conscience de l'extrême urgence de l'action : « Le déficit commercial est historique. Les importations filent à toute vitesse pendant que la machine de l'exportation toussote quand elle n'est pas tout simplement en panne. La situation du bassin minier est ubuesque. L'intérêt particulier de quelques mécontents met en péril l'intérêt de la Nation dans l'indifférence quasi généralisée des acteurs économiques, sociaux et politiques. Les investissements directs étrangers, puissant facteur potentiel de rééquilibrage de la balance des paiements, demeurent inscrits aux abonnés absents pour des raisons évidentes. Il suffit d'un rien pour rompre la confiance des investisseurs. Il en faut beaucoup pour les rassurer et leur faire reprendre le chemin de l'investissement. Les avoirs en devises fondent. Ils approchent dangereusement de la barre fatidique des 90 jours d'importations et ils ne se sont maintenus à ces niveaux fragiles que grâce aux emprunts massifs et récurrents contractés à l'extérieur. On peut regretter dans ces conditions la réévaluation artificielle du dinar face à l'euro et au dollar sur les semaines qui ont suivi l'entrée en fonction de l'actuel gouvernement. Le plus grave est que dans ce contexte actuel, particulièrement dégradé, des déséquilibres profonds demeurent, minent toute tentative de colmatage et exigent la mise en œuvre de réformes profondes ». De son côté, l'économiste Moez Labidi n'y va, à cet égard, pas par quatre chemins : « Il est urgent, dit-il, d'engager des restrictions sur des importations de certains produits de seconde nécessité avant que la cure d'austérité ne nous oblige à limiter l'importation de certains médicaments prenant le risque d'exarber un climat social déjà tendu. Cette cure peut également forcer le pays à limiter les importations des pièces de rechange, ce qui sera fort pénalisant pour un appareil productif déjà mal en point. D'un autre côté, l'hémorragie du déficit commercial exerce des pressions baissières sur le dinar et est dévoreuse du stock de réserves de changes du pays. « A force de générer un tarissement des réserves de changes, le déficit commercial complique l'équation du financement extérieur de la Tunisie », insiste-t-il. Reste l'essentiel, comment en l'occurrence stopper l'hémorragie et la dérive du déficit commercial ? « La situation de la balance commerciale restera tributaire de la fermeté des autorités face aux perturbations sociales et à toute action de nature à bloquer la production, notamment des secteurs stratégiques ». Il est, dit-il, pour le moins étrange que certains continuent à « diaboliser le recours au capital étranger cependant qu'ils ne font pas montre de la même diligence à condamner le blocage des sites de production stratégiques tels ceux du phosphate Gafsa ». Face à la poursuite du déficit commercial, avertit Radhi Meddeb, «le défi est davantage au niveau des comptes extérieurs et de la capacité du pays à faire face à ses engagements en matière de remboursement de la dette ou de couverture des importations essentielles, qu'au niveau du règlement des salaires ou des dépenses en dinars». Il est grand temps de s'en rendre compte. Le chef du gouvernement va tenir mercredi prochain une conférence de presse à l'occasion des cent jours du gouvernement. II y a fort à parier que la question du déficit commercial sera un des points saillants du langage de vérité que les Tunisierns attendent, à cette occasion, de Mehdi Jomâa. Par-delà, les bilans.