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Khayyam, l'astronome qui voyait fuir le temps
La Poésie persane, actes du colloque de Beït Al Hikma
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 06 - 2010

• Ainsi que nous l'avons annoncé dans notre édition du mercredi 23 juin 2010, l'Académie Beït Al Hikma vient de publier un autre ouvrage autour de l'Iran, La Poésie persane, où sont condensés, parfois succinctement, les actes du colloque organisé en 2008 par l'Académie.
D'éminents chercheurs et professeurs universitaires venus de plusieurs pays dont l'Iran et, bien sûr, la Tunisie, ont contribué à mieux faire connaître l'évolution de la langue persane , la symbolique ornithologique au service des réformes politiques, la vision persane de la poésie moderne, les quatrains d'Omar Khayyam qui fut également le plus grand homme de sciences de son temps, la spiritualité coranique dans la poésie persane, etc.
La poésie, une constellation de lumière
Dans son intervention autour de la spiritualité coranique, l'Iranien Hassan Esmati a tenu à rappeler d'emblée que «la poésie persane est comme une longue chaîne de montagnes, où les maîtres sont des sommets à la lumière immuable». Des maîtres qui ont aidé le commun des lecteurs à se repérer dans ses goûts, à mesurer la hauteur des inspirations, à escalader le sens des symboles et à aimer les poètes moins importants, mais qui ont contribué à la beauté du paysage littéraire.
Populaire et respecté, le poète montre l'exemple d'un amour authentique pour Dieu et d'une intelligence spirituelle, désintéressée et libérée des passions. Il rappelle aux rois que leur pouvoir n'est qu'un vent du désert, et aux docteurs en religion que la lettre de la loi n'est rien sans son Esprit. Dans les premiers siècles de l'Islam, les populations se convertirent souvent grâce aux derviches. Comme le chiisme, le soufisme a exercé une grande influence sur les ordres de chevalerie (futuveh). Les plus grands poètes persans, excepté Omar Khayyam, furent des mystiques‑: Ferdowsi, Nezâmi, Attar, Mevlana Rumi, Sa'di, Hafiz, Djami et Sohraverdi. Certains poètes ont tracé une voie spirituelle, authentique reflet d'un cheminement vers Dieu. Tous les Iraniens ne sont pas pratiquants, mais beaucoup partagent une sensibilité mystique qu'ils tiennent de leur lecture parfois quotidienne de Hafiz, Sa'di ou Rumi.
Au pays des paradoxes
D'autres communications, notamment celles des Iraniens Nasrallah Emami et Kavs Hassan Li, et du Libanais Victor Alkik ont évoqué l'influence occidentale exercée sur la poésie persane contemporaine depuis le XIXe siècle. Celle-ci,soumise à de profonds bouleversements et d'inévitables métamorphoses, se fait l'écho des paradoxes d'un Iran tiraillé entre son histoire et la modernité, la religion et la laïcité à la turque, entre l'esthétique classique et les vers libres, la langue écrite et le langage parlé, la soif de liberté et la pression des censeurs.
Le XIXe siècle voit encore des poètes néo-classiques, plus ou moins rattachés à la cour impériale comme Forughi,Yaghma et Sorush.Mais sous l'influence de la poésie française (le symbolisme et le surréalisme notamment), des poètes réinterprètent la tradition et explorent d'autres thèmes et une esthétique différente. L'ère moderne de la poésie commence avec Nimâ Yushidj, auteur de La légende, un recueil publié en 1922 qui se révèle être un véritable manifeste pour une poésie nouvelle, plus libre et individualiste, moins conventionnelle et passéiste. Pusieurs poètes ont suivi ce courant comme Faridun Muchiri, Kadanki, Karmarudi ou Muallim. Les poètes iraniens inventent une nouvelle forme pour dire les choses anciennes, ou reprennent les formes classiques (ghazal, rub'aï, mesnavi ou ghasideh) pour raconter leur temps; la poésie se fait moins mythique et mystique. Elle aborde avec plus de réalisme les problèmes politiques, historiques et nationaux. Sa variété lui fait toucher à tout, du social au soufisme, de l'amour à l'impressionnisme. Elle se fait plus subjective et expérimentale, moins épique et idéaliste.
Agnosticisme et pessimisme
Dans sa communication intitulée «Les quatrains d'Omar Khayyam à travers les traductions», le Pr N. Sammoud a longuement évoqué le cas de ce savant (1040-1132) qui maîtrisait les mathématiques, la physique, l'astronomie, la philosophie, la médecine, aux côtés de la poésie. Seuls deux traités scientifiques, sur les quatorze qu'on lui attribus,nous sont parvenus : l'un sur les postulats d'Euclide,l'autre sur des problèmes d'algèbre. On lui doit la réforme du calendrier persan, décidée en 1074 par le sultan seldjoukide Malik Shah.
En Occident, sa renommée est essentiellement due à son œuvre poétique, depuis que le poète anglais Edward Fitzgerald publia, en 1859, une adaptation très libre, mais magistrale de ses quatrains. Depuis lors, son œuvre n'a cessé d'être sujette à la controverse. Des centaines de quatrains attribués à Khayyam, seuls quelques- uns sont considérés comme authentiques.
Les autres, apocryphes et anonymes, sont appelés les «errants», bien qu'ils soient souvent de haute qualité et participent du même état d'esprit que les «véritables».
Plusieurs thèmes de Khayyam ont des accents modernes : une forme d'agnosticisme et de pessimisme, des interrogations sur la vanité et les incertitudes de la science, un rejet de la bigoterie et des manifestations extérieures de la religiosité, une indépendance d'esprit, une révolte contre le caractère éphémère et absurde du monde où l'homme est le pion d'un jeu qui lui échappe. Pour remédier à cette condition, il propose de boire du vin, de contempler la beauté, de ne s'occuper que du moment présent.
«L'astronome qui ne croyait pas au ciel», disait-on de lui. La formule est jolie, mais erronée ou réductrice. Les quatrains de Khayyam sont d'abord un miroir de l'âme orientale; ils en montrent la face de doute, d'introspection, de rébellion, mais ces sentiments sont équilibrés par un sens de la contemplation. Chez Khayyam, le fatalisme, le dépit vis-à-vis d'un monde d'illusions, le mépris de la religiosité, l'impuissance de la connaissance sont compensés par une sensibilité proche du soufisme.
En buvant le vin de l'union spirituelle, les soufis savent que la religion n'est pas absolue, que le bigot est un ignorant et que la connaissance est forcément relative. La contemplation du moment présent est le meilleur des remèdes et la mystique est plus vraie que la religion.
Sur les pas d'Abû Nûwas
S'il chante le vin, c'est sans doute que pour un musulman, surtout, le jus fermenté de la vigne est comme un symbole de libération religieuse et sociale. N'est-il pas, sur ce point, l'héritier persan du grand poète du VIIIe s., Abû Nûwas, de langue arabe mais de mère persane? Quant à l'amour, celui de Khayyam le porte, comme Abû Nûwas encore et la plupart des poètes persans, vers l'éphèbe plutôt que vers la nymphe. L'ambiguïté est souvent permise, puisque la langue persane ne distingue ni le genre ni le sexe.
Ce qu'il faudra retenir de ce poète, mort depuis près de neuf siècles, ce seront sans doute les accents, parfois déchirants, du vieux poète qui pose, sans le résoudre, le problème du libre arbitre, de la responsabilité morale, de la souffrance et du mal. Il crie son désespoir vers un Dieu inaccessible, objet de crainte, d'adoration et de prière auquel il lui arrive de ne pas ménager ses blasphèmes. Il paraît difficile de douter de l'agnosticisme de Khayyam, en dépit des précautions qu'il prend, dans certains quatrains, pour se ménager une porte de sortie en évoquant la grâce divine, sa propre obéissance et son repentir. En fin de compte, ce qui domine chez lui, c'est le sentiment aigu de la fuite du temps et de notre impuissance à fixer le bref instant de précaire bonheur.
* «La poésie persane», Beït Al Hikma, avril 2010.


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