Une partie de la société civile s'indigne Un collectif composé de plusieurs associations et réseaux s'oppose aux modalités de sélection de l'Instance vérité et dignité, qualifiant la commission chargée du tri d'«illégale» Le Réseau tunisien pour la justice transitionnelle (Rtjt), l'Association justice et réhabilitation, le Centre Al-Kawakibi pour la transition démocratique et la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle ont coorganisé, hier, une conférence de presse, intitulée «Instance vérité et dignité : la position de la société civile». Les quatre représentants d'associations et de réseaux travaillant dans le domaine de la justice transitionnelle ont accusé l'Assemblée nationale constituante (ANC) d'être responsable de la création d'une Instance Vérité et dignité « atrophiée et atteinte de malformation» et ont menacé de boycotter la cérémonie d'installation de l'Instance vérité et dignité, le 9 juin prochain, s'il n'est pas donné suite aux revendications de la société civile. Exclusion systématique Selon M. Kamel Gharbi, représentant du Réseau tunisien pour la justice transitionnelle (Rtjt), un collectif regroupant 11 associations, cette conférence de presse est une occasion pour dénoncer le fait que la société civile est écartée du processus qui a donné vie à cette instance. «La société civile a été exclue systématiquement par l'Assemblée nationale constituante du processus de gestation de l'Instance vérité et dignité alors que nous étions parmi ceux qui ont contribué, dans le cadre du consensus national, à mettre en place la loi de la justice transitionnelle», a-t-il déclaré. Il a jouté : «La commission chargée du tri des dossiers de candidature a travaillé derrières des portes closes ignorant nos appels à l'aide et nos propositions ainsi que nos expertises. De ce fait, on ne peut plus parler de transparence». D'autre part, M. Gharbi a pointé du doigt les infractions à la loi au niveau de la sélection des candidats en qualifiant d'«illégale» l'opération de tri des candidatures à l'Instance vérité et dignité. «La composition de cette instance n'est pas du tout équilibrée et indépendante comme en témoigne leur première réunion qui s'est soldée par des querelles. Le grand danger qui nous guette c'est que cette Instance soit minée par les divergences d'idées de ses membres. Cette instance est le résultat de calculs politiques et partisans avec l'intention délibérée d'écarter la société civile», a-t-il renchéri. L'indépendance en question De son côté, Karim Abdesslam, de l'Association justice et réhabilitation, a souligné que son association était parmi les acteurs civils qui se sont opposés dès le début à la composition de la commission de tri des candidatures à l'Instance vérité et dignité car elle manquait d'indépendance et était non conforme aux critères de représentativité déjà mentionnés dans la loi de la justice transitionnelle. «Comment se fait-il qu'ils nous interdisent de saisir les tribunaux pour contester les décisions prises par cette commission ? Même les textes sacrés sont passibles d'être critiqués», a-t-il déclaré. Il a aussi mis en garde contre les conséquences potentiellement graves des travaux de l'Instance vérité et dignité. «Cette Instance va trancher sur un passé de plus de 60 ans. J'estime que la mission de cette instance composée d'une quinzaine de membres sera plus ardue sans l'association de la société civile dans ses travaux», a-t-il ajouté. Le Tribunal administratif pour trancher Quant à M. Amor Safraoui, représentant de la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle (un collectif de 9 associations), a réitéré ses réserves contre cinq membres de l'Instance, sans les nommer, tout en doutant de leur impartialité et surtout leur indépendance. M. Safraoui a rappelé aussi que plusieurs associations et réseaux ont déjà refusé la composition finale de cette instance. « Nous accordons beaucoup d'espoir à la jurisprudence du Tribunal administratif qui a déjà été saisi par plusieurs recours sur ce sujet pour mettre fin aux abus et aux dérives de l'ANC», a souligné le représentant de la Coordination. Rappelons que l'Assemblée nationale constituante (ANC), réunie en séance plénière, le 19 mai dernier, au Palais du Bardo, avait validé la composition consensuelle de l'Instance vérité et dignité par 98 voix pour, 14 abstentions et 23 voix contre.