Par M'hamed JAIBI Alors qu'il est désormais entendu que seul un bon couronnement de la transition démocratique pourrait redonner à la Tunisie sa stabilité et sa crédibilité, et relancer son économie et son développement, l'idée que les politiciens et la politique envenimeraient l'atmosphère et joueraient un rôle néfaste continue de faire son chemin et de s'imposer auprès d'une fraction importante de l'opinion, invitant en définitive les citoyens à se détourner des élections et à bouder les listes électorales. Et certains médias véhiculent cette approche négative présentant les partis politiques comme des boutiquiers soucieux de leurs seuls dividendes en terme de sièges à l'Assemblée et de «financements occultes». Une image qui a, certes, été alimentée par les luttes partisanes et idéologiques qui se sont exacerbées depuis le 14-Janvier, et par le caractère infructueux de l'action politique chez nous, laquelle non seulement n'a pas réussi à concrétiser les objectifs de la Révolution mais a été impuissante face au fiasco économique, sécuritaire et environnemental. Mais que veut-on suggérer en dénigrant l'action politique ? N'est-ce pas une façon nostalgique de valoriser la dictature qui régentait absolument tout ? Qu'on se le dise, le pays est désormais en démocratie pluraliste et se doit d'écouter impérativement la voix du peuple, lors d'élections transparentes appelées à déterminer ses choix. Et, quels que soient les griefs que nous pouvons invoquer contre notre nouvelle classe politique, il est essentiel de comprendre que c'est désormais à elle qu'il incombera de mener notre barque, et à nous d'arbitrer ses débats pour en dégager, à travers le verdict des urnes, la voie royale correspondant à la volonté populaire. En trois ans de révolution, gavé de débats et de tiraillements, le peuple tunisien s'est familiarisé avec la politique, ses «projets de société», ses différents concepts, ses options multiples et ses nuances. Il a regardé faire mille et une entourloupettes sans s'y laisser prendre, il a eu droit à la cacophonie la plus désorientante, aux luttes idéologiques les plus mesquines, il a assisté aux spectacles les plus désolants de violence et de haine... Il a «eu sa dose» mais a acquis les moyens de choisir entre les discours affichés et entre les pratiques constatées, et il sait désormais où les uns ou les autres voudraient le mener. Et le peuple tunisien sait que, désormais, ce sera à lui de choisir et de décider que c'est à lui qu'il revient de trancher. Car, hors ce choix populaire souverain, ne s'offrirait que l'option du retour à la centralisation, à l'autoritarisme et à l'arbitraire. Ou bien le saut dans le vide, la dictature sanguinaire et le pouvoir de l'occulte que voudraient nous imposer les tenants du projet passéiste. Consciemment ou implicitement, en s'amusant à déprécier le rôle et la fonction des partis et du personnel politiques, c'est à l'un de ces deux sombres scénarios que l'on veut mener le pays.