A une journée de l'ouverture de la nouvelle année judiciaire, les magistrats mécontents de l'Ipoj attendent que les décisions les concernant soient révisées La nouvelle année judiciaire 2014-2015, qui s'ouvre mardi 16 septembre, risque de s'opérer sur fond de tensions et de divisions au sein de la famille des magistrats au vu des résultats de l'opération mutation et promotion des magistrats, décidée le 24 juillet dernier par l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire (remplaçant le Conseil supérieur de la magistrature aux époques de Bourguiba et Ben Ali) mais publiée le 29 août dernier au Journal officiel de la République Tunisienne (Jort). Les mécontents parmi les magistrats dont les demandes n'ont pas été satisfaites au plan de la mutation ou de la promotion estiment que l'opération n'a pas obéi aux normes de l'équité et de la transparence. «Nous nous attendions à ce que l'Instance répare les injustices de l'époque révolue. Malheureusement, elle s'est ingéniée à reproduire des injustices encore plus graves», révèle à La Presse le magistrat Ahmed Rouiss, mécontent de sa mutation dans une région qu'il n'a pas demandée. «Trois critères fondamentaux doivent être respectés pour que l'opération se déroule dans la transparence et l'équité. Il s'agit du rapprochement des conjoints, de la désignation dans une région où le magistrat a déjà exercé plusieurs années et de la non-désignation d'un magistrat dans une région qu'il n'a pas demandée, et ce, conformément à l'article 7 de la Constitution du 27 janvier 2014», ajoute-t-il. Et comme l'Instance provisoire de l'Ordre judiciaire (Ipoj) n'a pas respecté ces critères, elle se trouve dans l'obligation de répondre à plus de 100 oppositions. «C'est demain, lundi 15 septembre, que l'Ipoj examinera les oppositions. Les réponses favorables ou défavorables devraient être rendues dans une semaine ou dix jours. Seulement, les magistrats devraient rejoindre, mardi prochain, leurs nouveaux postes pour assister à l'ouverture de la nouvelle année judiciaire», précise Ahmed Rouiss. Que pourront faire les magistrats mécontents au cas où ils n'obtiendraient pas satisfaction ? «Il nous reste un seul recours, c'est ester devant le Tribunal administratif qui peut nous rendre justice», confie-t-il. Une orientation à encourager Du côté de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), on développe un discours où le positif se conjugue au négatif dans la mesure où l'opération effectuée par l'Ipoj a bien respecté les normes, mais on y décèle quelques erreurs qu'il importe de rectifier le plus tôt possible. Raoudha Karafi, présidente de l'ATM, précise : «Pour la première fois dans l'histoire de la magistrature tunisienne, ont été annoncés depuis avril 2014 les critères sur la base desquels vont être effectuées la mutation et la promotion des magistrats. Il s'agit de la compétence, de l'intégrité et, pour la première fois, l'ancienneté générale dans le métier pour ce qui est de l'octroi des postes de responsabilité: ce qui permet aux magistrats écartés pour diverses raisons à l'époque révolue d'accéder à ces postes dont ils ont été injustement privés». Une autre nouveauté à mettre en valeur : «Pour la première fois, les magistrats du Tribunal immobilier se voient mutés ou promus par l'Ipoj alors qu'auparavant, c'était le président du Tribunal immobilier qui décidait de tout sans que personne ne lui demande de comptes ou puisse s'opposer à ses décisions. Mieux encore, c'est le 24 juillet dernier que l'opération mutation et promotion a été annoncée, ce qui permettait aux magistrats de se préparer à la nouvelle année judiciaire dans de bonnes conditions», indique Mme Karafi, qui insiste pour souligner que l'AMT encourage cette orientation prise par l'Ipoj. Pour autant, elle reconnaît que l'Ipoj a commis quelques erreurs qu'elle devrait rectifier dans les plus brefs délais. La présidente de l'AMT cite certaines demandes de mutation qui ont été rejetées sans justification et des décisions d'octroi de postes de responsabilité injustifiées également. «L'Ipoj est tenue de répondre aux oppositions qui sont au nombre de 100, contre 150 l'année dernière, et de faire connaître sa réponse non seulement aux magistrats contestant ses décisions mais aussi à l'opinion publique qui suit de prés tout ce qui a trait à la réforme de la magistrature», relève Mme Karafi. «Quant aux accusations de népotisme et de clientélisme lancées à l'Ipoj, elles proviennent essentiellement de ceux qui ont profité à l'époque révolue de tous les avantages et qui se considèrent toujours au-dessus de tous les critères d'équité ou d'égalité de chances», conclut-elle.