• La liste des magistrats corrompus établie par l'AMT est fin prête et ne sera pas soumise au ministère de la Justice • L'AMT introduit deux actions en justice contre Béchir Tekkari, ancien ministre de la Justice, et Khaled Abbès, juge «autoproclamé président d'honneur de l'association» • Une liste de 214 magistrats, de différents grades, ont bénéficié de promotions et de postes de responsabilité qu'ils ne méritent pas «La liste des avocats qui doivent être révoqués pour corruption, malversation et compromission avec le régime déchu est déjà prête. Nous ne la soumettrons qu'à une partie ou une structure indépendante dans laquelle nous avons confiance. Elle ne sera, en aucune manière soumise au ministère de la Justice qui a, lui aussi, besoin d'un grand coup de balai d'assainissement. Nous disposons, également, d'une liste de 214 magistrats de différents grades qui ont bénéficié de promotions à l'occasion du mouvement de mutation opéré le 30 juillet dernier dans le corps des magistrats. Ils ne devaient pas être promus dans la mesure où ils étaient considérés comme les magistrats de la honte qui obéissaient aux ordres en prononçant les jugements les plus répressifs dans l'histoire de la magistrature tunisienne. Nous avons exprimé notre opposition à ce mouvement et nous avons appelé à la révision des décisions prises. D'ailleurs, plus de 150 juges ont introduit des recours d'opposition aux décisions issues de ce mouvement. Notre position est ferme et irréversible : la modernisation de la magistrature passe inéluctablement par l'assainissement du secteur et il ne peut y avoir de solutions définitives dans une période transitoire». Ainsi s'exprimait hier le juge Ahmed Rahmouni, président de l'Association des magistrats tunisiens, devant les journalistes, lors d'une conférence de presse au cours de laquelle il a traité des principales questions préoccupant, à l'heure actuelle, les magistrats tunisiens. Des positions de principe Ainsi, le président de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a-t-il insisté sur la clarté et la transparence des positions des magistrats qui ont publié, le 27 juillet 2011, un rapport sur les exigences et les réformes que la magistrature tunisienne doit connaître, en cette période transitoire. «Les magistrats soutiennent des réformes fondamentales, appellent à la mise à l'écart des magistrats qui ont porté atteinte, par leurs jugements injustes et leur comportement inacceptable, à la justice et aux droits de l'Homme, à l'époque révolue. Ils revendiquent un mouvement d'assainissement rompant avec le passé et toutes ses pratiques contraires aux principes élémentaires des droits de l'Homme, de l'équité et de la liberté. L'AMT considère que les solutions à appliquer actuellement ne peuvent être que de transition dans l'attente des élections de l'Assemblée constituante. Même le nouveau Conseil supérieur de magistrature dont nous réclamons la constitution doit être une structure de transition jusqu'aux élections à la suite desquelles l'on peut parler de légitimité issue des urnes. Les magistrats sont attachés également à l'instauration du principe de la consultation et de l'association de leur association (AMT) à la réforme de la justice et à l'assainissement du corps des magistrats», a-t-il martelé. «Malheureusement, continue toujours Ahmed Rahmouni, les suites de notre rencontre du 22 août dernier avec le Premier ministre n'ont pas été à la hauteur des attentes des magistrats et les désignations ainsi que le mouvement de mutation ont été opérés sans consultation de l'AMT, d'où l'opposition des magistrats à ces décisions». Le président de l'AMT révèle que quelque 214 magistrats ont bénéficié de promotions ou ont été désignés dans des postes de responsabilité qu'ils ne méritent nullement au vu de leur passé et de leur compromission avec le régime déchu. Il cite parmi cette liste qu'il désigne comme la liste des 214 (une nouvelle liste autre que celle des juges corrompus établie par l'AMT suite à la demande du Premier ministre dans son discours du 18 août dernier), 3 présidents de cour d'appel, 15 présidents de tribunal de première instance, 61 juges, 14 procureurs généraux, 21 substituts du procureur de la République et 28 juges d'instruction. M. Rahmouni précise encore que le mouvement du 30 juillet dernier a vu 17 représentants du ministère public préserver leurs postes, 25 présidents de chambre sur 28 ont été maintenus et 19 substituts de président de tribunal exerçant depuis l'époque du président déchu continuent à sévir. Non aux solutions définitives dans une période de transition A propos du projet du décret présidentiel sur le statut des magistrats soumis à l'association pour avis, il a notamment souligné que l'AMT rejette les projets de loi unilatéraux et estime que c'est aux magistrats de proposer les textes de loi concernant leur profession. «D'ailleurs, l'AMT a déjà mis en œuvre un projet de statut pour les magistrats qu'elle n'est pas disposée à soumettre au ministère de la Justice dans sa composition actuelle. Pour ce qui est du décret-loi organisant la profession d'avocat, nous exprimons notre désolation pour la promulgation de cette loi dans la mesure où nous sommes opposés au principe de légifération en période de transition. Cette position ne nous empêche pas d'exprimer notre soutien à une avocatie libre et active. Seulement, nous sommes convaincus qu'il ne peut y avoir d'avocats indépendants alors que la justice est en ruine», a-t-il ajouté. M. Rahmouni a annoncé, par ailleurs, que l'AMT a décidé d'intenter une action en justice en commun contre l'ancien ministre de la Justice Béchir Tekkari et le juge Khaled Abbès «qui s'est autoproclamé président d'honneur de l'AMT alors que ce poste n'existe pas au sein de l'association», pour crimes d'appropriation, de vol, de falsification et de détention et d'utilisation d'objets falsifiés. L'AMT a décidé , également, de poursuivre individuellement Khaled Abbès pour escroquerie conformément à l'article 291 du code pénal, sur fond du complot en date de 2005 contre le bureau exécutif de l'AMT. Pour ce qui est de la liste de magistrats découverte au Palais présidentiel de Sidi Dherif et sur laquelle il y avait une double indication : «avocats sur lesquels on peut compter» et «avocats sur lesquels il est impossible de compter», il a fait remarquer que l'AMT a demandé une copie de cette liste à la commission de M. Abdelfattah Amor, en vertu d'une autorisation sur requête. «Malheureusement, notre demande n'a pas été exaucée puisque M. Abdelfattah Amor nous a répondu qu'un communiqué a été publié par les journaux et qu'il s'agissait d'une liste concernant le mouvement de mutation des magistrats opéré chaque année».