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Les Sentinelles Slow Food en marche
Reportage - La culture du blé à Gaffaya et Lansarin
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 09 - 2014

La zone des collines Lansarin et Gaffaya, située à 30 kilomètres de Tunis, et à 500 et 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, est le foyer de deux anciennes variétés de blé dur, Mahmoudi et Schili, cultivées sur de petites parcelles de terres familiales. Les vertus de leur semoule ont dépassé les frontières. Nous sommes allés sur les traces de cette variété tant prisée pour sa qualité nutritionnelle et que les Sentinelles Slow Food essaient de sauvegarder. Reportage.
11h00 du matin, dans un garage de réparation de matériels agricoles à Tebourba, rendez-vous est pris avec les membres de l'Association Slow Food. Leur aîné, Nabil Ben Marzouk, vice-président et trésorier de l'association, le plus expérimenté de tous, est porte-parole et défenseur le plus acharné de ce mouvement né en Italie en 1986 pour s'opposer au Fast food américain représenté par les Mac Donald's et autres.
Tous les membres de la Sentinelle Slow Food : Marzouk Mejri, président, et Kaïs Boukhris, enseignant de physique et membre fondateur de l'association, ainsi que les autres membres, tous de jeunes étudiants : Atef Hassine, Malek Landoulsi et Khélifa Oueslati, Kaïs Boudhhir, Oussema Khezami, Atef Hassine et Rachid sont convaincus de la nécessité de changer les habitudes de nutrition en préservant le patrimoine agricole local, principalement la variété de blé de la région de Tebourba, notamment celui de Lansarin et Gaffaya, hautes collines de plus de 560 mètres d'altitude, où sont cultivées deux anciennes variétés de blé dur : Mahmoudi et Schilli.
«J'ai pris conscience de l'importance de cette variété de blé bio après la mort de mon père d'un cancer. Depuis, j'ai décidé d'adopter une alimentation pour ma famille et moi-même saine sans apport en pesticides ou autres améliorants », explique Nabil Ben Marzouk qui a fait de cette histoire personnelle son cheval de bataille. C'est en se tournant au passé qu'il entrevoit donc la solution. Le blé Mahmoudi et Schilli est cultivé sans apport en engrais en petite quantité dans de petites parcelles dispersées avec des méthodes à l'ancienne d'où leur rendement nutritionnel élevé. Cette variété « rustique » est produite en quantité négligeable par rapport à l'agriculture intensive de blé tendre. L'Association Slow Food essaie de valoriser la culture de blé dur meilleur pour la santé grâce à son apport en protéines.
Contre l'extinction
A quelques encablures de la ville de Tebourba, la route est vallonnée et tortueuse. La viticulture, qui faisait la réputation de la région (les Coteaux de Tébourba), a été remplacée par la culture de blé tendre. Les travaux du barrage Hammam Boukhadhra du Oued Tin sont en cours. «Une fois achevé, le barrage compensera le manque d'eau. On prévoit une hausse des prix des terrains», nous fait savoir notre accompagnateur. Au loin, sur les hauteurs de Gaffaya, des parcelles de terre brûlent au soleil. La récolte de blé est terminée, les agriculteurs préparent leurs terres pour accueillir les prochaines semences.
Des dizaines d'hectares sont dispersés çà et là sur des terrains accidentés où les tracteurs ne peuvent accéder. Ce qui rend difficile leur entretien d'autant que le fumier manque en raison de l'éloignement de la région de la zone communale. «Pour 100 kg de semences plantées, on obtient 700 kg de blé, soit 10 tonnes par an, ce qui est dérisoire», reconnaît Ben Marzouk. Les exploitations ici certifient un sol sans herbicide, fongicide, ni insecticides.
Au sommet de la colline, une petite épicerie est le lieu des retrouvailles des quelques habitants de Gaffaya. Baba Belgacem, 95 ans, grand et droit, blouse grise et chapeau de paille sur une chéchia rouge, a commencé à travailler la terre depuis l'âge de 16 ans. «C'est une ferme familiale de 16 hectares héritée de père en fils. Actuellement, c'est mon fils et mon petit-fils qui la gèrent», indique-t-il. Blé, orge, fève sont les principales productions de ces terres semi-arides.
Dans ce coin isolé et perdu, l'eau manque. Une source lointaine est le seul moyen d'approvisionnement en eau. Les jeunes ont déserté la région et n'y viennent qu'en invités. «Ici, le Mahmoudi et le Schilli ne sont pas légion. Nous utilisons la variété Karim en cours, parce qu'elle est plus rentable, mais si on nous livre la semence et les engrais naturels nous poursuivrons la culture du Schilli ou du Biskri», relève Baba Belgacem. Son fils Mahmoud déplore l'indifférence des autorités locales à leur égard. «Personne ne se soucie de nous. Nous restons en marge de la société», tance-t-il.
Difficile retour aux origines
Nabil Ben Marzouk a promis qu'il se chargerait de leur procurer la semence dont les origines remontent très loin depuis les premiers habitants de la Tunisie, les Amazighs, ainsi que le fumier. Ce n'est pas un hasard si la Rome antique désignait la Tunisie comme son grenier. Aujourd'hui, les Italiens opèrent un retour aux sources en encourageant cette culture de blé dur pour la sauvegarder d'une extinction imminente. «En 1904, Tebourba a obtenu la médaille de bronze pour la production de blé dur», se souvient le vice-président de l'Association Slow Food.
En effet, résistantes aux maladies, capables de lutter contre les adventices (mauvaises herbes) et résistantes également à la verse en cas d'orage (le blé se couche moins) et pouvant pousser avec peu d'engrais, les deux variétés de blé ont une longue paille et des grains ambrés vitreux qui sont utilisés pour faire de la semoule pour le couscous, blé pour le pain et boulgour (grains écrasés cuits à la vapeur) et bsissa. Ses caractéristiques répondent à un besoin double : l'utilisation de la paille pour l'alimentation du bétail pendant les périodes de disette et un rendement semoulier élevé servant à la fabrication du couscous et du pain de blé dur.
La variété Schili, l'une des variétés les plus anciennes de blé, est aujourd'hui cultivée par très peu d'agriculteurs sur de petites parcelles dans les collines qui ne sont pas facilement accessibles par les machines. Par rapport aux variétés modernes, Schili a une tige très grande. Traditionnellement, les tiges ont été tissées dans des tapis utilisés pour couvrir les murs de fosses creusées dans le sol pour stocker le grain.
La variété Mahmoudi, d'autre part, a été choisie au début du 20ème siècle, en égard à sa valeur nutritionnelle et sa résistance à la sécheresse et la rouille du blé noir. Elle est surtout cultivée dans les collines, parfois sur les plateaux plats, où les machines, telles les batteuses, peuvent être utilisées, et parfois sur des pentes abruptes inaccessibles aux machines. Dans ces cas, la culture se fait entièrement à la main, du semis à la récolte.
Engrais chimiques et pesticides ne sont pas utilisés, pour éviter au sol de s'appauvrir, le blé est en rotation avec des légumineuses.
L'Association tente de redonner leur prestige à ces deux variétés de blé robuste et incite les agriculteurs à les reconnaître en raison de leur bonne teneur en protéines et leur force boulangère sans intrants chimiques et capables de renouveler les sols et non de les épuiser. Encore faut-il que les agriculteurs en soient convaincus. La production par hectare est faible. Elle couvre juste les besoins locaux et ne peut servir à nourrir tout un pays. Délaissée, cette variété est sur le point de disparaître à l'instar du « biskri » (variété algérienne de la région de Biskra). Difficile de maintenir cette lignée pure et homogène, «cela nécessite un travail de longue haleine», atteste Mahmoud.
Prendre de la hauteur mais...
Cultivant en parallèle du blé hybride, notre agriculteur se rend compte alors que deux mondes différents coexistent dans ses champs. Et les variétés anciennes font preuve davantage de pertinence. Plus ils sont hauts et colorés, plus ils sont meilleurs, mais ils ne sont pas systématiquement rentables même si, au bout du compte, la variété de blé est parfaitement adaptée aux terres, aux conditions pluviométriques et au climat de la région.
L'objectif de la Sentinelle Slow Food est d'inciter les agriculteurs à consacrer des parcelles de terre à la culture du blé dur Mahmoudi et Schilli et de sauvegarder de la sorte le patrimoine agricole et les traditions culinaires. «Rien n'est garanti pour le blé hybride, il suffit d'un changement brutal du climat pour attaquer la production comme le cas, cette année, des poires», relève Malek Landousi, membre de la Sentinelle.
La culture de ces variétés anciennes en utilisant des techniques traditionnelles permet à un groupe d'agriculteurs âgés à maintenir la fertilité du sol et de préserver la terre de l'érosion. Malgré cela, les deux variétés risquent la disparition, menacées par l'introduction d'hybrides plus productifs. A cet effet, un présidium a été fondé sur recommandation de Marzouk Mejri, un Tunisien vivant à Naples, originaire de Tebourba. L'objectif principal de ce présidium est d'encourager la création d'une coopérative d'agriculteurs tunisiens et les femmes qui transforment la semoule de blé dur lentement séché et diverses autres pâtes traditionnelles.
Un projet qui devrait relancer une microéconomie donnant une reconnaissance appropriée pour le travail agricole de la communauté et la protection de la biodiversité et de l'environnement et la culture locale. De retour à Tebourba après cette virée dominicale, tout le long d'une partie de la route apparaissent des milliers de piquets soutenant des lamelles en plastique sur lesquelles sèchent des tomates destinées au marché italien. Le sel servant à l'opération de séchage se disperse sur le sol et contamine la terre, «c'est pire que Chernobyl. D'ici quelques années, cette terre ne servira plus à rien», affirme notre accompagnateur. Comme quoi, «l'enfer est pavé de bonnes intentions», comme dit le slogan.


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