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«Nous avons toujours été pour une société citoyenne»
Entretien avec Mustapha Ben Jaâfar, candidat à l'élection présidentielle
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000

La nouvelle Constitution du pays est incontestablement la grande fierté de Mustapha Ben Jaafar. Cependant, à aucun moment, au cours de cet entretien avec La Presse, il ne nous a semblé qu'il en revendique la paternité. Par humilité sans doute. La nouvelle Constitution est omniprésente dans chacun de ses propos autant par les valeurs qu'elle porte que par l'esprit de consensus qui a présidé à son adoption par l'ANC. Et c'est bien le souci du respect de ces valeurs qui semble tout particulièrement motiver sa candidature à l'élection présidentielle tout autant, au demeurant, que sa conviction que l'entreprise de construction du pays ne s'achèvera pas avec les prochaines élections et qu'elle se fera nécessairement dans cet esprit de consensus. «Je suis satisfait de relever que je ne suis pas aujourd'hui le seul à défendre l'idée d'un gouvernement d'unité et d'intérêt national au lendemain des prochaines élections ». Le consensus encore une fois. Même si le secrétaire général d'Ettakatol a clairement manifesté son refus de l'idée avancée par Ennahdha d'un président consensuel... «Du fait, dit-il, de son élection au suffrage universel direct, le chef de l'Etat a une responsabilité toute particulière vis-à-vis du peuple. Son premier rôle est d'être le garant de la Constitution et des libertés et le rassembleur et l'arbitre en cas de crise ». Entretien.
Vous êtes aujourd'hui candidat à la présidentielle, que signifie et que représente pour vous cette candidature ?
Cette candidature marque une volonté de ma part de continuer à assumer mes responsabilités de citoyen responsable. Nous sommes en période de construction. Nous avons un peu mis le socle de la démocratie nouvelle, essayant de tourner la page de la période dictatoriale. Nous avons dans ce sens mis en place un certain nombre d'institutions et de lois importantes dont bien évidemment la nouvelle Constitution qui est le véritable socle de la Tunisie moderne. Cependant, il est faux de croire que la période de transition va s'arrêter au lendemain des prochaines élections. Je pense qu'avec l'expérience que j'ai acquise au cours de ces trois dernières années, je serais à même de contribuer à cette entreprise de construction dans le même esprit avec lequel elle a démarré. Mon profil de militant sur plusieurs décades pour les libertés et pour la démocratie et contre le despotisme me donne un atout supplémentaire en ce sens que mon engagement, sur plusieurs décades, pour ces valeurs est propre à rassurer le peuple tunisien que la responsabilité du chef de l'Etat qui découle d'un suffrage universel direct sera entre de bonnes mains. La Tunisie passe par une phase de transition très délicate où nous avons vu les conséquences de tous les tiraillements politiques, sachant qu'un certain nombre de forces ont misé sur la fracture du pays en deux et tout le monde sait le rôle que j'ai joué pour rapprocher les points de vue et pour aboutir au consensus aussi bien lors des débats sur le projet de la nouvelle Constitution que dans d'autres circonstances où la Tunisie a traversé des crises politiques majeures.
Votre tâche à l'ANC n'a guère été de tout repos. Vous aviez même parfois eu du mal à maîtriser, à canaliser et arbitrer d'une manière objective les débats. Cela pourrait être handicapant pour un candidat à l'élection présidentielle... ?
J'ai, bien au contraire, l'impression que l'opinion publique considère aujourd'hui que j'ai réussi dans cette mission. La tâche n'était pas aisée : la Tunisie était en phase d'apprentissage de la démocratie, l'ANC était le cadre le plus approprié pour engager cet apprentissage qui commence par l'acceptation de l'autre et par l'organisation d'un dialogue dont on attend le maximum d'efficacité. Avec le pluralisme enfin retrouvé au sein de cette assemblée, on ne pouvait que s'attendre à ce que cette expérience soit difficile. C'est un choix de démontrer à l'opinion publique exactement tout ce qui se passe à l'ANC. On savait les aspects négatifs du choix de la transparence et de la retransmission directe des débats de l'assemblée, mais nous avons fait ce choix et l'avons assumé. L'histoire nous donnera à cet égard raison et nous fera justice. Je ne regrette pas du tout d'avoir été à la tête de cette assemblée qu'il faudra juger sur le bilan. Et à ce titre, nous avons fait des choses merveilleuses : doter le pays d'une nouvelle Constitution et d'institutions essentielles comme l'Isie, l'Instance vérité et dignité, la loi électorale...
L'Histoire retiendra votre décision de suspendre les travaux de l'ANC au moment où le pays connaissait une grave crise politique et institutionnelle...
Mettre l'intérêt de la Tunisie au-dessus de toute autre considération est une constance de notre parcours politique. A travers cette décision, on cherchait avant tout à apaiser le pays et assurer les meilleures conditions pour que le processus lui-même ne soit pas arrêté. Dans toutes les décisions politiques, il y a évidemment un risque, mais en politique seul compte le résultat. J'ai à ce titre toujours considéré que la solution est dans le dialogue et dans la participation. J'ai tout fait pour que le Dialogue national reprenne sous l'égide du Quartet. Sans doute, la décision de suspendre les travaux de l'ANC n'a guère été bien comprise au début, mais toute la classe politique a fini par saluer cette décision et par admettre que c'était certes une mesure choc mais qui aura été un acte salvateur qui a assuré la continuité du processus démocratique.
Et c'est tout de même ce qui a permis au pays d'aboutir là où nous sommes aujourd'hui : un pays avec une nouvelle Constitution qui, pour ainsi dire, a été plébiscitée (adoptée avec 200 voix sur 216) et qui est, en toute sérénité, à la veille des élections avec une campagne électorale en vue, des dates précises et j'espère que tout ira pour le mieux grâce à la vigilance de l'instance supérieure chargée des élections.
Depuis que vous êtes candidat à la présidentielle, vous semblez avoir changé de discours et vouloir vous démarquer par rapport à vos anciens alliés au sein de la troïka, Ennahdha et le CPR. Qu'en est-il au juste ? Vous rejetez par exemple la proposition d'Ennahdha d'un candidat consensuel pour la présidentielle...
Non, il n'y a pas de changement, notre discours est tout à fait dans la cohérence. Non seulement nous sommes dans la cohérence par rapport à ce que nous avons fait depuis les dernières élections, mais mieux encore, nous sommes dans la cohérence avec tout notre itinéraire sur quarante ans. Nous avons toujours été pour une société citoyenne. C'est-à-dire pour une société dans laquelle on ne peut admettre de fracture et où chaque citoyen, indépendamment des idées dont il est porteur, doit bénéficier des mêmes droits et être tenu aux mêmes obligations que tous les autres citoyens. Cela n'a pas toujours été bien compris même au sein de notre grande famille sociale et démocrate, notre famille de gauche. Nous avons toujours été contre la répression et toutes les atteintes aux libertés quel que soit celui qui en est la victime. La Tunisie appartient à tous les Tunisiens et à toutes les Tunisiennes et son sort dépend de leur volonté et continuera à dépendre de cette volonté.
Vous dites être dans la cohérence depuis quarante ans, quelle est aujourd'hui votre position par rapport à vos anciens alliés au sein de la troïka, Ennahdha et le CPR ?
Ce sont des partis avec lesquels nous avons fait une coalition plus qu'une alliance. Ce choix a été dicté par la situation au lendemain des élections du 23 octobre. Il s'agissait alors de choisir entre laisser Ennahdha guider toute seule le destin du pays ou bien nous associer et prendre nos responsabilités en acceptant de prendre des risques dans une période de transition pleine de dangers. Aujourd'hui, nous pouvons dire en toute objectivité que ce pari a été gagné dans la mesure où la Tunisie est aujourd'hui citée dans le monde par ce qu'elle a su, dans une période particulièrement turbulente sur le plan sécuritaire, social et économique, à la fois réconcilier la famille à référence religieuse et la famille séculariste et conduire la transition politique à bon port.
Certes, mais cela ne répond pas à la question de votre position par rapport au CPR et Ennahdha...
Ce sont des alliés avec qui nous avons travaillé, avec des hauts et des bas. Pour l'avenir, il faudra voir quelle sera la composition du paysage politique national au lendemain des prochaines élections. Je suis à ce titre satisfait de relever que je ne suis pas aujourd'hui le seul à défendre l'idée d'un gouvernement d'unité et d'intérêt national au lendemain des prochaines élections. Je suis intimement persuadé que si l'on avait opté pour un tel gouvernement en 2011, on aurait incontestablement gagné plus en sérénité et moins en tiraillements politiques et probablement plus d'efficacité pour faire face à ce cancer, le terrorisme, qui essaie aujourd'hui de s'étendre. J'espère que le climat général dans lequel se déroulera la campagne électorale aussi bien pour les législatives que pour la présidentielle sera concentré d'abord sur les programmes et les projets et évitera d'opposer les Tunisiens aux autres Tunisiens et de les diviser entre islamistes et mécréants... Notre socle constitutionnel est là ; il définit clairement un projet de société ouvert sur le monde, moderne, équilibré, respectueux des libertés et enraciné dans nos valeurs.
Vous disiez que Mustapha Ben Jaafar, c'est aussi Ettakatol. Mais ce parti politique semble avoir beaucoup perdu en représentativité et en popularité depuis sa participation au pouvoir au sein de la troïka...
Je ne suis pas du tout d'accord. Ce ne sont pas dans nos habitudes de dire que nous sommes les meilleurs. Nous restons convaincus que, au-delà des bases historiques d'Ettakattol, le projet d'Ettakatol qui date de 1994 et son programme répondent aujourd'hui aux attentes d'une grande majorité de Tunisiens. Ettakatol est, cela va de soi, un parti pour les libertés et pour la démocratie. Et quand nous disons «démocratie», ce n'est pas un discours mais une culture et une pratique. Nous sommes pour un nouveau modèle de développement qui, et là aussi ce n'est pas un discours, assure en même temps le développement et la croissance et une répartition juste et équitable des fruits de cette croissance. Il est vrai que notre passage au pouvoir et notre participation à un gouvernement avec Ennahdha et le CPR nous a coûté aussi bien en termes de militants qu'en termes de compréhension et de popularité au niveau d'une classe bien particulière, mais je peux vous assurer que le courant est en train de s'inverser d'une manière quasi spectaculaire.
Nonobstant le niveau de popularité de votre parti, vous aurez pour la présidentielle besoin de l'appui d'autres partis politiques...
C'est évident, je ne suis pas le seul à le dire sauf peut-être un parti qui estime avoir plus de 50% dans le pays. Aucun parti ne pourra gouverner le pays tout seul. Aucun parti ne pourra avec ses seules voix conduire un candidat à la présidentielle. D'ailleurs, en tant que candidat à la présidentielle, je m'adresse à tous les Tunisiens sans exclusion, aux destouriens, à la gauche démocratique, à l'électorat d'Ennahdha et du CPR. Si je suis tenté par cette responsabilité, c'est pour l'assumer entièrement et être le président de tous les Tunisiens.
Certains considèrent que le véritable pouvoir sera demain à La Kasbah et non à Carthage. Qu'en pensez-vous et comment concevez-vous les rapports futurs entre le président de la République et le président du gouvernement ?
D'abord, il faut rectifier pour dire que les pouvoirs entre les deux têtes de l'exécutif sont assez équilibrés. Le président de la République et le président du gouvernement ont chacun un champ de responsabilité distinct et en même temps des zones communes. Toute la question est de savoir gérer ces zones communes. Raison pour laquelle la personnalité du futur chef de l'Etat et celle du futur chef du gouvernement joueront un rôle essentiel pour la conduite cohérente et sans accrocs de la période à venir. Il est tout à fait faux de dire que le chef de l'Etat n'a pas de responsabilité. Du fait qu'il préside le conseil des ministres et qu'il peut présider tous les conseils des ministres, il peut intervenir sur toutes les questions, cela dépendra de sa volonté. Personnellement, je serais pour moins d'interventionnisme pour ne pas gêner l'action du gouvernement. Il faut laisser le gouvernement assumer ses responsabilités d'autant plus qu'il sera comptable de ses actes devant la Chambre des représentants du peuple. Par ailleurs, le chef de l'Etat doit intervenir d'abord sur les questions qui sont du domaine de ses responsabilités, la défense et la diplomatie, mais il doit donner son avis chaque fois qu'il s'agit d'une question nationale d'importance. Il peut à ce titre aller jusqu'à demander l'organisation d'un référendum si jamais il juge qu'il y a une question qui touche les libertés et qui n'est pas sur les rails. Il peut, en cas de crise entre la Chambre des représentants du peuple et le gouvernement, dissoudre l'assemblée. Le chef de l'Etat a ainsi un réel pouvoir, la question qui se pose est comment va-t-il en user. Du fait de son élection au suffrage universel direct, il a une responsabilité toute particulière vis-à-vis du peuple. Son premier rôle est d'être le garant de la Constitution et des libertés et le rassembleur et l'arbitre en cas de crise.


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