Points communs aux programmes économiques de la majorité des partis en lice pour la future Assemblée du peuple : absence de diagnostic de la situation économique du pays, manque de réalisme et optimisme démesuré L'économie demeure, en dépit de tout, le point essentiel sur lequel l'ensemble des partis politiques a focalisé ses programmes électoraux. Des programmes sur la base desquels les Tunisiens sont appelés à élire leurs représentants pour les cinq prochaines années. Entre promesses irréalisables, populisme et optimisme béat de certains, Moëz Joudi, président de l'Association tunisienne de la gouvernance et expert économique, estime, dans une lecture comparative des programmes économiques des partis, que la majorité ne sont pas partis, dans la construction de leur programme économique, d'un diagnostic réel de la situation. Or, un parti politique devrait, à son sens, être outillé pour effectuer sa propre évaluation de la situation. Aucun parti n'a présenté un seul chiffre issu de sa propre étude de la situation. Rares sont les partis qui ont procédé à cet exercice. Et pourtant, c'est un exercice utile. Car, l'expert affirme que, quel que soit le parti qui remportera ces élections et qui aura à former un gouvernement, se trouvera face à une économie « sous perfusion » et est appelé à réagir immédiatement, dans une tentative de trouver des remèdes. Faut-il rappeler que l'économie souffre d'un déficit budgétaire, d'une inflation galopante, le dinar est au plus bas de ses niveaux. Sans compter qu'au cours des années 2015, 2016 et 2017, la situation risque de s'aggraver, avec notamment l'accumulation des charges de l'Etat et le démarrage des remboursements des crédits contractés auprès des bailleurs de fonds internationaux. Or, aucun des programmes électoraux présentés jusque-là n'a pensé au cours terme, et aucun ne propose de solutions « Quick Win ». Taux de croissance démesuré Du côté de la croissance et des investissements, désormais deux facteurs indispensables pour la création d'emplois, l'ensemble des partis proposent, selon Moëz Joudi, «trop de projets et trop d'optimisme, avec des projections de chiffres surévalués ». Ettakatol, par exemple, parle de 1% de croissance par an avec un objectif d'atteindre 8%, en 2019. Du côté de Nida Tounès, les projections évoquent 4% de croissance, en 2015, et 8% en 2019. Quant à l'UPL, il se projette de réaliser un taux de croissance de 10%. Autant les projections des investissements sont alléchantes, autant on se pose une question primordiale, à laquelle aucun parti n'a répondu : comment réussira-t-on à drainer ces investissements ? Quelles en seront les ressources financières ? D'autres partis, à l'instar d'Afek Tounès et d'El Massar, se sont contentés d'un taux de croissance plus mesuré entre 5 et 6%. Il va sans dire que la croissance et l'investissement sont indispensables pour la création d'emplois. Et si les projections au niveau du taux de croissance sont démesurées, le nombre d'emplois à créer l'est aussi. Certains partis projettent de créer 90 mille emplois par an, jusqu'à 2019. Or, « c'est un chiffre utopique », estime l'expert. Car, il ne suffit pas de créer de l'emploi. Ce dernier a besoin d'être maintenu et soutenu. En Tunisie, ajoute l'expert, nous avons davantage un problème d'employabilité que d'emplois. Car, les programmes d'enseignement ne sont pas adaptés aux besoins du marché de l'emploi. Et, sur ce plan, aucun parti n'évoque une réforme de l'enseignement supérieur, encore moins de la formation professionnelle. La plupart se sont contentés d'un raisonnement simpliste : investissement, croissance et emploi. Sachant que 1% de croissance permet la création de 15 à 20 mille emplois. L'idéal est de présenter un projet de réforme profonde en tentant de rapprocher la formation académique du monde des affaires et de revaloriser la formation professionnelle qui offre des perspectives d'emploi intéressantes. Nouveau modèle de développement : zéro proposition Autres points communs sur lesquels plusieurs partis ne se sont pas exprimés en profondeur, l'impératif urgent de réformer les caisses de sécurité sociale. Aujourd'hui, les trois caisses sont dans une situation difficile, avec un déficit cumulé de l'ordre de 400 MD. Et si aucune réforme n'est engagée, le déficit se creusera chaque année de 100 MD supplémentaires. Seuls quelques partis, Afek et El Masar, ont traité la question mais pas de manière approfondie. Il en est de même pour la question des réformes économiques et fiscales, sauf que « Afek a tout de même proposé des solutions simples et pertinentes ». Pour les autres, ils se sont contentés de présenter des grandes lignes, sans aucun détail de leur projet. Au regard de l'expert, on reste dans les slogans sans apporter réellement des réponses aux problématiques posées, ni des outils ni encore moins des mécanismes appropriés pour résoudre le problème n'ont été spécifiés. Ce qui frappe le président de l'Association tunisienne de la gouvernance, c'est qu'aucun parti, ou presque, n'a présenté sa propre vision quant au nouveau modèle économique et de développement. On note, a-t-il précisé, une absence de réflexion profonde sur ce sujet, alors que les programmes auraient dû être déclinés dans le cadre d'un nouveau modèle. Selon l'expert économique, l'ensemble des programmes économiques des partis se caractérise par « trop de libéralisme » alors qu'on a, de l'autre côté, des problèmes sociaux à résoudre. Par ailleurs, face au libéralisme à outrance de certains, d'autres versent totalement dans le social, à l'instar de Jebha Chaabia, dont certains de ces points sont totalement irréalistes et irréalisables à l'instar de l'augmentation des salaires, des subventions, de la création d'emplois dans la fonction publique, du maintien des prix et du non remboursement de la dette... D'un autre côté, l'expert a fait remarquer qu'aucun parti n'a présenté sa vision à propos du rôle de l'Etat dans la gestion du pays et de l'économie pour la prochaine période...