TUNIS (TAP) - Les programmes socio-économiques publiés par les principaux partis politiques, lors de la campagne électorale (1er/21 octobre 2011) ont été présentés "sans qu'un diagnostic préalable n'ait été effectué, sans appui immédiat à un référentiel idéologique spécifique, ni à un référentiel théorique cohérent et sans appui statistique suffisamment développé", a indiqué M. Ali Chebbi, professeur d'économie à l'Institut supérieur de gestion. Cet universitaire a précisé que "les projections ont été majoritairement effectuées en dehors des contraintes des ressources financières". Il a procédé à une lecture des programmes des principaux partis politiques en Tunisie, dans le cadre de l'initiative "IDEES", réunissant un groupe d'économistes et d'experts qui préparent un Livre Blanc sur les réformes économiques et sociales à entreprendre dans le pays. "Tous les partis politiques tunisiens ont présenté ensemble, quelque 88 propositions opérationnelles. Un simple croisement statistique nous a permis de conclure que le programme d'Ennahdha en a évoqué 45 pc, suivi du PDM (41 pc), d'Afek (31 pc), du CPR (20 pc), d'Ettakattol (18 pc) et du PDP (10 pc)", a-t-il relevé. Il ressort de cette lecture quantifiée que les programmes d'Ennahdha et du PDM proposent des mesures plus diversifiées, "mais perdent globalement en rigueur et précision". Les programmes d'Afek et du PDP manquent à leur tour "d'inspiration" et de vision stratégique, mais gagnent en aspect opérationnel. Alors que les programmes d'Ettakattol et CPR répondent plus aux revendications immédiates, mais " risqueraient de compromettre la croissance et son financement et donc l'emploi". Similarités et différences Au plan qualitatif, M. Chebbi a fait savoir que les programmes économiques et sociaux, révèlent des similarités et des différences dans le traitement des thèmes qui ont suscité le plus l'intérêt des partis, à savoir l'emploi, les banques et la finance, la fiscalité, la pauvreté et la protection sociale et enfin la politique agricole. S'intéressant au secteur financier, l'universitaire a relevé des similarités au niveau des propositions visant l'amélioration du mode de financement à travers l'assainissement de l'appareil financier, la bonne gouvernance et la meilleure organisation. Pour ce qui est des "banques", il a estimé que "les programmes d'Afek et d'Ennahdha se présentent comme les plus précis dans leurs démarches, dans la mesure où ils insistent sur la consolidation des fonds propres des banques dans la perspective d'une meilleure gestion des risques, via des procédures de Fusions-Acquisitions". Les programmes d'Ennahdha et du PDM proposent de bâtir un modèle de banque universelle. En outre, Ennahdha suggère de promouvoir la Banque de détail avec la finance islamique. Au niveau de la fiscalité, il a affirmé que tous les programmes sont marqués par "des généralités dans les propositions, l'étroitesse dans l'analyse ainsi que par des mesures portant sur l'allègement fiscal, sans tenir compte des contraintes budgétaires et des équilibres macroéconomiques globaux". Cette étude montre que le PDM et le CPR sont les seuls à avoir traité de la manière la plus explicite, la fiscalité indirecte, alors que "le PDP est le seul parti n'ayant pas envisagé la gouvernance et la modernisation du système fiscal". Emploi : Un aspect arbitraire dans les objectifs chiffrés Du côté de l'emploi, M. Chebbi a pointé du doigt "un tiraillement, présent dans l'ensemble des programmes, entre le court et le long terme, un aspect arbitraire dans les objectifs chiffrés et une absence de politiques d'emploi". Cependant Ettakattol "considère que l'Administration publique pourrait recruter un nombre élevé de travailleurs. Quant au PDM, il préconise, comme solution au problème du chômage, la mise en place d'une Caisse d'assurance -chômage et le développement de l'intermédiation dans le marché de l'emploi". De leur côté, le CPR, le PDP, Ennahdha et Afek considèrent que l'investissement est un levier fondamental dans la création d'emplois. Pour ce qui est de la pauvreté et de la protection sociale, l'universitaire a noté que "les propositions émises dans ce domaine sont entachées d'insuffisances communes, avec l'absence d'une stratégie cohérente et complète, le manque de ciblage de la pauvreté, et la proposition de mesures irréalistes". Dans ce cadre, "Ettakatol, le PDM et Afek proposent le microcrédit et des outils financiers adaptés au financement décentralisé. Cependant, les programmes d'Afek semblent plus précis. Le travail social, proposé par Ennahdha est un élément servant aussi, à l'absorption de la main-d'œuvre". S'agissant de la couverture sociale, elle est traitée, selon M. Chebbi, avec une analyse partielle et peu détaillée, mettant l'accent, à titre d'exemple, "sur la proposition de construction de logements sociaux, sans justification chiffrée". Pour le thème de la politique agricole, il a été évoqué par tous les partis politiques, en axant ''sur le problème du morcellement de la propriété foncière, de l'infrastructure et de la gestion des ressources hydrauliques''. "Une confusion entre développement régional, sectoriel et territorial est ainsi, faite dans la majorité des programmes", a-t-il expliqué, avant d'ajouter que ''le PDP et Ettakattol n'offrent aucune proposition de fond, Afek mise sur l'Infrastructure publique agricole, Ennahdha analyse la politique agricole en termes de branches ciblées (oliviers, palmiers dattiers,..)''. "Les parties prenantes s'étaient à priori, dans la précipitation investies dans le traitement des questions les plus visibles (emploi, pauvreté,à). Or ces questions sont multidimensionnelles et requièrent une plateforme suffisamment élaborée servant de solutions opérationnelles". Des chiffres ont été avancés, du moins, de manière arbitraire tels que le volume d'emploi créé dans le secteur public (Ettakatol), le rabattement fiscal (PDP, PDM, Ennahdha, CPR…). "Ceci est envisagé sans évoquer la contrainte budgétaire de l'Etat et la nécessité du rendement des dépenses publiques et de la taille optimale de l'Etat". Pour M. Chebbi, des thèmes d'importance capitale n'ont pas été totalement abordés par les programmes économiques des partis politiques, à savoir les réformes préalablement entamées en Tunisie. S'agirait-il de poursuivre ses réformes, les contourner ou en proposer des alternatives?.