Encore en convalescence suite à une hospitalisation, mais dégageant la même vitalité dans les yeux et dans les gestes, Maya Jeribi, tête de liste du parti Al-Joumhouri à Ben Arous, nous a accueilli chez elle pour nous parler de ce qui la motive et de sa vision de la Tunisie Quel a été le moteur de votre engagement politique au départ ? Est-ce qu'il est féministe ? Je suis issue d'une famille politisée ; j'ai donc été élevée dans un univers de valeurs politiques et culturelles. Mon engagement s'est fondé sur trois motivations principales : la première est féministe, oui. Dès mon jeune âge, j'avais intégré les principes du féminisme et de l'égalité entre l'homme et la femme. La deuxième motivation, ce sont les valeurs de justice et de démocratie. Mon engagement politique est une décision que j'ai prise juste après le bac, je voulais être une étudiante active qui milite contre la dictature et pour une Uget (Union générale des étudiants de Tunisie) libre et démocratique. C'était dans les années 1980 caractérisées par une dictature. Troisième motivation, c'est mon appartenance arabe. J'ai rêvé et je rêve toujours d'un monde arabe prospère, démocratique et qui joue un rôle de premier plan à l'échelle mondiale. Mais c'est vrai que le paramètre féministe a toujours été présent chez moi, sans être dominant, car je pense qu'être féministe c'est être citoyenne à part entière. Ni le genre, ni l'âge, ni la race ne doivent être un facteur d'élimination ou de dévalorisation. Pour moi, être féministe, c'est mettre en avant les valeurs de la citoyenneté. Est-ce que c'est encore difficile aujourd'hui d'être une femme politique ? Honnêtement, je n'ai jamais senti qu'on me traite différemment parce que je suis une femme. Peut-être parce que moi-même, je ne me sens pas différente, je ne me suis jamais trouvée dans une situation qui nécessitait que je sois défendue. Je suis citoyenne à part entière, je suis une femme politique à part entière et j'agis en conséquence. Je pense que c'est notre attitude qui détermine celle des autres. Si on considère qu'on est à sa place et qu'on accomplit sa mission ; si on se considère comme femme politique à part entière, alors forcément les autres finissent par nous considérer ainsi. Je suis fière d'être secrétaire générale de mon parti, non pas par courtoisie, mais parce que je me suis engagée et j'ai gravi tous les échelons, de la simple militante jusqu'à la candidate au secrétariat général du parti. J'estime, donc, que je suis à ma place. En revanche, j'ai eu à constater dans mon action politique sur le terrain, dans des réunions populaires locales, l'absence totale des femmes. Donc, c'est l'environnement qui diffère. Dans quelle Tunisie souhaiteriez-vous vivre ? C'est une belle question ! Je souhaite vivre dans une Tunisie fière de son patrimoine aussi bien culturel que géographique et environnemental. Une Tunisie stable politiquement où la démocratie a tout son sens et toute sa valeur, c'est-à-dire une démocratie inclusive et non exclusive. Une Tunisie où les hommes, les femmes, les jeunes et toutes les composantes de la société s'activent pour servir le pays et où toutes les formes d'exclusion sont bannies. Une Tunisie moderniste fière de son arabité et de son islamité, mais en même temps ouverte et tournée vers l'autre sur le plan économique, politique et culturel. Et enfin une Tunisie jalouse de sa souveraineté nationale et qui a sa place dans l'échiquier mondial.