Les supporters font la loi et prennent chaque jour un peu plus les clubs en otage ! C'est une voie participative inédite qu'impose chaque jour un peu plus le public sportif. Non content d'être un simple figurant, il veut peser sur les décisions et imposer son diktat afin de dessiner les contours de son association tel qu'il le souhaite. D'où la confusion qui s'installe et la crainte des dirigeants de ne plus servir que de faire-valoir et d'être constamment sous la pression des tifosis. A présent, c'est non seulement l'entraîneur qui ne plaît pas qu'on tente de «dégager» par tous les moyens, y compris par la menace et s'il le faut la force, mais il y a également les joueurs sur lesquels on met une pression insoutenable. Le cas, mercredi dernier, du public de l'Avenir Sportif de Gabès qui a interrompu une séance d'entraînement, envahi la pelouse et chassé les joueurs, les pourchassant jusqu'aux vestiaires où ils durent se réfugier. Depuis, seuls les joueurs originaires de Gabès ont repris le travail après deux jours d'arrêt sous la conduite de l'entraîneur des gardiens, Hichem Essayed. Il s'agit des Chibaâni, Baâdech, Kraiet.... Les autres ont quitté la cité du henné en direction de leurs villes d'origine. Entre-temps, le coach Mohamed Kouki négocie avec le président, Ryadh Jeridi, son avenir à la tête de la barre technique de la Zliza. Là, le mot pression n'est plus qu'un doux euphémisme. Il faut plutôt parler de règne de la terreur. Forcément, il y a de bonnes raisons de se demander où va le football tunisien où la notion d'autorité s'estompe et cède dangereusement le terrain. La communication aussi, les groupes de fans sous différentes appellations prenant de plus en plus de distance par rapport au cercle des dirigeants. Inversement, les clubs ne maîtrisent plus leurs supporters (où étaient passés les fameux comités des supporters de jadis?). La fédération est débordée par les clubs. Le ministère est régulièrement en rupture avec la fédération et les instances, comme ce fut le cas du temps de Tarek Dhiab. Pas un simple cas isolé Forcément, dans ces conditions, les accents de chauvinisme et de régionalisme s'intensifient; la violence prend de l'ampleur et le sport déborde. Un nouveau front s'ouvre pour un pays qui a suffisamment de soucis comme cela. Si le dernier épisode CAB-ESS et les polémiques qui ont suivi ont été mis sur le compte d'une certaine instrumentalisation politique du sport dans le contexte des élections législatives, il ne faut pas croire pour autant qu'il s'agit d'un simple épisode isolé. Des supporters menaçant sérieusement leurs propres joueurs, et non plus les joueurs de l'équipe adverse: où va-t-on ? L'autorité sera-t-elle rétablie avec l'élection de nouvelles institutions qui ne seraient plus provisoires et le sentiment de respect, voire de crainte qui va en découler ? Pendant ce temps, la moitié de la famille du football est toujours au chômage. Le championnat de Ligue 3 et le football amateur attendent un soulagement financier afin d'attaquer la nouvelle saison. En fait, ce sont tous les clubs du pays qui vivent dans le rouge, avec des états financiers négatifs et des caisses vides. Le sport ne peut du reste échapper à la situation économique difficile de l'ensemble du pays. En attendant, prions afin que les débordements auxquels on assiste ne génèrent pas de fâcheuses conséquences.