Indépendamment de toute approche technique, Mrad Mahjoub pense que ses poulains ont besoin de confiance, de relâchement et de pensée positive... "Parfois, je note que les joueurs sont blessés, la vindicte d'une partie du public, ça laisse forcément des traces. Pourtant, je sais que mes poulains font de leur mieux, mais la frustration d'avoir raté le bon wagon en championnat et un concours de circonstances imputable à une préparation d'avant-saison qui reste énigmatique, vu l'état physique des joueurs quand nous avons débuté notre mission, voilà un état des lieux qui n'a pas forcément concouru à installer un climat serein vu que les résultats n'ont pas suivi. Nous sommes distancés en championnat et éliminés de la Coupe de Tunisie. Certes, en ligue locale, le podium est encore dans nos cordes et nous en avons largement les moyens mais il y a des blessures chez les joueurs qui mettent du temps à se cicatriser. Sans entrer dans des considérations d'ordre structurel car ce n'est pas de mon ressort, ni de mes compétences, je pense que l'intersaison estivale a été cruciale sans vraiment être fatale ". Le mental encore et toujours le mental. C'est forcément là que le bât blesse pour Mrad Mahjoub avec des joueurs qui ont un tantinet douté pour n'avoir pas su talonner les autres locomotives de la compétition alors que la défaite en Coupe de Tunisie a été la goutte qui a fait déborder le vase, concourant à installer un climat électrique autour de l'équipe. Aussi, le technicien clubiste fait-il allusion à l'environnement clubiste, sans vraiment entrer dans les détails et force est de constater qu'il a vu juste. Le CA a débuté assez tard sa préparation pour les raisons que tout le monde connaît alors que l'équipe administrative qui a pris le train en marche a été confrontée à des impératifs de temps, de course contre la montre, et ce, en vue de boucler et ficeler plusieurs chantiers ouverts comme les reconductions de contrats, les recrutements, la purge de l'effectif effectuée par François Bracci, les différentes nominations au sein de l'exécutif du club, la programmation de stages bloqués, les matchs amicaux et même le paiement de certains arriérés de salaires. Voilà plusieurs dossiers qui se sont accumulés, ce qui a retardé la contribution des décideurs sur le plan purement sportif. D'ailleurs, sans accabler personne, mais en se référant aux faits et seulement aux faits, Mrad Mahjoub note le nombre de joueurs qui avaient des douleurs aux jambes suite aux premières séances d'entraînement du CA... "Crainte de la victoire et obsession de ne pas décevoir" C'est dire que pour un club surmédiatisé tout en vivant perpétuellement sous pression tel que le CA, la préparation psychologique des joueurs est vitale comme l'affirme Mrad Mahjoub: " C'est une arme à double tranchant. Dans le football professionnel de haut niveau, il faut savoir apprivoiser cette pression, en faire un atout qui permette aux joueurs de se transcender, or, je note de plus en plus que l'obligation de résultats qui pèse sur les épaules des joueurs et leur envie de bien faire se retournent contre eux parfois. Ça s'est transformé lors de certains matchs en une crainte de la victoire et l'obsession de ne pas décevoir! Nous ne cessons de forger dans leur esprit la sérénité et le plaisir du jeu pour qu'ils aient à terme un caractère d'acier, bien trempé. Ça met du temps mais ça va forcément payer. Vous savez, quand mes joueurs sont libérés, il sont capables d'emballer le match et laisser libre cours à leur talent. Les exigences du public entrent dans l'ordre naturel des choses. C'est légitime mais dans le cas du CA, vu la conjoncture et en l'état actuel des choses, cela concourt à fragiliser encore plus mes joueurs". "Pensée positive " " A mi-chemin de la fin de la compétition, je ne demande pas de faire table rase des péripéties vécues jusque- là par le CA, mais il faut forcément avancer et ne pas seulement se lamenter sur son sort. Le CA a toujours sorti de bons matchs quand on s'y attendait le moins car les joueurs étaient revanchards, même s'ils étaient attendus au tournant. Libérés, ils jouent vraiment sur leur vraie valeur. Cela dit, la fragilité de certains joueurs me laisse perplexe mais nous devons absolument maintenir la communication avec eux car je crois en mon groupe, une entité talentueuse qui vit bien ensemble. Ils ont besoin de confiance, de relâchement et de pensée positive, tout en se détachant parfois des enjeux ". Positiver, voilà le credo du staff technique clubiste. " Pourparlers avec Keïta " Aussi, Mrad Mahjoub pense que l'avenir (le futur proche) se prépare maintenant: " Le présent se construit maintenant alors que l'on va pouvoir aussi se projeter dans le futur. Pour l'équilibre du groupe, nous allons promouvoir la jeune génération montante, lui permettre de prendre du galon en évoluant avec les seniors et pas seulement en participant aux séances d'entraînement. Je pense à Ressaïssi, Opoku, Jendoubi, Ferchichi, Aouadi, Ziadi, Haddadi ainsi que Wajdi, un jeune attaquant gaucher qui monte chez les jeunes. Vous savez, je veux bien rêver et demander aux recruteurs des joueurs au statut de vedette mais avant de rêver, il faut avoir les pieds sur terre ". Sage raisonnement de la part de l'entraîneur en chef du CA, et comme affirmé précédemment, la cartographie du club via sa ligne conductrice devrait être axée sur la restructuration au détriment de l'éternelle futilité du sport, en dépit de l'émotion, et finalement de l'image derrière l'idée et le fond... Méthodique et surtout réaliste, Mrad Mahjoub pense que le volet recrutement doit être minutieusement préparé: " Recruter pour le plaisir de recruter ne m'intéresse pas si le joueur enrôlé n'apporte pas le plus exigé. Par contre, le blé qui lève et que l'on couve au CA doit être exploité à bon escient. Il faut aussi faire très attention à bien les encadrer quand leur statut changera car un joueur qui passe du cadre de jeune pousse vers la lumière, que lui procure son nouveau statut, peut éventuellement être perturbé et c'est à nous de faire en sorte qu'il reste serein, calme, authentique et toujours redevable à son équipe. Il suffit de cueillir le fruit quand il est mûr. Maintenant, pour bien négocier la Ligue des champions, j'ai besoin d'un défenseur central et d'un avant-centre supplémentaire. J'ai d'ailleurs arrêté une liste comprenant une ossature de 16 joueurs à laquelle j'ajoute une liste de huit autres joueurs émanant des catégories des jeunes. Ces 24 joueurs devront entamer la Champions League. Je regrette aussi que les négociations n'aient pas abouti avec le défenseur central de la JS Kabylie, Coulibaly, et j'espère que les pourparlers avec l'attaquant Keïta aboutiront ". " La 3e place est dans nos cordes " Chapitre ambitions locales, et vu que le CA est distancé en championnat et éliminé en Coupe de Tunisie, Mrad Mahjoub pense que la 3e place est dans les cordes de ses poulains, alors que l'appétit vient en mangeant et les contours des objectifs redessinés au fur et à mesure que la compétition avancera: " Nous ferons tout pour nous rapprocher du podium. Je pense sincèrement que la 3e place est largement dans nos cordes. Ce n'est pas le nom ou la valeur du concurrent dont il est ici question mais du nombre de points restreints qui nous séparent du titulaire actuel du poste. ". Mrad Mahjoub est réaliste et surtout modeste. Faire beaucoup de bruit en promettant aux supporters la lune, leur faisant miroiter le titre, n'est pas professionnel. Le CA prendra les rencontres au cas par cas et pourra voir venir d'après les résultats (à venir). " Il faut protéger Amir Akrout !" Volet appréciation du groupe sous la main, Mrad Mahjoub est assez loquace et, bien entendu, certains se détachent par leur progression, leur ascension fulgurante pour d'autres et des qualités qui ne laissent pas indifférent pour quelques joueurs: " Regardez Akremi et Khéchache. Ils ont débarqué au CA sans tapage mais précédés d'une réputation de jeunes néophytes aux dents longues. A force de persévérance et de confiance, ils ont tracé leur voie et se sont frayé un chemin parmi les cadres de l'équipe. Bien entendu, il faut leur assurer toutes les conditions d'un épanouissement optimal. Il ne faut pas freiner leurs ardeurs mais juste les encadrer sans dénaturer leur jeu ou leur imposer des restrictions de jeu. Je ne vais pas trop m'attarder sur l'ascension de Dhaouadi. C'est une valeur sûre depuis quelques années déjà. C'était une sorte de diamant brut qui canalise maintenant ses efforts au service du collectif de l'équipe. Ses accélérations, ses inspirations, ses crochets et ses centres travaillés sont autant de qualités qui sont payantes à la finition d'une action. Je pense qu'il va encore progresser pour peu qu'il aille au bout de ses idées car il n'a pas encore atteint son optimum. Qu'il reste au CA ou qu'il élargisse ses horizons, Dhaouadi est appelé à atteindre le palier supérieur. Je tiens par ailleurs à parler du cas Akrout. C'est un joueur qui n'est pas ménagé par le public. Il se donne pourtant corps et âme à l'entraînement mais une frange du public n'est pas pour autant tolérante avec lui quand il ne marque pas. Il mérite un meilleur traitement car il fait entièrement partie de mes plans sur le terrain. Il faut le protéger. J'ai aussi une pensée pour Hadhria. Un joueur qui a certes peiné à s'imposer, étant précédé d'une réputation de grand espoir du football tunisien, mais je peux vous assurer qu'il est loin d'être un éternel espoir. C'est un joueur qui va beaucoup faire parler de lui. Certes, il doit encore muscler son jeu car le talent ne suffit pas, mais pour rendre grâce à son propre registre de jeu, Nour doit être plus véloce, jouer sans ballon parfois, soigner ses déplacements sur le terrain, en un mot, être plus performant. Je ne me fais pas de soucis pour Ifa aussi. Il a paru émoussé récemment mais nous allons le booster un peu plus pour qu'il retrouve certaines vertus du jeu. Je note qu'il a tendance à être nerveux sur le terrain et je lui demande d'être plus serein et se fondre encore plus dans le groupe. Prendre soin de sa masse musculaire et de sa charpente est une exigence du football moderne car le talent ne suffit pas. Pour revenir à une approche psychologique, j'ai mis un point d'honneur à ne pas reléguer Sami Nefzi sur le banc, bien que les supporters lui en aient voulu d'avoir pris un but sur balle arrêtée dans les derniers instants du derby. Je crois que le penalty bloqué face au ST par la suite était une sorte de rédemption pour lui ". Protéger ses joueurs et ne pas se référer aveuglément au baromètre du public. En professionnel averti, Mrad Mahjoub pense que tâter le pouls des puristes peut aider mais il ne s'agit pas de s'aligner par complaisance... " Dépassionner le débat autour de la sélection" L'on ne pouvait clore cet entretien avec le technicien clubiste sans évoquer les Aigles de Carthage et le mécontentement général qui règne autour de l'équipe nationale: "Il n'y a pas à proprement parler de nivellement par le bas du niveau de nos footballeurs d'élite et de notre sport roi, même si les résultats ne sont pas à la hauteur des projections et des ambitions générales. C'est plutôt une question de sentiment de frustration et de climat global, sorte de malaise qui entoure notre football. La majorité des férus de football et analystes de tous bords s'expriment de manière virulente après une déception. Cela concourt à encore plus aggraver la situation. Les joueurs sont les premiers touchés, leur mental en prend un sacré coup et leur fragilité manifeste vient forcément d'un climat hostile. La pression est trop grande, il faut apprendre à dépassionner les débats pour l'intérêt du football tunisien. La communication tient une place prépondérante. Certains analystes enseignent ce qu'ils sont et non ce qu'ils font ! Force est de constater que dans notre paysage médiatique ils sont légion. Les attaques ciblées, les jugements de circonstance et les procès d'intention sont actuellement le pain quotidien des tabloïds et de l'audiovisuel. Au-delà de l'éthique sportive, ce matraquage doit cesser car c'est improductif et ça ne concourt qu'à déchaîner les passions ". Voilà qui est sans équivoque et ça a le mérite d'être clair et de tenter d'apaiser le climat autour du football Tunisien. Pour revenir à la marche du Club Africain, il est aussi important de mentionner qu'il vient d'être sacré champion d'Afrique du Nord. Le trophée de l'Unaf des clubs champions étant venu garnir l'escarcelle des "Rouge et Blanc". Est-ce le prélude à un cycle de consécrations? Les Clubistes à leur tour ont de bonnes raisons d'espérer, pour peu que l'union sacrée soit décrétée autour du club de Bab Jédid.
