Le colloque sur «La migration clandestine du Maghreb vers l'Europe dans le contexte des mutations régionales», organisé par le Centre de la Ligue des Etats arabes à Tunis, en collaboration avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), a pris fin vendredi dernier. Il a permis aux participants de cerner les différents angles de la problématique dans l'espoir de s'entendre sur des solutions applicables. Après le déclenchement du Printemps arabe, la migration irrégulière ou clandestine du Maghreb vers l'Europe fait couler beaucoup d'encre, car suivant une courbe croissante. Les mutations tumultueuses au niveau des deux rives de la Méditerranée semblent catalyser davantage la migration clandestine, d'une part, et dissuader les pays d'accueil quant à l'absorption des flux migratoires à la fois non désirés et surtout mal maîtrisés. Le Nord de l'Afrique porte une double casquette, dont les deux facettes sont inconfortables. Les pays du Maghreb constituent souvent un lieu de transit des flux migratoires en provenance des pays africains. Certains africains fuient leurs pays d'origine car n'y trouvant aucun motif économique ou sécuritaire leur permettant d'y rester. Ils n'ont d'autres alternatives que de passer par le Maghreb pour arriver à leur but. Tout aussi désespérés, les Maghrébins se trouvent souvent dans l'incapacité de s'acclimater avec la crise socioéconomique et la montée des idéologies obscurantistes, voire terroristes, et fuient ce contexte hostile dans l'espoir de trouver le travail, la stabilité et la sécurité sous d'autres cieux. Cependant, au rêve s'oppose la réalité ; une réalité souvent amère. Aspirant à concrétiser leur rêve, la plupart des migrants clandestins se trouvent contraints à vivre un cauchemar éveillé. Du désespoir à la mort Ceci dit, la politique migratoire dans la région méditerranéenne se heurte à maints obstacles d'ordre juridique et éthique. Malgré la signature préalable de la convention sur la migration et la famille en 1990, de nombreux pays arabes n'ont toujours pas honoré leurs engagements à cet effet. D'un autre côté, et bien que sachant à la perfection les causes directes et indirectes qui poussent les jeunes à migrer vers l'Europe, les politiques maghrébines, par exemple, ferment toujours l'œil sur les besoins capitaux de la population, notamment l'emploi, la stabilité financière et sociale et la dignité. Faute de programmes et de stratégies susceptibles de pallier ces défaillances, la migration continue son évolution vers le sens le plus alarmant. Cette année, la migration clandestine du Maghreb vers l'Italie, par exemple, se traduit par 154 mille migrants. Depuis l'an 2000, quelque 40 mille migrants ont péri et 22 mille sont portés disparus. «Les pays de l'émigration sont vivement appelés à trouver des solutions afin de dissuader les jeunes quant à la migration et celle clandestine en particulier. Ils doivent assumer leurs responsabilités et garantir aux populations respectives les composantes essentielles à leur stabilité socioéconomique», note M. Foued Aouda. Et d'ajouter que la prise en considération du dossier de la migration passe, d'abord, par l'instauration, dans chaque pays d'émigration, d'un ministère entièrement consacré à ce dossier. M. Issam Ayen a parlé, à son tour, de la situation migratoire au Maroc. Ce pays est défini comme étant un pays à la fois d'émigration et d'immigration. La société civile contribue efficacement à l'intégration des immigrants — généralement des Africains — dans la vie socioéconomique. D'autant plus que la Constitution marocaine accorde un intérêt notable au dossier de la migration. En ce qui concerne les pays d'immigration, leur politique migratoire est claire : après avoir profité de la main-d'œuvre maghrébine pour mettre leur économie sur les rails, ils ont choisi de tourner le dos aux migrants. Leurs prétextes dénotent une crainte certifiée de l'invasion islamiste, voire terroriste. Prenant la parole, M. Aymen Alzahri a focalisé son intervention, lors de la deuxième journée du colloque sur la migration vers l'Europe, entre propagande politique et besoins régionaux. L'orateur a rappelé que la migration du Maghreb vers l'Europe a joué un rôle précieux dans la construction de l'économie européenne et ce, grâce à une main-d'œuvre aux indemnités fort concurrentielles. Aujourd'hui, la main-d'œuvre provenant des pays du Nord vole la vedette aux Maghrébins. Elle coûte moins et ne présente aucune source de crainte idéologique. Pour M. Alzahri, la migration du Maghreb vers l'Europe continuera à être un pilier fondamental dans la chaîne de production européenne. Et malgré les contraintes, les besoins économiques sauront impacter sur la migration et la favoriser. «Ce sont les économistes qui décident de l'acception ou du refus des migrants et non les politiciens. Aujourd'hui, l'économie européenne est en besoin d'une main-d'œuvre compétente. Elle a intérêt donc à ouvrir la voie aux Maghrébins», souligne –t-il.