La violence physique est de retour sur fond de discours provocateurs qui auguraient déjà ce qui s'est produit le jeudi 13 novembre, place Mohamed-Ali. L'escalade annoncée ne sert les intérêts de personne, sauf ceux qui cherchent à torpiller l'élection présidentielle La violence qu'on redoutait tant lors de la campagne pour les législatives et qu'on a réussi à éviter est de retour. Mais cette fois à travers l'Ugtt dont le secrétaire général, Hassine Abassi, a été pris à partie, jeudi soir, par un groupe d'individus, qui ont cherché à l'agresser sur la place Mohamed-Ali, devant le siège de la Centrale ouvrière. Heureusement, ils n'ont réussi qu'à endommager une partie de sa voiture dans la mesure où les agents de sécurité chargés de sa protection ainsi que les syndicalistes présents sur la place Mohamed-Ali sont parvenus à faire face aux agresseurs et à les obliger à se retirer. Reste à savoir si cette agression a un rapport direct ou indirect avec le climat social tendu que vit notre pays ces derniers jours suite à la grève des chauffeurs de bus ayant paralysé le Grand Tunis tout au long de la journée du jeudi 13 novembre et à la grève des enseignants du secondaire prévue pour fin novembre ainsi qu'à celle programmée dans les jours qui viennent par les agents du ministère de l'Education. Les syndicalistes, dont en premier lieu Sami Tahri, membre du bureau exécutif de l'Ugtt et son porte-parole officiel, n'y sont pas allés de main morte pour dénoncer «une campagne programmée à l'avance pour mettre au pas l'organisation syndicale qui refuse de se soumettre au diktat de certaines parties. Et les auteurs de l'agression contre le secrétaire général n'agissaient pas en enfants de chœur ou à titre personnel. Ils sont bien les exécutants d'un plan savamment orchesté à l'avance. Les syndicalistes ont tout filmé et disposent d'une vidéo montrant des personnalités partisanes qui ont participé à l'agression. L'Ugtt est prête à mettre à la disposition de la justice toutes les preuves de la compromission des auteurs du triste événement du jeudi 13 novembre». Et pour conclure, Sami Tahri revient à l'arme que les syndicalistes brandissent toujours en de pareilles circonstances : «Nous allons tenir le plus tôt possible, soit dans les jours à venir, une session exceptionnelle de la commission administrative nationale pour prendre les mesures qui s'imposent et décider des mouvements à entreprendre face à l'entêtement du gouvernement qui refuse de nous écouter et semble avoir choisi l'escalade», souligne-t-il dans une déclaration à une radio privée au moment même où le bureau exécutif tenait une réunion exceptionnelle pour prendre une position sur les événements du jeudi 13 novembre. Condamnation unanime Les partis politiques, les organisations et associations de la société civile ont réagi pour condamner unanimement «une agression lâche augurant du retour aux anciennes pratiques, d'autant qu'elle coïncide avec l'émergence d'un discours provocateur» ayant accompagné ces derniers jours la campagne électorale. Ennahdha, Nida Tounès et le Parti patriotique démocratique unifié (Ppdu) expriment «leur refus catégorique de toute forme de violence verbale et physique» et exhortent «les autorités compétentes à démasquer et à faire juger les agresseurs et leurs commanditaires». Ils n'oublient pas de saluer le rôle important assumé par la Centrale syndicale dans «le processus visant à assurer le salut du pays, faire aboutir le Dialogue national et conduire la Tunisie à des élections libres et démocratiques». C'était dans l'air Pour le Pr Mohamed Haddad, président de l'Observatoire arabe des religions et des civilisations, l'agression qu'a subie Hassine Abassi était dans l'air. «Oui, la violence a disparu lors de la campagne des législatives mais ses prémices sont subitement réapparues dès les premiers jours de la campagne présidentielle avec un discours provocateur et le retour de certains visages qu'on croyait enterrés définitivement», précise-t-il. Il ajoute : «L'atmosphère était tendue avec la destruction de l'autocar d'un candidat à la présidence et les menaces de mort proférées à l'encontre d'autres. Certains candidats ont eux aussi développé un discours qui ne pouvait qu'attiser les tensions et réveiller les vieux démons. Il faut reconnaître que les résultats des législatives ont surpris beaucoup de monde, principalement les parties qui se disaient sûres de rafler la mise, mais qui ont été désavouées par les urnes. Et l'on s'est trouvé face à des alliances louches qui ne pouvaient plus se cacher. Le résultat est là : ceux qui ne croient pas à la démocratie et sont incapables de s'y adapter et d'accepter ses règles et ses verdicts agissent désormais à découvert. Toutefois, ma conviction est grande quant à la détermination des Tunisiens à gagner le pari démocratique, et ceux qui veulent gâcher notre fête démocratique n'y parviendront pas». L'escalade gouvernement-Ugtt arrive-t-elle au bon moment ? Mohamed Haddad répond clairement : «L'Ugtt joue en ce moment beaucoup de rôles à la fois. Il est temps qu'elle se repostionne sur son rôle naturel (syndical et social) et qu'elle laisse les institutions politiques assumer la mission qui est la leur. Oui, la centrale syndicale a assumé un rôle hautement politique pour sauver le pays du chaos, mais il faut que les syndicalistes comprennent que cette mission est arrivée à terme. D'ailleurs, la décision de ne pas institutionnaliser le dialogue national, décision qui est restée en travers de la gorge de plusieurs syndicalistes, est avant tout profitable à l'Ugtt elle-même». Pour conclure, il revient à l'idée des sacrifices que le gouvernement «commercialise» auprès de qui veut l'entendre, en premier lieu les syndicalistes. «Il est incontestable que ces sacrifices sont inévitables, sauf qu'ils doivent être répartis avec le maximum d'équité», argumente-t-il.