Par Abdelhamid Gmati Les journalistes tunisiens ne sont pas contents. C'est ce qu'exprime leur syndicat national dans un communiqué publié il y a trois jours et qui menace de boycotter la campagne électorale. On y déplore, encore une fois, « les propos insultants, les critiques gratuites et les qualificatifs dénigrant les journalistes ». De fait, à chaque fois qu'un politique essuie un échec ou se trouve en difficulté, il s'en prend aux journalistes et aux médias. Traités de tous les noms insultants pour avoir été contrôlés, censurés, persécutés, jetés en prison, et contraints à l'exil durant le régime précédent, ils sont pris à partie depuis la Révolution et traités de «médias de la honte», de « vendus », de «corrompus » et également battus et jetés en prison. A l'issue des résultats des dernières élections législatives et présidentielle, certains candidats malheureux ont pointé du doigt les médias, les rendant responsables de leur échec. On a entendu certains politiques affirmant que les élections ont été entachées par « l'argent et les médias ». Ils oublient que l'argent est indispensable pour les actions politiques. Sinon, comment expliquer que l'Etat consent une subvention publique (conditionnée) à toute liste électorale et à tout candidat aux élections ? Sans l'argent, comment financer une campagne électorale ? Et comment les messages, les conférences de presse et les discours des candidats et de leurs assistants pourraient être portés à l'attention des électeurs sans les journalistes et leurs médias ? C'est malheureux d'être amenés à rappeler ces lapalissades. Le syndicat déplore également le niveau bas atteint durant la campagne et les discours cherchant à diviser les Tunisiens et menaçant l'unité nationale. Les journalistes sont-ils responsables de ces déviations ? Les médias ont couvert, mardi dernier, la séance inaugurale de l'Assemblée des représentants du peuple( ARP). Les téléspectateurs, qui ont suivi les débats en direct ont assisté aux mêmes retards, à la même cacophonie, aux mêmes interjections, aux mêmes interventions intempestives qui avaient cours à la Constituante. Il est vrai que ces joutes stériles provenaient pour la plupart d'anciens membres de l'ANC. A croire qu'ils étaient là uniquement pour bloquer les travaux. Une députée, ancienne constituante, a même osé adresser des propos vexants à l'encontre du militant Ali Ben Salem, président de la séance. Celui-ci, ému de se trouver dans une Assemblée censée représenter au plus haut niveau le peuple tunisien, ne savait plus que faire devant tant de mauvaise foi, tant de parasitages. On a même eu droit à une députée incapable de lire correctement les noms de ses confrères et à un intrus prenant la place d'un député absent au vu et au su de ses amis. Ces faux débats se déroulant dans une ambiance houleuse sont de mauvais augure pour la suite des travaux d'une ARP dont on attend beaucoup. Les médias n'ont fait que rapporter les événements. Va-t-on les rendre responsables des comportements irresponsables de certains députés ? Eux aussi sont victimes de parasitages. Le syndicat menace de boycotter la campagne électorale pour le second tour de la présidentielle. Ce serait contre-productif et cela priverait le citoyen de son droit à savoir. Par contre, il faudrait que les médias veillent à ne pas relayer les propos haineux et discourtois de certains politiciens. Cela devrait se faire déjà lors des invitations à des interviews et à des talk-shows. Quand on invite des personnages connus pour leur extrémisme, et leur parti pris, on sait d'avance quel genre de propos ils vont proférer. Inviter des vieux comédiens soucieux de faire oublier leur allégeance à l'ancien régime, c'est savoir qu'ils vont se vêtir des habits révolutionnaires et se montrer extrémistes. Il est vrai que l'animateur est dans le même cas. Là, le média est responsable voire complice. Chercher à faire de l'audience ne doit pas se faire en parasitant la vie politique.