Par M'hamed JAIBI L'Assemblée des représentants du peuple (ou des députés du peuple, suivant la traduction) a démarré sous de bons auspices, ne laissant presque aucun courant «sur le bord du chemin», en dehors de certains parmi les députés du Front populaire qui semblaient insatisfaits. La répartition des responsabilités à la tête de l'ARP et de ses commissions dénote une volonté de travailler ensemble et d'accorder les opportunités autant aux majoritaires qu'aux minoritaires, afin de bâtir des traditions démocratiques solides sans frustrer aucun protagoniste. La répartition réelle des tendances dans la société En théorie, cette Assemblée représente (à la date du 26 octobre 2014) la répartition réelle des courants et convictions au sein de la société tunisienne, de sorte que toute marginalisation de quelque groupe de députés que ce soit, fût-il très minoritaire, serait un affront à l'égard de la frange d'électeurs qu'il représente. Le cas du Front populaire est singulier. Voilà une coalition qui rassemble plusieurs partis se positionnant dans la gauche radicale, avec leurs attachements idéologiques respectifs et parfois des différences de stratégie que la coalition n'a pas su estomper. Or, avec les bons résultats électoraux que le FP a obtenus, il est question d'unifier l'attitude et de se construire une stratégie globale commune. Notamment, choisir entre aller vers un parti de gouvernement ou se maintenir dans le statut de groupe de pression et de contestation. Une implication «à la base» A contrario, Afek Tounès et l'UPL se sont bien intégrés, sachant identifier leurs attentes et reconnaître les limites territoriales de leur influence et de leurs ambitions. Cette modestie a rapporté à l'UPL le poste de deuxième vice-président et à Afek Tounès du crédit et de la considération, dans l'attente de la formation du gouvernement. Quant à Ennahdha, il poursuit son hésitation entre une stratégie de repli idéologique et de participation consensuelle, et une implication réputée «à la base» dans la campagne «hard» de M. Marzouki. M. Rached Ghannouchi appelle ses troupes à respecter la position de neutralité décidée par le Conseil de la choura, au même moment où une véritable machine nahdhaouie — non cautionnée officiellement — mène une campagne agressive contre M. Caïd Essebsi, après avoir rapporté moult électeurs, rabatteurs et observateurs à son rival, lors du premier tour. Un climat d'attente et de suspense Enfin, Nida Tounès fait semblant de se soucier peu des ralliements des électeurs qui s'étaient portés sur les candidats éconduits, mais multiplie les bonnes manières à leur égard. Le bon climat au sein de l'Assemblée ne peut masquer les attentes et même le suspense qui caractérisent le climat général dans la perspective du second tour, lequel se tiendra à coup sûr le 21 décembre. Car, si l'UPL a bel et bien annoncé son appui à M. Caïd Essebsi, le Front populaire reporte sans cesse sa décision et Ennahdha s'oriente plutôt vers la réédition d'une neutralité officielle, ce week-end, lors d'une réunion de son Conseil de la choura. A moins qu'il ne s'engage en faveur du président sortant et qu'il mette en œuvre réellement sa «machine électorale». Une éventualité que privilégient certains dirigeants du parti islamiste et qui, à leurs yeux, permettrait de faire la différence.