Par Slaheddine GRICHI On ne vote pas selon la couleur de la peau en Tunisie Sympathique et drôle, il a cet humour cru dont le Nord-Ouest a le secret. Audacieux, téméraire et tenace, il n'a jamais dévié de ses principes, résistant à Ben Ali et son clan, les défiant, les narguant et en assumant stoïquement les conséquences. Des qualités assises par une plume aguerrie dans — et par — la souffrance, les privations et les coups bas. Lui, c'est Taoufik Ben Brik le journaliste, l'ancien collègue et le camarade que je revois avec plaisir quand le hasard croise nos chemins. Aussi est-ce avec un intérêt certain que j'ai suivi lundi dernier la chronique — ce n'en est pas vraiment une puisqu'il y répond aux questions de l'animatrice — qu'il tient sur la chaîne Nessma et dont des amis m'ont parlé. J'ai été plus que déçu par le professionnel qu'il est... Délit de faciès De fond comme de forme, il a multiplié les bourdes, commettant parfois l'irréparable, prouvant qu'un bon journaliste de l'écrit ne l'est pas nécessairement dans l'audiovisuel. Ou peut-être que la plume — ou le clavier — permet le fond des pensées. Enumérons... Depuis quand notre métier consiste-t-il à malmener et à ridiculiser les hommes politiques ou autres? Est-ce que notre mission est de «ntayhou kdar» les présidents de la République, comme il l'a dit, ou de revaloriser l'Etat et ses symboles, tout en dénonçant les éventuels errements, abus et déviations de ces derniers? Quelle image a-t-il donné du journalisme et des journaliste? Non, Taoufik. Tu n'avais pas à faire de l'irrespect, du désordre et, au bout, de la destruction la finalité de notre labeur. Tu n'as fait qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui décrient — à tort ou à raison — notre métier et qui lui renient sa dimension noble et... constructive. Tu n'avais pas non plus à demander à l'animatrice le nombre de «millions» ?! de votants pour Moncef Marzouki, alors que l'élection présidentielle était l'élément essentiel de l'émission et le sujet de l'heure pour tous les Tunisiens. Un professionnel ne se présente pas en interviewer, en commentateur ou en chroniqueur sans s'être préparé et sans avoir pris connaissance — au moins — des données essentielles de ce qu'il va traiter. Autrement, sa présence d'esprit, son humour, son sens de la répartie ou sa capacité d'improvisation deviennent du trompe-l'œil, et cela se sent. Et à propos de Marzouki décrit comme un «rhinocéros qui a remonté la pente en concurrençant sérieusement Béji Caïd Essebsi... un rassembleur, un battant, etc.». Comment as-tu occulté, en professionnel et en connaisseur de la chose politique, que sans le soutien des islamistes, opposants farouches à Nida et à son président, il n'aurait pas pesé lourd? Comment as-tu oublié toutes les bévues et toutes les incongruités qu'il a commises pendant son passage au palais de Carthage et qui lui ont valu le triste record de 5% comme taux de popularité? Enfin, et c'est le pire, comment as-tu pu oser séparer les Tunisiens selon la couleur de leur peau et en faire un stimulant de vote ? Franchement, j'ignorais que tu n'aimais pas Mustapha Ben Jaâfar parce qu'il ressemble aux «Allemands», comme te l'a dit un confrère germanique. Non Taoufik. Cette erreur est indigne du démocrate, de l'homme engagé que je connais. Tu as fait pire que ceux qui ont tenté — ou tentent toujours — de diviser la Tunisie en Nord et Sud. Tu a mis les clairs de peau d'un côté, les bruns de l'autre. Tiens, et pourquoi pas les Noirs ? Si cela n'est pas un délit de faciès, quel serait-il ? Cela nous étonnerait énormément que cela soit le fond de sa pensée, car il sait bien ce que Bourguiba — aux yeux bleus — représente pour tous les Tunisiens. Idem pour Caïd Essebssi que plus de la moitié des votants ont plébiscité. Alors, mettons ce que Ben Brik a dit sur le compte d'un désir d'humour incontrôlé.