Le premier numéro de l'hebdomadaire «Dhedd Essolta» (Contre le pouvoir), qui devait paraître hier, a manqué à l'appel dans les kiosques. Le journaliste Taoufik Ben Brik, fondateur de cet hebdomadaire arabophone qui se voulait, comme son titre l'indique, sans concession face au pouvoir a estimé que son journal a été interdit de parution. «Mon canard, qui devait sortir le samedi 17 décembre pour commémorer le premier anniversaire du déclenchement de la révolution, était absent hier des kiosques. En me renseignant auprès du ministère de l'Intérieur, on m'a informé que ce département n'intervient plus dans la distribution de la presse, tout en m'invitant à demander des explications auprès du gouvernement», précise Taoufik Ben Brik. Et d'ajouter: «après moult coups de fil, j'ai appris que la société de distribution a pris de façon unilatérale la décision de ne pas distribuer le journal sous prétexte que son prix est très élevé (500 millimes)». Journaliste à la plume acérée et opposant acharné au régime de Ben Ali, M. Ben Brik est persuadé que son journal est tombé sous le coup de la censure. «Le refus de distribution de mon journal constitue en réalité une censure déguisée qui nous rappelle les pratiques de sinistre mémoire de l'ancien régime», s'offusque-t-il. Pour étayer sa thèse, le journaliste révèle que le premier numéro de l'hebdomadaire comporte des articles qui appellent les Tunisiens à poursuivre la révolution et critiquent sévèrement les trois nouveaux hommes forts de la Tunisie, Moncef Marzouki, Hamadi Jebali et Mustapaha Ben Jaâfer, respectivement Président de la République, Premier ministre et président de l'Assemblée nationale Constituante. «Hydre à trois têtes » Taoufik Ben Brik ne s'étonne pas de voir M.M Marzouki et Ben Jaâfer, deux anciens opposants farouches à la dictature et défenseurs des droits de l'Homme, ordonner ou, du moins, fermer les yeux sur la censure d'un journal indépendant. «Le pouvoir éblouit. Quand on détient le pouvoir et quand on s'allie avec les islamistes, on peut s'attendre à tout. Les trois nouveaux dirigeants de la Tunisie sont une véritable hydre à trois têtes», peste celui qui considère le mouvement islamiste Ennahda comme «un parti d'extrême droite ancré dans l'anachronisme». Le fondateur de l'hebdomadaire «Contre le pouvoir», dont une version francophone serait disponible ultérieurement, promet de continuer son combat éternel contre le musellement de la presse en Tunisie. «Ben brik est une plume trop libre pour la Tunisie et il le reste que cela soit sous Ben Ali ou sous Marzouki. Les deux noms riment d'ailleurs», lâche-t-il sur un ton moqueur. Connu pour ses écrits dénonçant la dictature de Ben Ali, Taoufik Ben brik était régulièrement censuré et harcelé par la police de l'ancien régime. Il avait été emprisonné six mois fin 2009-début 2010 pour des faits de violences sur une femme à l'issue d'un procès qualifié de «machination politique» par les défenseurs des droits de l'Homme. Juriste de formation, il a commencé sa carrière dans les années 1980 dans la presse locale, avant d'être renvoyé du quotidien gouvernemental La Presse. Plume libre, il se tourna alors vers la presse étrangère française, où il enchaîne depuis ouvrages et chroniques, maniant à l'envi l'ironie et la satire, avec pour cible préférée l'ex président Ben Ali.