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La plume-guillotine
Les mots déchaînés
Publié dans Le Temps le 06 - 02 - 2010

L'esprit de l'exclusion et sa pratique désastreuse sur ceux qu'on juge inadaptés pour vivre en société ou, pire, traîtres à leur nation, a été longtemps lié aux systèmes autoritaristes tels que le stalinisme et autres dictatures érigées en pouvoir pour, soi-disant, servir les peuples et qui se sont avérées avec le temps de véritables camps de destruction et de déstructuration humaine.
Il est stupéfiant de retrouver cet esprit dans les écrits d'un journaliste culturel publié par un mensuel de l'opposition. L'article nous présente un livre et, ce faisant, le journaliste s'érige en donneur de leçons... d'histoire nationale. Libre à lui mais quand la leçon glisse vers le dénigrement, l'insulte et la diffamation de l'une des figures les plus emblématiques de notre quatrième art, cela ne peut provoquer qu'un seul sentiment, : la nausée. Ecoutez plutôt, voilà comment ce monsieur juge ceux qui sont dignes d'être représentatifs de leur époque, "grâce à leur présence artistique, leur culture et ... leur Rajoulia (virilité ou bravoure ?" : Salah Khmissi, Salah Guermadi, Aouled Ahmed, Ahmed Hadeck Ourf, Mohamed Guarfi, Jaziri, Jaïbi, Hichem Jaïet, Naceur Khmir et d'autres...". Rien ne sert à vous signaler, cher lecteur , qu'il n'y a aucun nom de femmes dans cette liste définitivement fixée par cet homme à l'esprit ouvert et sûrement, hautement progressiste. Voici maintenant la liste des méchants... "Mustapha Khaznadar, Allala Bizaï, Mustapha Ben Ismaïl et... Aly Ben Ayed. "Ceux-là, sont des ignorants, des analphabètes qui ont mis à sac les caisses de l'Etat, se sont comportés en despotes et ont été bannis de notre mémoire" renchérit ce seigneur de la plume. Là encore aucune femme c'est drôle, les femmes n'existent peut-être pas, pour ce gentilhomme ! Débrouillez-vous avec les trois premiers noms mais je me dois de défendre l'homme le plus charismatique que notre théâtre ait jamais connu. Aly Ben Ayed ! Il a été banni de notre mémoire, Aly Ben Ayed alors que "Le Maréchal" est la pièce culte de tous les tunisiens. Celui qui a mis en scène et campé le rôle de "Caligula" en arabe littéraire, est un ignorant, un analphabète ? Il a vidé les caisses de l'Etat, Aly Ben Ayed ? Celui qui a commandé et mis en scène "Mourad III" est un despote ? Franchement que de tels proclamations soient émises par ceux qu'on accuse d'être sectaires, autoritaristes et rétrogrades ne nous étonnerait, peut-être pas mais qu'elles le soient par la plume d'un homme "Rajeil" militant et progressiste dans un journal de l'opposition, cela nous donne des sueurs froides... dans notre maigre cerveau. C'est ce qu'on appellerait une plume - guillotine.

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