Par Mokhtar DAKHLIA Dans la place immense de la République, Bien noire de monde Qui s'agite et gronde, Est la révolution avec lances et piques. J'étais comme un caillou Trempé d'eau et de boue, Emporté malgré moi par le puissant oued, Un naufragé, en somme, sans secours, sans aide, Emu, me tenant coi, Sans paroles et sans voix. Dans la foule agitée de milliers de personnes Criant : « Je suis Charlie », Dans ma tête assourdie, Le gong tinte et sonne, Me faisant entendre la voix de la raison : « Je ne suis pas Charlie, non plus un doux mouton.. Je suis un musulman Attaché aux valeurs bien républicaines, Un vaillant combattant, Non violent, sans haine, Affichant du respect pour tous les autres : Idéologies, dieux, totems et apôtres. C'est là la différence avec Hebdo « Charlie » Dont l'humour noir douteux salit les interdits. Il lui plaît de franchir maintes lignes rouges Et de soigner ses tirs pour tout ce qui bouge. Des coups de semonce, il en a bien reçu. Attentats, incendies et divers coups tordus N'ont pu servir guère A le dissuader d'exciter les vipères. Charlie ne craint rien, s'attire les dangers Jusqu'au jour où la mort l'a fauché à jamais. Le défilé d'hier des chefs des puissances, En hommage à Charlie, Sentait à l'évidence Des tours d'hypocrisie. Seront rares les chefs qui s'engagent au combat. D'autres, non concernés, ne feront pas un pas. D'autres s'enhardiront dans les violences d'Etat Et des caméléons tourneront leurs jebbas. Quelques jours suffiront pour ternir la flamme Et chacun se verra seul face à ses drames. Cruel terrorisme, Antisémitisme Sont les maux actuels engendrant des guerres Depuis soixante-dix ans et ne finissent guère. Mon rêve, un souhait, serait que ces puissants Imposent d'arrêter cette effusion de sang Sans pitié pour les uns, fussent-ils en prières, Sans complexe aussi pour les incendiaires. (Collonges , 11 janvier 2015)