La délégation d'El Alaa enregistre le taux le plus élevé de chômage Quarante pour cent de la population du gouvernorat de Kairouan ont moins de trente ans. Autrement dit, on peut avancer, sans trop de risques de se tromper, que c'est une population jeune. Cette jeune génération n'est pas toujours satisfaite de son environnement qu'elle critique d'une manière ou d'une autre. En effet, en dépit de tous les efforts fournis par les responsables à tous les niveaux, des soucis préoccupants subsistent tels que l'abandon scolaire ( 11% dans les écoles et les lycées durant les 2 dernières années ), le manque de loisirs, la délinquance, l'échec scolaire, le phénomène du suicide des mineurs qui va crescendo et surtout le taux du chômage ( 12% des jeunes ). Wael Gharbi, jeune diplômé sans emploi, nous confie ses préoccupations : «Personne n'ignore que le piston continue d'être le moyen le plus efficace pour obtenir un emploi. Il faut que cela cesse maintenant. Je voudrais que la justice sociale règne dans toutes les régions afin de permettre aux jeunes d'assumer leurs responsabilités et de s'intégrer de manière efficiente dans la vie publique et dans le processus de développement...» Oumayma Jrad, diplômée du supérieur, au chômage, renchérit: «Mon ambition en cette nouvelle étape est de voir enfin le travail valorisé, l'initiative privée stimulée et l'esprit de l'auto-prise en charge mis en avant. Il faudrait aussi trouver des solutions au retard dans la mise en œuvre des projets de développement dans la région de Kairouan, et ce, à cause des problèmes fonciers, de la mauvaise gestion de l'argent public et des lois draconiennes régissant les marchés publics...» Lamia Rebhi, élève dans un lycée à El Alaa : «Plus de 14 enfants et adolescents originaires de ma délégation se sont suicidés en 2014 à cause de la précarité, de la marginalisation, du chômage des parents et de l'impuissance à surmonter le manque flagrant des facteurs essentiels à une vie digne. Il est temps que l'Etat pense davantage aux régions défavorisées, telles que Kairouan. Des solutions spécifiques Notons que la question de l'emploi demeure, pour toutes les franges de la société et dans tous les gouvernorats, la préoccupation majeure. D'ailleurs, un des slogans des jeunes pendant la révolution était «Liberté, emploi et dignité». Mais les chiffres dans ce domaine sont peu rassurants et mettent le gouvernement dans l'embarras d'offrir à tous les demandeurs d'emploi leur intégration dans le marché du travail. Si dans le gouvernorat de Kairouan, le chômage a pris de l'ampleur, c'est surtout en raison de la régression économique marquée par la fermeture de plusieurs entreprises et le licenciement d'un grand nombre d'employés. Cependant, le tableau n'est pas aussi obscur pour un certain nombre de jeunes qui ont pu intégrer le marché de l'emploi grâce, notamment, au programme de recrutement dans la fonction publique, aux encouragements destinés à promouvoir le sens de l'initiative privée, à la création d'emplois additionnels, et à la régularisation des employés suivant des stages d'intérêt public ( mécanisme 16 ). En outre, le Centre d'affaires de Kairouan, en collaboration avec le réseau Entreprendre, les structures d'appui, la Bfpme et la BTS, organise souvent des ateliers de financement pour les jeunes promoteurs. Notons que l'année dernière, le Centre d'affaires a permis la réalisation de 7 projets avec un coût global de 1 milliard 116 millions qui ont généré 73 postes d'emploi. Afef Mallat, que nous avons trouvée dans son unité de diagnostic et de réparation automobile à la cité Haffouz, nous parle de sa joie d'avoir enfin réalisé son rêve grâce à l'aide de la BTS : «Grâce à cette banque, qui m'a accordé un crédit de 42 mille dinars dont 7.000 comme fonds de roulement, j'ai pu équiper cette unité en matériel moderne...» 7.725 demandeurs d'emploi Durant l'année 2014, 7.725 demandeurs d'emploi dont 4.556 diplômés du supérieur, ont été enregistrés aux bureaux de l'emploi de Kairouan. Les offres d'emploi ont été de 1.422 et les contrats de stage ont concerné 3.088 jeunes. Le secteur agricole arrive au premier rang, suivi des industries manufacturières puis du service et du commerce. S'agissant des contrats de stage, M. Lamjed Sebri, directeur régional de l'emploi, nous précise que les bureaux de l'emploi dans le gouvernorat de Kairouan ont enregistré en 2014, 4.360 opérations dont 630 contrats de Stage d'initiation à la vie professionnelle (SIVP), 597 Contrats d'adaptation et d'insertion à la vie professionnelle (CAIP), 2.787 contrats dans le cadre du Programme d'encouragement à l'emploi (PEE) et 376 contrats de services civils volontaires (SCV). Le «Volcan de Traza» risque une éruption Il va sans dire que le problème du chômage demeure une mission délicate, surtout dans les différentes délégations dont El Alaa qui détient le plus grand nombre de chômeurs qui ne cessent de revendiquer le droit à l'emploi et au développement. C'est ce qui a poussé un nombre de jeunes filles diplômées à organiser un sit-in pacifique au sein des locaux de la délégation d'El Alaa, et ce, depuis 375 jours. Ce mouvement militant de «Hareïr El Alâa» tenu sous le slogan de «Volcan de Traza» a attiré la sympathie des différentes composantes de la société civile, dont la Ligue tunisienne de droits de l'Homme, la section kairouanaise du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, du Front populaire et de l'Association des journalistes de Kairouan. Bravant les nuits glaciales, le froid, les menaces, l'humidité et la faim, ces jeunes filles n'aspirent qu'à une chose : intégrer le marché du travail. Espérons que leur calvaire prendra fin, surtout que des projets pour la promotion de toute la délégation vont bientôt être concrétisés.