Parution aussi d'un ouvrage critique de la poésie de Mohamed Masmouli, fruit des travaux de Abdelaziz Ben Arfa Mohamed Masmouli est poète, écrivain, journaliste, critique, animateur, essayiste et intellectuel heureux. Non seulement il vient de publier un nouveau recueil de ses écrits, mais il vient de faire l'objet d'un ouvrage qui traite de sa poésie, fruit des travaux du critique Abdelaziz Ben Arfa. Primo : «Min Konnachett Saheb al Ghoulioun» (Des carnets de l'homme à la pipe), recueil de billets et d'articles de fond parus dans des journaux et périodiques culturels, tout au long de sa longue carrière d'homme de lettres. Un ouvrage qui ratisse large et s'étale sur 210 pages. Secundo : «Mohamed Masmouli, poète : l'acte d'écrire dans Je refuse et la passion est avec moi et Dans le silence, il y a une place pour la parole», l'étude consacrée à deux de ses écrits-phares (en arabe). Une analyse critique en 160 pages qui s'est intéressée aussi bien au style du poète qu'aux idées véhiculées par ses poèmes en prose. Comme il est difficile et surtout infructueux de présenter les deux ouvrages en même temps, nous nous contenterons de présenter le premier, en promettant de consacrer un article à part au second. La liberté créatrice Impossible de lire Masmouli sans que sa voix au ton intimiste, mélodieux et un brin onirique ne vienne chatouiller l'oreille. C'est que ce producteur et présentateur d'émissions culturelles radio et télé possède un style bien particulier d'une écriture destinée à l'oral. Une écriture imagée jouant sur les nuances et les contrastes, parfois sur les contradictions. Avec plus de sept mille émissions produites et présentées, Masmouli a, tout au long de quatre bonnes décennies et même plus, imprégné l'oreille des Tunisiens en leur ouvrant de nouveaux horizons pour la langue arabe qu'il a fai sortir de ses moules archaïques. Dans ses «carnets», Masmouli a surtout parlé de poésie et de poètes. Soit près de quarante textes aussi délicieux les uns que les autres, aussi instructifs, aussi engagés... Fervent défenseur de la liberté, surtout dans le domaine de la création littéraire, artistique et intellectuelle d'une façon générale, notre poète et écrivain s'en prend à toute tentative de limiter cette liberté. Quel que soit le motif invoqué, le sacré, l'ordre public, ou la sûreté de l'Etat, Masmouli est contre tout acte visant la liberté de création. Rien d'étonnant dans ses positions puisque ce cofondateur du mouvement de l'avant-garde littéraire tunisienne a mené un dur combat contre l'archaïsme dans la littérature arabe emboîtant ainsi le pas à Aboul Qacem Chebbi et Ali Douagi. «L'homme à la pipe» considère également qu'il n'y a pas de création sans évoquer la modernité et vice versa. D'où ses critiques sévères contre la production littéraire arabe qui, généralement et à quelques exceptions près, n'a pas su se séparer du personnage du narrateur. Rêve et... révolution Le rêve a aussi sa place dans les écrits de Masmouli. Le contraire aurait choqué. Le rêve du créateur mais aussi le rêve dans la ville et partant la ville des rêves, celle aussi dont chacun rêve... la ville de demain. L'auteur consacre aussi plusieurs de ses écrits à la question du Patrimoine, son essence, comment le sauvegarder et surtout comment éviter qu'il ne se transforme en obstacle contre la modernité. Car, écrit-il : «(...) dans tout patrimoine, il y a une quête de la Modernité et dans toute modernité, une certaine continuité avec le Patrimoine». «L'homme à la pipe» traite aussi de questions philosophiques d'actualité comme la notion de temps, la non-violence, le destin, la civilisation et consacre au moins quatre articles à la révolution. Des carnets qui reflètent fidèlement les préoccupations de cet intellectuel habité par l'acte poétique dans son sens le plus large, c'est-à-dire une création qui ne trace pas de limites entre la langue, le rêve, la musique et la méditation.