Par Abdelhamid GMATI Le nombre de demandeurs d'emploi a atteint 650 mille personnes dont 240 mille sont des diplômés universitaires.Selon l'INS, le taux de chômage a baissé, passant de 16,5% à 15,2%. Ce phénomène est toutefois inquiétant, d'autant plus qu'il touche beaucoup de jeunes. Car, ne l'oublions pas, le travail n'est pas seulement important, voire primordial, pour assurer la satisfaction des besoins naturels mais il reste, aussi, une voie essentielle pour l'expression de la personne, la réalisation de ses capacités, sa sérénité. Tout cela compte énormément pour les individus et, en tant que tel, constitue le vecteur de valeurs primordial. Ce qui explique, sans doute, l'importance qu'il a aux yeux d'un très grand nombre de personnes. Et ce qui explique que, périodiquement, ces chômeurs manifestent, se mettent en sit in et procèdent à des grèves de la faim. Mais est-ce la bonne méthode que de mettre sa vie en danger? Cela sous entend qu'il existe des emplois et qu'on ne veut pas les embaucher. Ce qui, évidemment, est loin d'être le cas. Les responsables gouvernementaux affirment que « l'Etat n'est pas en mesure d'intégrer tous les diplômés chômeurs dans la fonction publique ». Dixit le ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, Zied Ladhari, qui ajoute « le Gouvernement fait sa part des choses pour le moment, mais qu'il ne peut pas créer des postes d'emploi pour tous les chômeurs du pays ». Alors, quelles solutions? Le secteur privé, bien sûr, mais, actuellement, il est grippé par la situation économique alarmante, la timidité des investisseurs nationaux et internationaux due au terrorisme et à une situation sociale instable. De plus, l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) se plaint de la prolifération du phénomène des grèves abusives pour des raisons qui ne dépendent pas de l'entreprise ou encore réclamant des requêtes qu'elle ne peut satisfaire. Il est un autre obstacle au recrutement : un diplôme n'est pas garant de l'employabilité ni de la compétence de son détenteur, notre système éducatif prodiguant des formations qui ne sont pas demandées sur le marché de l'emploi actuel (dixit le même ministre). D'où la nécessité de la formation professionnelle complémentaire. Reste une autre possibilité qui a été rappelée à plusieurs reprises, ces derniers jours, par le même ministre Ladhari, invitant les chômeurs à compter sur eux-mêmes en lançant leurs propres projets, les assurant de l'aide de l'Etat. C'est là une autre philosophie qu'on veut introduite : l'investissement personnel. Et cela ne s'adresse pas seulement aux chômeurs, mais concerne tous les Tunisiens priés de se conduire en acteurs, en investisseurs au lieu de se comporter en « assistés sociaux » comme cela a été le cas durant ce dernier demi-siècle. Significatives, ces images relayées par nos chaînes de télévision de personnes désoeuvrées, comme cette dame d'une région de l'Ouest, qui se plaint qu'on ne l'aide pas à subvenir aux besoins de ses 5 enfants, son mari étant, de surcroît, au chômage. Ce couple, a-t-il pensé aux besoins de ses enfants avant de les concevoir ? A l'inverse, on citera le cas de ce Tunisien non-voyant qui a perdu la vue. Adel, dans la cinquantaine, se portait bien et jouissait de tous ses sens. Il travaillait dans un secteur technique et gagnait bien sa vie et celle de sa famille. Suite à un accident, il a perdu la vue. Mais loin de se plaindre, et de se comporter en victime et en assisté, il a fait face. Aujourd'hui, il mène une vie presque normale. Chez lui, il répare son four à micro-onde, son chauffe-eau, en définissant les pannes, règle son antenne de télé, fait ses emplettes, sort avec ses amis, s'attable au café... Pour lui, il faut savoir surmonter son handicap et faire face. « A défaut des yeux et de la vision, il faut compter sur ses autres sens et sur son cerveau », se plaît-il à dire. Ce nouveau concept de la responsabilité et de l'engagement individuel, semble être le nouveau créneau du gouvernement Essid. Le Premier ministre l'a défini, il y a 2 jours, devant l'ARP. Pour lui, « le laisser-aller, la nonchalance, la négligence, les abus en tous genres et tant de mauvaises habitudes prises, ces dernières années n'ont plus droit de cité ». Et il prône le « double concept du mérite et de l'exigence », la sécurité se paye, la croissance, la prospérité, la propreté... « Tout se mérite : l'indépendance, la liberté, la rémunération ». Quant à l'exigence, elle commence par soi-même. Le gouvernement Essid a l'air de reprendre à son compte ce que J.F. Kennedy disait lors de son discours d'investiture en janvier 1961 : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. C'est entre vos mains, mes chers concitoyens, plus que dans les miennes, que reposera le succès ou l'échec final de notre entreprise ». Sera-t-il entendu ?