Plus qu'une sortie perpétuelle, la « Kharja » semble une passion ancrée, depuis des lustres, dans les traditions des Zaghouanais, un spectacle donné avec amour et fierté Les Zaghouanais étaient nombreux à enfiler des costumes traditionnels dont la splendeur est rehaussée de couleurs attrayantes, de dorure, de broderie et de bijoux typiques. Ils ont converti cette belle matinée dominicale du 19 avril 2015 en une matinée festive, célébrant le saint-maître de Zaghouan, sidi Ali Azouz. Né en 1040 et décédé en 1122, (1720 ap.JC)sidi Ali Azouz était un pieux, originaire de Fès. Il avait débarqué à Zaghouan où il avait été accueilli comme un saint pour ses qualités mystiques mais aussi pour son Savoir. «Sidi Ali Azouz était très apprécié par ses contemporains. Dès son arrivée à Zaghouan,— ou à Ziqua comme la baptisaient les romains—, il avait sitôt gagné la sympathie des savants et des fakirs qui ne ménageaient aucun effort pour l'écouter et débattre avec lui des pensées islamiques, du mysticisme et des sciences», indique M. Abderrahmane Abbès, guide originaire de Zaghouan. Un ambassadeur de la paix Sa réputation de sage et de saint lui avait même valu l'intérêt et la reconnaissance de la classe politique. En effet, il était considéré comme un messager de la paix et de la sagesse. D'ailleurs, le Bey l'avait chargé de résoudre un différend politique entre la Tunisie et l'Algérie. Tel un ambassadeur de la paix, sidi Ali Azouz avait réussi à dissiper le malentendu. «Et pour le récompenser, le Bey lui avait offert le mausolée situé au quartier andalou. Un mausolée qui s'était transformé en lieu de méditation, de rituels soufis, de rencontre avec les savants et les politiciens, mais aussi en école où des élèves recevaient des cours sur l'Islam et sur les sciences», ajoute le guide. Pieux, intellectuel et ayant un attrait pour la vie politique, sidi Ali Azouz s'engageait, de surcroît, dans le social. Outre les cours qu'il donnait aux « tolba » (pluriel arabe de Taleb étudiant), il permettait à ses élèves de bénéficier quotidiennement d'un menu complet, comportant du pain et du couscous à la viande. Convaincu du précieux apport des Imams dans l'émancipation de la communauté et dans la diffusion de la culture du savoir et des valeurs sûres et soucieux de garantir à ses confrères sécurité et confort, le saint-maître de Zaghouan avait doté les Imams de demeures dignes de leur statut. Ainsi, la plupart des maisons situées aux alentours du mausolée appartenaient à des Imams et des fakirs. «Certaines appartiennent encore aux descendants des imams», fait encore remarquer M. Abbès. Un spectacle donné avec amour Le mausolée du saint-maître de Zaghouan se trouve, donc, au beau milieu du quartier andalou ainsi que d'une pente ardue. Les fidèles ont pris soin de remonter la pente ; une peine agréable en hommage au saint. Des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes se sont faits beaux en portant des tenues traditionnelles, en signe de reconnaissance et d'appartenance à leur ville. Plus qu'une sortie perpétuelle, la « Kharja » semble une passion ancrée, depuis des lustres, dans les traditions des Zaghouanais, un spectacle donné avec amour et fierté. Les fidèles de tous âges n'ont pas hésité à improviser des répliques rappelant les préoccupations et le langage soutenu de leurs aïeuls. Sur son chemin, le cortège joyeux est passé au-dessous de la terrasse longitudinale de la grande mosquée «el jemaâ al kabir». «C'est ici, ajoute notre guide, que les femmes visionnaient jadis el kharja. Elles arrosaient la foule d'eau de fleur de nesri (néroli) tout en poussant les youyous de joie». Pas à pas, la foule accède au mausolée tout en récitant des chants soufis. Une troupe soufie a accompagné le cortège de chants vantant le saint mais aussi de snajak (étendards de couleurs spécifiques à la kharja Une fois dans le mausolée, les fidèles s'impatientaient de voir le tombeau de sidi Ali Azouz, de pouvoir réciter la « Fatiha » à sa mémoire et faire un vœu. A la sortie, chacun se dirigeait vers la source portant le nom du saint et située au-devant du mausolée. « Buvez de cette source bénite et vous reviendrez sûrement à Zaghouan», note un visiteur, l'air fort accueillant.