Lorsque nous l'avions contacté, il y a moins d'un mois, pour un entretien, à l'occasion de sa consécration par le Prix national des Lettres et des Sciences humaines qui lui fut remis le 25 février 2010, lors de la Journée nationale de la culture, Radhouane El Kouni était en pleine forme. Feinte de la mort ? Ironie du sort? On en aurait sans doute ri, mais pas pour longtemps… Car cela s'est passé si vite… Ce n'est pas l'effet de surprise qui est bouleversant, mais bien plus le choc d'apprendre qu'un écrivain de l'envergure d'El Kouni sera empêché, par la mort, de poursuivre un parcours dont l'empreinte est manifestement marquante dans le paysage littéraire national. C'est un homme de caractère que la famille littéraire et médiatique vient de perdre. Radhouane El Kouni était d'une sobriété légendaire, d'une quiétude olympienne. Lorsqu'il participait à une rencontre ou un colloque, il faisait preuve d'une humilité digne des grands écrivains, qui mettait en valeur la force de son argument de sa réflexion souvent incisive. Ses textes, qui comptent parmi les meilleures œuvres dans la bibliothèque littéraire nationale, l'illustrent parfaitement. Depuis Les chaises renversées, son recueil de nouvelles publié en 1973, jusqu'à ses douze textes dramatiques en passant par les essais et romans qu'il n'a cessé de produire, R. El Kouni a souvent créé l'événement. Il travaillait dans la discrétion, se tenait à l'écart des feux médiatiques. On lui connaît Le tunnel, recueil de nouvelles (1983), trois romans : Ras Ed-darb (1993), Sahil ar-rouman (1998) Aïd al massaïd (2004), Daraouiche as-saha (2009). Parmi ses essais, L'écriture romanesque en Tunisie entre 1964 et 1984 (1994), Mohamed Ben Amor At-tounsi : sa vie, son œuvre (monographie 2002), Nouvelles de Tunisie (en collaboration avec Ahmed Mammou (2010). Radhouane El Kouni, originaire de Tataouine, avait suivi des études primaires à Halfaouine, au collège Sadiki et au lycée Khaznadar. C'est à Paris qu'il a obtenu son diplôme d'aptitude à la recherche en langue arabe. Il enseigna la littérature arabe, de retour à Tunis, durant sept ans, avant d'être nommé directeur de lycée puis 1er inspecteur de l'enseignement secondaire, poste qu'il a assuré pendant vingt années qui furent entrecoupées par une affectation au régime de la coopération technique, ce qui lui fera tour à tour exercer dans des pays arabes comme le sultanat d'Oman, le Yémen, Dubaï et Bahreïn. Ses cinq dernières années avant la retraite lui feront vivre une autre expérience, celle de l'enseignement supérieur à l'Institut supérieur de la formation des formateurs à Carthage. R. El Kouni, membre du Club de la nouvelle, a assuré les fonctions de secrétaire général du club culturel Aboulkacem-Echebbi, dont il fut, jusqu'à son décès, le président. Membre du comité directeur de l'Union des écrivains tunisiens pendant trois ans, il a conduit plusieurs fois des délégations, au nom de l'union dans des manifestations arabes et mondiales. Son activité de réflexion s'est étendue à des journaux comme As-Sabah, Al Amal, As-Sahafa, Al Fajr Al Jadid, Al Ittihad, Al Khalij… Honoré par le prix national des lettres et des sciences humaines, lors de la journée nationale de la culture en février dernier, il a été assisté, pendant sa maladie, par l'attention du Président Zine El Abidine Ben Ali. Son décès, une grosse perte sans doute, est compensé par une œuvre qui fera tache d'huile dans l'histoire de la littérature tunisienne.