Jusqu'à quand la Tunisie va-t-elle rester dans une position passive et se contenter de réagir au coup par coup ? Il est grand temps pour notre diplomatie de sortir de sa léthargie et de s'inscrire dans une dynamique d'action. C'est à ce titre, lorsqu'elle devient agissante, qu'elle pourra sauvegarder la souveraineté de l'Etat et la dignité de ses citoyens. Cependant, pour réparer le préjudice subi et préserver cette dignité nationale écorchée par ces intégristes barbares qui font la loi en Libye, il est impératif que l'Etat tunisien soit doté d'une vraie volonté politique. C'est à cette condition que l'on peut leur apprendre à redouter les conséquences néfastes de leurs méfaits et leur faire comprendre qu'ils ne peuvent aucunement jouir de l'impunité. C'est ainsi que l'on arrivera à les amener à bien méditer leurs actes avant de les accomplir et pas autrement, surtout pas avec des concessions, d'autant plus que les moyens de dissuasion dont dispose la Tunisie ne manquent pas. Réactions tardives Le respect des règles de bon voisinage entre Etats est la condition sine qua non pour l'établissement de relations bilatérales et une sécurité durable, faute de quoi c'est la ruine pour toutes les parties. Des voisins entretiennent, nécessairement, des liens bien ancrés dans l'histoire et se partagent, donc, des intérêts variés, ce qui veut dire que la stabilité et la prospérité de l'un dépendent de celles de l'autre, en ce sens que la non-observance de ces règles entraîne des ennuis pour tous les partenaires dont le destin commun, à tous les niveaux, politique, économique, sécuritaire et autres, est déjà scellé bon gré mal gré. Malheureusement, notre voisin du sud ne semble pas assimiler ces lois basiques des relations diplomatiques. Il est vrai que l'Etat y est démantelé, qu'il est livré à la merci des groupes armés, qui le déchiquètent à volonté, et que la Tunisie n'a pas de vis-à-vis officiel, doté de pouvoirs réels, avec qui elle peut dialoguer. Mais, cela n'empêche qu'elle doit agir, dans ce contexte défavorable, pour défendre et sa sécurité territoriale et la dignité et l'intégrité physique de ses ressortissants, d'autant plus que l'on n'en est pas à la première du genre. Faisant fi de ces principes élémentaires, notre diplomatie n'a bronché que sur le tard et à la suite de la pression exercée par la société civile et politique, que ce soit lors de l'affaire des diplomates ou bien dans celle des journalistes. En effet, ne dérogeant pas à cette règle, elle n'a réagi qu'après aggravation de la situation, et la cellule de crise montée par le ministère des Affaires étrangères n'apporte pas grand-chose au dossier. C'est trop tard et trop peu, comme à l'accoutumée. Pire, le ministre Taïeb Baccouche a déclaré qu'il n'en a pas trouvé la trace, ce qui est une accusation tacite d'insouciance à l'endroit de son prédécesseur et son gouvernement. Mais, lui non plus n'est pas à l'abri, vu qu'il fera l'objet d'une interpellation de la part des familles des deux victimes et de certains partis politiques et députés. D'ailleurs, les avocats des familles des journalistes kidnappés viennent de dénoncer des pressions exercées sur elles de la part de plusieurs parties locales et étrangères, notamment libyennes, en vue d'étouffer le dossier, apparemment, très compromettant pour d'anciens responsables tunisiens. Espérons qu'il ne connaîtra pas le même sort que ceux des assassinats politiques et de tant d'autres. Une force dissuasive Au-delà de la gravité de cette affaire et de ses retombées politiques et sécuritaires, on trouve que c'est inquiétant et indigne que celle-ci ne constitue pas le premier affront à la souveraineté de la Tunisie. Le kidnapping de ses deux diplomates, l'enlèvement d'une trentaine de ses concitoyens, le mauvais traitement et l'humiliation subis au quotidien par des centaines, voire des milliers des membres de sa communauté en Libye sont les autres manifestations des avanies subies par notre pays. Ces actes barbares sont commis, indistinctement, par des milices armées, des gangs et, parfois même, de simples citoyens libyens. Les Tunisiens, qui s'attellent à participer à la restructuration de ce pays à leurs risques et périls, sont maltraités, pendant que des milliers de Libyens bénéficient de la protection, de l'hospitalité et même de privilèges que leurs hôtes n'ont pas. Ils jouissent des mêmes droits qu'eux sans avoir d'obligations, puisqu'ils consomment les produits subventionnés et ne payent rien en retour, c'est-à-dire qu'ils perçoivent des avantages, mais ne versent pas d'impôts, pendant que les Tunisiens, lorsqu'ils se rendent à l'étranger, n'en sont pas exonérés même s'ils y passent ne serait-ce qu'une seule nuit. Ils vivent, chez nous, beaucoup mieux que nous surtout après qu'on leur a accordé le droit de propriété, ce qui leur a permis de lancer des projets. A eux la belle vie et à nous la misère. Leur présence sur notre territoire nous est préjudiciable à plus d'un titre, et nos étudiants, qui sont obligés de louer des garages pour y loger en raison de la cherté du logement imposé par ces Libyens, en savent quelque chose. En politique, les intérêts nationaux doivent prendre le dessus sur les amitiés et les fraternités surtout lorsque celles-ci ne sont pas observées de part et d'autre. En aucun cas et sous aucun prétexte, la souveraineté nationale ne doit être écornée. Alors, pour la sauvegarder, est-il indispensable d'appliquer le principe diplomatique de réciprocité, le principe de base de la diplomatie ? La Tunisie constitue la seule issue pour la Libye tant au niveau terrestre qu'au niveau aérien, c'est-à-dire qu'elle lui est absolument vitale. Autrement dit, elle dispose d'une force de dissuasion qui lui permet de ramener à la raison ces hors-la-loi libyens. Alors, qu'est-ce qu'on attend pour leur faire comprendre qu'ils ne peuvent pas se passer de nous et que leur existence dépend largement de nous? Quand est-ce que va-t-on leur apprendre à nous respecter? A quand ces mesures dissuasives tant souhaitées et tant attendues?