Abdelaziz Ben Arfa nous guide vers la symbolique complexe qui rythme deux poèmes de Masmouli, mais à des rythmes changeants, scandant parfois comme des slogans d'activistes descendus dans la rue, et d'autres fois déclamant sur le ton quasi neutre de la récitation des apophtegmes. Se refusant aux premiers abords, telle une forteresse qui se dresse face à des assaillants, la poésie de Masmouli devient vite envoûtante alors que Abdelaziz Ben Arfa la prend de front et d'analyse et de passion par la porte de flanc de deux travaux-phares de Masmouli dont il décortique l'acte d'écriture:«Je refuse et la passion m'accompagne» et «Dans le Silence Réside Toute l'Etendue de l'Eloquence». Le premier poème date de 1972, le second de 2013... Plus de quarante ans et une dynamique intacte, nous fait découvrir Ben Arfa qui nous invite au plus profond du mécanisme créateur du poète et nous révèle les indices prouvant que les deux textes se situent résolument entre rhétorique et poésie : ses anaphores et ses oxymores. Trente voiles à lever L'anaphore est la figure de style qui consiste à commencer des vers par le même syntagme, rythmant ainsi la phrase, soulignant l'obsession, provoquant l'effet musical, communiquant de l'énergie au discours... Et l'oxymore est la figure de style qui rapproche deux termes dont les sens respectifs devraient normalement éloigner, en un tour de force qui lamine la contradiction, comme dans les vers du Cid de Corneille : ‘'Cette obscure clarté qui tombe des étoiles / Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles.'' Ben Arfa se charge de lever pour nous les voiles qui s'érigent entre nous et les poèmes de Masmouli avant que nous ayons enfin droit à ces saisissements d'admiration qui ne se manifestent que face aux grands poèmes. Car c'est de la poésie. Seulement, le processus d'investigation de Abdelaziz Ben Arfa démasque le processus créatif de Mohamed Masmouli, nous faisant découvrir qu'il use et abuse de ces anaphores et oxymores... qui sont des figures de style de la rhétorique, qui est à la fois la science et l'art de l'action et du discours sur les esprits ; la faisant pour un moment sœur de la poésie. Poésie ; là où les mots disent plus qu'eux-mêmes par leur choix (le sens, la sonorité...) et par leur agencement (rythme, musique, figure de style...). Mais la définition de la poésie est singulièrement ardue alors qu'elle varie selon les époques et chaque siècle lui trouve un être et une expression différente. En grec, celle que l'on orthographiait poësie jusqu'en 1878 nous amène à un poète-créateur; un trouvère, comme on disait au Moyen-Age. Et, derrière l'investigation de Ben Arfa, on se prend à ne plus considérer Mohamed Masmouli qu'en tant que trouvère. Car il trouve, dans un genre singulier de poésie, de nouveaux rythmes et de nouvelles cadences. Une symbolique complexe Ben Arfa poursuit sur le chemin de la poésie-rhétorique pour nous faire miroiter des connexions d'éloquence. Un piège, puisqu'un antagonisme, un double sens pave ce concept... D'une part, l'art de s'exprimer avec aisance, de convaincre, d'émouvoir... D'autre part, ce qui est radicalement expressif sans besoin de paroles ! Un double sens qu'il donne volontiers à la poésie de Masmouli; là où une symbolique complexe rythme les deux poèmes de Masmouli, mais à des rythmes changeants, scandant parfois comme des slogans d'activistes descendus dans la rue, et d'autres fois déclamant sur le ton quasi neutre de la récitation des apophtegmes; ces paroles mémorables ayant valeur de maxime. Car la poésie de Masmouli, telle que dépeinte par Abdelaziz Ben Arfa n'est pas faite pour être lue en aparté avec la seule compagnie du texte, dans la solitude. Elle a besoin d'être déclamée a capela, d'être théâtralisée, pour libérer tous ses effets. Un passage au crible linguistique, syntaxique, textuel... pour aller très loin en profondeur dans les vers et en arracher le sens et surtout pour en dégager le but, la motivation, l'essence... En cela, l'ouvrage de Ben Arfa n'est pas une simple affaire de littérature, c'est en vérité un essai pur et dur, une incursion d'analyse des chemins à double sens de l'éloquence dans sa dimension la plus élevée. L'ouvrage ‘'Mohamed Masmouli poète''-L'acte d'écriture dans ‘Je Refuse et la Passion m'Accompagne' et ‘Dans le Silence Réside Toute l'Etendue de l'Eloquence', 159p., mouture arabe Par Abdelaziz Ben Arfa Editions La Maison Tunisienne du Livre Disponible à la Librairie Al Kitab