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A propos de l'art.38: combattre l'intégrisme religieux sans tomber dans l'intégrisme laïque
Publié dans Leaders le 08 - 01 - 2014

Assurément, s'il est un piège dans lequel les démocrates véritables ne doivent pas tomber, c'est celui de se retrouver accusés à leur retour de dogmatisme; c'est un danger mortel pour les valeurs qu'ils portent. Or, c'est ce que nous voyons et entendons assez souvent. N'est-il pas aberrant, en effet, de ne voir s'opposer aux ayatollahs de la morale, les tartufes de la religion et les Savonarole des droits de l'Homme que des bonnes volontés s'offrant volontiers au risque d'être prises pour des Staline de la pensée libertaire, Hitler de la conscience libre ou Pol Pot des valeurs humanitaires?
Certes, la tentation est grande du dire "à la guerre comme à la guerre" et d'user des mêmes armes que les adversaires qui, ainsi que nos gouvernants en donnent le flagrant exemple, ne manquent aucune occasion pour tirer les plus grands profits de leur double langage et leur malhonnêteté politique.
Mais agissant comme nous le faisons, ne nous tirons-nous pas dans les pieds, tirant dans le même temps les marrons du feu pour les ennemis déclarés de nos valeurs?
Langue maternelle et équilibre psychologique
Je ne prendrais ici qu'une illustration d'une dérive que l'excellent livre de notre ami Samy Ghorbel et son dernier article sur Leaders n'ont pas manqué de pointer. Il s'agit du tollé provoqué dans le landerneau laïque et moderniste par le vote de l'article 38 amendé sur le droit à l'enseignement. Ainsi la colère homérique de M. Yadh Ben Achour allant jusqu'à parler d'une "journée noire" pour la Tunisie. Mon très estimé professeur est-il conscient du tort qu'il apporte ainsi à sa cause, la nôtre? Ne mesure-t-il pas la gravité des arguments supplémentaires qu'il donne ainsi à ses adversaires?
Rappelons, pour être bien clairs, que ce qui a provoqué l'ire de M. Ben Achour et de tous les démocrates c'est le passage de l'article consacrant la mission de l'enseignement devant tendre "à enraciner l'identité arabo-islamique dans l'enseignement, et à généraliser l'arabisation..."
Il est vrai que l'équipe au pouvoir a entendu par cette disposition s'aménager une arme redoutable pour le service de ses visées idéologiques rétrogrades; elle a su le faire intelligemment, usant de cette ruse terriblement efficace qui fait passer le mensonge pour une vérité, acculant ses adversaires à paraître prêcher le faux quand ils ne croient dire que la vérité.
De quoi s'agit-il, au vrai? Pour les modernistes, se voulant radicalement laïques, l'enseignement doit rester ouvert sur les valeurs universelles, les acquis démocratiques et humanitaires tels qu'incarnés aujourd'hui par l'Occident. En cela, ils ont raison. Mais là où ils ont tort, c'est de ne voir cette vérité que dans l'exclusive pérennité, et en l'état, du statut de la langue française dans notre pays. Bien pis! ils y cautionnent la situation actuelle de la langue arabe, particulièrement honteuse pour ne rien dire d'autre, sans que la langue française ne soit, pour autant, honorée à sa vraie et juste valeur, comme ce fut le cas un temps, hélas fini et bien fini.
Que les choses soient claires ! Quand je parle de langue arabe, ce n'est bien évidemment pas en termes dogmatiques, vides de sens, mais en tant que trait de la personnalité. Il n'est plus besoin aujourd'hui de prouver qu'on ne peut être en paix avec soi, serein et bien dans sa peau qu'en étant capable d'user correctement de sa langue maternelle. Car la crise identitaire actuelle du Tunisien, que personne ne pourrait mettre en doute, est d'abord dans son incapacité à s'exprimer correctement dans aucune langue pure. Certes, usant d'un sabir, il arrive à communiquer, et c'est l'essentiel pour lui. Car, vivre aujourd'hui, c'est communiquer. Mais une foi l'existence assurée, il faut bien penser à ce que l'on sert dans la vie, notre destinée; c'est le propre de l'homme. Ce qui nécessite de maîtriser une langue, et d'abord la langue des origines, pour exister en tant qu'être autonome, libre et digne. C'est la langue dominée qui fait la pensée libre; que dire quand il faut en faire une pensée libertaire pour nous libérer d'une mentalité sclérosée?
Cette incapacité chez nos concitoyens fait la vacuité de la pensée de nos intellectuels, sans parler du commun du peuple (encore celui-ci se rattrape-t-il dans sa vie de tous les jours avec la sagesse populaire ancestrale) et qui ouvre largement les portes au vide sidéral de la bêtise au pouvoir aujourd'hui.
Et comme on le sait, la nature a horreur du vide; aussi assiste-t-on au raidissement identitaire, les dogmatiques opposés à une modernité devenue manichéenne à son tour, occupant confortablement le terrain pour avancer leur vision faussée des réalités, mais jouant sur des cordes sensibles auxquelles il est difficile de résister.
L'altérité est l'essence de la tunisianité
Il faut s'opposer, il est vrai, à pareilles menées; mais non pas avec les mêmes armes, c'est-à-dire un dogmatisme outrancier antagonique. Je dis souvent que dans notre combat contre l'obscurantisme, pour peu que l'on soit assez sûr de ses valeurs, il nous faut donner l'exemple, aller sur le terrain adverse les mains nues, ne combattant l'ennemi (qui ne l'est que par sa propre volonté, demeurant en principe notre prochain, cet autre soi-même) qu'avec ses propres armes retournées contre lui.
Aussi, nous faut-il dire et claironner haut et fort, en modernistes que nous sommes et aussi laïques (mais au sens étymologique de la caractéristique commune à la majorité) : oui à l'enracinement de l'identité arabe islamique sur cette terre et à la généralisation de l'arabisation!
Et nous devons ajouter aussitôt aussi fort et avec la même conviction : non à la substitution de l'arabe aux langues de l'altérité nécessaire, le Tunisien étant presque par atavisme ouvert à l'autre, le différent. L'arabe, en retrouvant son statut de langue nationale respectable et respectée, ne doit nullement remplacer le français et l'anglais, et aussi l'allemand, l'espagnol, le japonais, toute autre langue pouvant aider à mieux comprendre le monde et lui faire comprendre notre culture et notre civilisation qui furent brillantes avant l'éclipse qui dure. L'identité tunisienne est multiple et elle le doit rester, mais d'une manière équilibrée, non bancale. Or, elle l'est aujourd'hui.
Ce dont il s'agit n'est pas une simple question de slogan; c'est une question essentielle d'équilibre psychologique et même mental. Et je dis que c'est même une question éminemment politique;, tout étant politisé, de nos jours. Qu'on arrête donc de faire la politique de l'autruche, de part et d'autre, et qu'on regarde enfin les choses en face!
Altérité culturelle et solidarité politique
S'agissant de la langue de Molière, qui est en point de mire au vu de son passé dans le pays, regardons lucidement les faits. On parle du statut de la langue française en Tunisie; mais que fait le premier pays intéressé, la France? Comme tous les pays occidentaux, notre plus grand partenaire et voisin sur tous les plans veut que ses intérêts soient préservés en les réduisant égoïstement à l'économie et à la culture avec une totale passivité sur le plan de l'adhésion politique concrète à son système démocratique. Ce qui devrait normalement tomber sous le sens.
Or, aujourd'hui, cela ne marche plus; et la Tunisie ne peut être un jouet pour les intérêts exclusifs de l'Occident. Oui, elle doit rester dans la sphère d'influence occidentale, la seule actuellement et durablement conforme à son intérêt, ses valeurs bien comprises, tout comme à ceux de la région, du monde même. Cependant, cela ne peut continuer à se faire dans une relation qui ne soit réellement équilibrée, et ce non pas formellement et mensongèrement comme on tient à ce qu'elle le reste.
La France dispose pour cela d'une arme qui pourrait s'avérer redoutable, quasiment magique: le mouvement francophone dont la Tunisie est membre éminent sans aucune retombée véritablement bénéfique pour ses ressortissants. Et je parle, bien entendu, des jeunes d'aujourd'hui, non pas de nos générations passées pour lesquels la langue et l'esprit français étaient comme du lait maternel.
Quitte à contrarier ses alliés européens, mais agissant comme le commandent la raison et l'éthique, outre ses intérêts à long terme, pourquoi donc la France n'initie-t-elle pas une politique méditerranéenne sui generis ? Il s'agit — et je l'y ai déjà appelée — de mettre en œuvre en Méditerranée, entre elle et la démocratie naissante en Tunisie pour commencer, un espace de démocratie francophone devant faire de notre mer commune une future aire de paix et de progrès, de droit, de libertés (y compris de circulation) et des droits de l'homme.?
M. Samy Ghorbel dit à juste titre que "nous avançons sur un terrain miné, radioactif"; et il importe que les plus sages parmi nous jouent aux démineurs et ne minent pas davantage la terre de Tunisie. Je crois que le peuple tunisien (et je vise surtout le citoyen de base) sage et clairvoyant. Il est attaché à son identité et aux valeurs islamiques, mais comme des principes humanitaires et non pas des armes d'exclusion. Et tout autant sinon plus encore, il est attaché aux valeurs universelles et à la démocratie sereine civilisée, car il est dans l'âme ouvert à l'altérité. Il suffit qu'il trouve qui lui en parle sereinement et surtout honnêtement pour lui prêter l'oreille. Et bonjour les merveilles sur cette terre!
M'adressant donc plus particulièrement aux modernistes et aux amis d'Occident pour finir ce propos, je dis qu'il faut que l'on soit pour une fois logique avec nous-mêmes ! Qu'on aille dans le sens de ce peuple en osant mettre ce que je propose comme mécanisme sain et équilibré de libre circulation; on verra alors s'il restera un seul terroriste en notre paisible Tunisie. À part, bien évidemment, les quelques rares et inévitables têtes brûlées qui vendent leur âme aux professionnels de la haine, de la démagogie et la guerre, venant de tout horizon. Car tant qu'il y aura des armes, il y aura des marchands avec la nécessité de la tension et de la guerre, quitte à la susciter. C'est la culture de la haine, triste héritage de la modernité, au lieu de celle des sentiments, marque de la postmodernité, notre époque.
Et qu'on arrête aussi de parler à la légère du legs de Bourguiba désormais encensé plus que de raison. Il est vrai, après les caricatures politiques qui l'ont suivi à Carthage, y compris parmi ceux aujourd'hui qui se gaussent d'être des défenseurs des droits de l'Homme, Bourguiba a fait le minimum. En effet, il pouvait bien plus, ayant eu le maximum de pouvoirs en un temps où tout était encore possible et faisable. Comme le dit la présidente de l'association des femmes démocrates dans l'interview accordée à notre magazine, il est en quelque sorte responsable du fait que le ver intégriste soit resté dans le fruit tunisien.
Dire le contraire, c'est faire montre d'un Alzheimer politique; c'est aussi continuer à vouloir un père pour ce peuple qui n'est plus mineur. Car à la veille de la quatrième année du coup du peuple tunisien, l'âge de majorité pour les peuples, le Tunisien est en passe de donner une réplique à son fameux coup. Je dis donc gare ! Non pas seulement aux intégristes au pouvoir, mais aussi à ceux qui sont dans l'opposition, versant inconsciemment dans un intégrisme laïque.
Farhat Othman

Tags : Tunisie démocrates Samy Ghorbel Ben Achour islamique arabe politique


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