Corruption : prison ferme pour l'homme d'affaires Youssef Mimouni et d'un ancien cadre public    Une famille tunisienne de 4 personnes a besoin de plus de 5 000 dinars par mois, selon Chkoundali    Carte technologique internationale : vers une augmentation de l'allocation en devises pour les jeunes et les entrepreneurs    ES Sahel : soutien à Ben Amor après une violente agression à Sousse    Kélibia : l'agresseur à la lame de rasoir arrêté après plusieurs attaques sur des femmes    Tunis privée de taxis le 19 mai    Ouvrières agricoles tunisiennes : de l'invisibilité à la lutte pour la dignité    Révolution tunisienne et crise de Covid-19: Conséquences psychologiques et évolution socio-politique    Retailleau durcit les conditions d'accès à la nationalité française    Crise des médias : 82 % des Tunisiens pointent du doigt les chroniqueurs    Daily brief national du 06 mai 2025: La DG de l'OIM en visite en Tunisie    Inflation à 0 % en Suisse : vers un retour aux taux d'intérêt négatifs ?    Hausse des recettes touristiques et des transferts des Tunisiens à l'étranger à fin avril    Naturalisation : une circulaire qui inquiète les ressortissants tunisiens en France    Météo : Averses isolées au nord et au centre et températures maximales entre 21 et 38 degrés    Sami Mokadem : la 39e édition de la Foire du livre était un échec !    UGTT–secteur privé : le ministère ajourne l'ouverture des négociations    Etats-Unis : le Pentagone lance une purge historique dans les rangs des hauts gradés militaires    Le taux d'inflation baisse légèrement et s'établit à 5,6%    Ce que les astres vous réservent ce 6 mai 2025 : tensions intérieures et révélations inattendues    Kaïs Saïed insiste sur l'épuration de l'administration et la relance des recrutements publics    Recevant la directrice générale de l'OIM : Saïed plaide pour le retour volontaire et la dignité des migrants    Recevant la cheffe du Gouvernement : Le Chef de l'Etat insiste sur un projet de loi de finances à vocation sociale    Volley-Coupe de Tunisie: L'Espérance ST rejoint l'Etoile du Sahel en finale    Divorcer sans passer par le tribunal : une réforme en débat à l'ARP    Tunisie – Importante visite de travail de la DG de l'OIM    Education numérique : 3540 établissements scolaires déjà connectés à la fibre en Tunisie    Soupçons de torture sur un détenu : Précisions du barreau après un communiqué du ministère de la Justice    L'EST remporte le classico : Ces petits détails....    Ambassade israélienne en Tunisie et exportation de pétrole : intox sur X    Homo Deus au pays d'Homo Sapiens    Affluence record à la Foire du livre 2025, mais le pouvoir d'achat freine les ventes [vidéo]    Puissance et conditionnalité: La nouvelle grammaire allemande des relations extérieures    Chute historique : le baril dégringole sous les 60 dollars    Quelle est l'ampleur des déséquilibres extérieurs liés aux Etats-Unis ?    La Tunisie en Force: 19 Médailles, Dont 7 Ors, aux Championnats Arabes d'Athlétisme    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    Un séisme de magnitude 4,9 secoue le nord du Chili    Kaïs Saïed réaffirme son soutien à la cause palestinienne lors d'un échange avec le Premier ministre irakien    USA – Trump veut taxer à 100 % les films étrangers : une nouvelle offensive commerciale en marche    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Stand de La Presse à la FILT: Capter l'émotion en direct    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



May Telmissany, A cappella
Publié dans Leaders le 04 - 06 - 2014

Née au Caire en 1965 May Telmissany vit actuellement au Canada. Elle a à son actif, outre des nouvelles et des romans, de nombreux articles scientifiques ainsi que des traductions vers l'arabe. Parmi ses romans, citons les deux ouvragesdéjà publiés par Actes Sud, Doniazade en2000 et Héliopolis en 2002
Tel père, telle fille. May est la fille du réalisateur égyptien Abdel-Kader Telmissany (1924-2003). Elle s'intéresse, elle aussi, au 7e art.Professeur à l'Université d'Ottawa,elle y enseigne non seulement la culture arabe mais aussi le cinéma. Sa dernière contribution en ce domaine s'intitulée “La Hara dans le Cinéma Egyptien. Quartier Populaire et Identité Nationale“. Doit-on s'en étonner? Son nouveau roman A capella que les Actes Sud viennent juste de publier commence ainsi:
«Dans la pièce qui me sert de bureau il y a des affiches, grandes et petites, de films que j'ai déjà vus ou que je me promets de voir un jour. Quand une affiche me plaît, je l'achète, même si je n'ai pas vu le film. Je l'accroche au mur, elle y reste quelques semaines; quand je m'en lasse, je la remplace par une autre…. Il y a une affiche noire dont les deux tiers environ sont occupés par une potence faite de cordes solidement tressées, d'où se détachent des brins de paille que l'objectif de l'appareil photo a saisis et grossis plusieurs fois». (pp.9-10).
Disons-le tout de suite : bien que les références au cinéma ne manquent pas dans ce roman, l'histoire n'a que des liens subjectifs avec cet art. En effet, l'insistance de la narratrice, Mahi, sur la potence de l'affiche et ses reflets dans son bureau ne présage rien de bon. Cette potence rappelle étrangement le' memento mori' théâtral, le cadavre de la victime dans une tragédie antique, gisant à l'arrière-scène.
Et effectivement,des souvenirs refoulés commencent alors à resurgir. Aïda, son amie vient de mourir subitement, à l'âge de quarante ans. Issue d'une famille modeste, Aïda avait quitté son village natal pour s'installer dans la capitale et s'adonner à la peinture. Bientôt un cercle restreint d'amis fidèles se forma autour d'elle :Leo, son premier mari et confident, Hossam, un ami d'enfance, Karim, un écrivain, et Adel, un médecin.Un jour, la narratrice qui fait partie de ce cercle, tomba sur un des carnets intimes d'Aîda et le subtilisa:
«Du moment où j'ai trouvé le premier carnet, j'ai décidé que je serais la gardienne du journal d'Aïda, et ce rôle que j'ai été la seule à assumer dans le cercle de ses amis, s'est confirmé après qu'elle a rompu avec moi, et plus encore après son décès;» (p.27)
Grâce à ce procédé, symboliquement, la progression du récit va se dérouler à deux voix, celle de la narratrice et celle d'Aïda, venue comme d'outre-tombe, se mêlant et se confondant pour ne constituer, en fin de compte, qu'une seule et unique voix.
Et c'est ainsi que le lecteur finira par apprendre petit à petit d'abord que la narratrice, Mahi, portée sur l'introspection, est subjuguée par la forte personnalité d'Aïda:
«Avant de rencontrer Aïda, je me voyais comme une femme ouverte et honnête dans les limites du sens commun ; découvrant soudain à quel point cette représentation était naïve et superficielle, je reniais le sens commun, il m'apparaissait dans toute sa lâcheté et son hypocrisie». (p.46).
Il apprendra ensuite que cette femme était portée vers certaines dérives comme la kleptomanie, le mensonge, et le refus des conventions sociales.En fait, elle souffrait d'une étrange maladie, une sorte de dédoublement de la personnalité.
Et le roman de prendre alors l'allure d'un vrai diagnostic médical, dans la mesure où la romancière s'efforce habilement de mettre en évidence les différents symptômes de ce trouble psychique. Ainsi la première manifestation de cette maladie mystérieuse, que le jargon médical désigne par le terme ‘dissociation' est liée à un souvenir d'enfance longtemps enfoui dans la mémoire de la patiente:
«Ce jour-là, quand j'ai dit à ma tante que le serpent avait mordu ma sœur à la plante du pied, elle m'a répondu:»Ta sœur, quelle sœur? Tu veux qu'on dise qu'Aïda est folle?» (p.139)
Toute la trame narrative de ce roman intimiste s'appuie habilement sur ce trouble psychiatrique.La romancière prend néanmoins soin de préciser que ce trouble n'a pas de lien avec la schizophrénie, cette totale désagrégation de la personnalité:
«Je sens que je suis deux. J'écris sur moi parfois au pluriel, non parce que je serais atteinte de schizophrénie mais parce que j'aime me contempler de l'intérieur, comme quand j'étais jeune et passais des heures devant le miroir. » p.138
Cette pathologie n'est pas non plus un dédoublement de la personnalité multiple. Aïda était persuadée, depuis qu'un serpent a failli la mordre un jour, dans son enfance, non pas d'être tour à tour telle ou telle personne, mais d'avoir une sœur jumelle, née de son imagination, comme elle l'avoue candidement, un «être à la croissance inachevée qui s'est collé à moi et m'a accompagnée jusqu'aux endroits les plus intimes.» p.138
Cette étape, dite la «transformation» est supposée justifier, voire disculper les errements de Aïda:
«Une fois adulte, elle était devenue comme une jument rétive que je ne pouvais maîtriser, et encore moins diriger ou soigner. Elle a commencé à parler de son désir de sortir dans le monde sans moi, de sa peur de devoir affronter la vie seule. Je l'ai convaincue que le monde ne la connaissait et qu'elle ne le connaissait que par mon intermédiaire. J'ai dit que personne ne reconnaissait son existence et qu'à cause d'elle, je subissais la vengeance de tous» ( p.139)
Malheureusement, et comme le lecteur peut le deviner dès le début du roman, la guérison, l'étape finale ou «l'intégration», n'aura pas lieu. La fin du romanne sera pas une surprise mais une suite logique, un dénouement sous forme d'un hymne chanté à la gloire de l'amitié, sans tambour ni musique, à capella, simplement.
May Telmissany, A cappella, roman traduit de l'arabe (Egypte) par Richard Jacquemond, Sindbad/Actes Sud, 164 pages.
RafikDarragi
[email protected]

Tags : May Telmissany Université d'Ottawa Richard Jacquemond


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.