Budget : l'ARP lance sa propre réforme, faute d'initiative gouvernementale    Israël, l'Occident et l'hypocrisie nucléaire : le sale boulot à deux vitesses    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Riadh Zghal : Que faire pour ramener les talents au pays ?    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    Haithem Chaâbani : la route tue plus de cent personnes par mois en Tunisie    Carrefour Tunisie lance le paiement mobile dans l'ensemble de ses magasins    Microsoft le dit : nos journées de 12h nous rendent moins efficaces    Sfax : la plateforme « Najda TN » sauve 5 patients d'une crise cardiaque    Céréales : une campagne prometteuse malgré les aléas climatiques    Fraude fiscale : un taux estimé à 50%, selon Mohamed Salah Ayari    La justice contre Sonia Dahmani : autopsie d'un acharnement    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    Caravane Soumoud de retour à Tunis : accueil triomphal et appels à soutenir la résistance palestinienne    AMEN BANK, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    Après le succès de sa grève, l'Organisation Tunisienne des Jeunes Médecins brandit la menace d'escalade    Météo en Tunisie : légère hausse des températures    15 ans de prison pour le nahdhaoui Sahbi Atig    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    Kairouan : une ambulance attaquée en pleine nuit avec un mortier    Mehdi Ben Gharbia condamné à 8 ans de prison pour corruption financière    Un drone "Heron" de l'entité sioniste abattu par les défenses aériennes iraniennes    L'Iran nomme un nouveau chef du renseignement militaire    Le Hezbollah réaffirme son soutien à l'Iran    Joséphine Frantzen : rapprocher la Tunisie et les Pays-Bas, un engagement de chaque instant    Saïed : "Personne n'est au-dessus de la loi et la souveraineté nationale n'est pas négociable"    Mourir à vingt ans aux frontières de l'Europe : quand la solidarité est criminalisée    Médina de Tunis : des commerces sanctionnés pour non-respect des règles d'hygiène    Grève annulée à la CTN : un accord in extremis entre le ministère et le syndicat    Kaïs Saïed : un ancien ministre se permet de donner des leçons alors que c'est un escroc !    Grève générale dans le secteur agricole tunisien prévue le 25 juin : la fédération lance un avertissement    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    US Monastir : Faouzi Benzarti confirmé pour la saison prochaine    Mohamed Kouki nommé nouvel entraîneur du Club Sportif Sfaxien    Berlin Ons Jabeur en quarts de finale face à Markéta Vondroušová    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    WTA Berlin : Ons Jabeur en demi-finales en double et en quarts en simple    Les Tunisiens en Iran sont en sécurité, assure le ministère des Affaires étrangères    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Caravane Al Soumoud 2.0 en préparation : Ghassen Henchiri annonce une suite à l'initiative    Skylight Garage Studio : Le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Salon international de la céramique contemporaine du 20 juin au 15 juillet 2025 à la médina de Tunis    Fête de la musique - L'orchestre fête la musique: Pôle musique et Opéra    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    La Tunisie mobilise les soutiens en faveur de son candidat l'ambassadeur Sabri Bachtobji, à la tête de l'Organisation Internationale pour l'Interdiction des Armes Chimiques (OIAC)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Recoupement
Vient de paraître
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 06 - 2010

«Durant la première période de notre vie à Zahraniya, je la comparais aux stations essence qu'on voit dans les films sur l'Amérique, construites au milieu du chemin entre deux bourgades éloignées l'une de l'autre de cent ou deux cents kilomètres.» (p.17)
Voilà le décor de Zahraniya où le Libanais Hassan Daoud a ancré son roman Cent quatre-vingts crépuscules qui vient de paraître en France : une toute petite ville nouvelle en bordure de mer, avec, de part et d'autre de la grande route qui la traverse, deux ou trois boutiques et quelques maisons.
Hassan Daoud, né à Beyrouth en 1950, est l'un des romanciers les plus en vue du monde arabe. Aujourd'hui, responsable de la page culturelle du quotidien libanais Al-Mustaqbal, il est l'auteur de plusieurs romans dont L'immeuble de Mathilde (1998), Des jours en trop (2001) et Le Chant du pingouin (2007), publiés par Sindbad/Actes Sud. Cent quatre-vingts crépuscules parut à Beyrouth l'an dernier sous le titre Mi'a wa thamânûna ghurûban.
Au départ, les quelques familles musulmanes et chrétiennes, qui se sont installées à Zahraniya, vivaient en toute quiétude et en parfaite harmonie. Leur relation nous est racontée par quatre personnages, à la fois narrateurs et acteurs : Walid, son frère, Selma et Teyssir. Leurs regards supposés omniscients permettent à l'auteur de recourir à l'ambiguïté et au non-dit pour sauter les barrières et accéder à une certaine liberté d'expression.
En effet, il est évident que le désir de plus en plus effréné pour le réel que l'on peut constater, aujourd'hui, dans la littérature contemporaine, et ses conséquences, notamment l'excès d'esthétisation et l'hyperréalisme, ou encore la métafiction, ne permettent guère la technique du dédoublement, par personnages interposés, qui seule peut offrir la possibilité de prendre parti dans diverses considérations, qu'elles soient philosophiques, politiques, morales ou même religieuses.
Telle qu'elle est perçue par les quatre narrateurs, la petite localité de Zahraniya apparaît comme un microcosme révélateur de l'oppressante atmosphère qui règne au Liban à la veille de la guerre civile. Avec le recul, en pensant à son enfance malheureuse entre une marâtre délaissée par son mari et une belle-sœur perverse, Selma ne regrette pas d'avoir quitté Zahraniya pour le Danemark. Seuls ses frères et sœurs lui manquent. Pourtant, c'était là, à Zahraniya, où, adolescente, elle connut le réveil du printemps et ses premiers émois :
«Zahraniya ne me manque pas, car en y pensant maintenant, l'envie me prend d'agiter les mains comme pour refuser ou repousser quelque chose.» p.115
Par contre, un autre narrateur, Walid, pense le contraire :
«Depuis le moment où nous sommes arrivés, Zahraniya m'a semblé être un lieu pour passer les vacances plus qu'un lieu de travail.» p.62
Précisons que Walid est le voisin de palier et le grand amour de Selma et avant que la guerre civile n'éclate, l'un des amis les plus proches de la communauté chrétienne de Zahraniya.
En recourant donc à ce procédé, par recoupement, en s'appuyant sur la technique du flash-back, des brèches de la mémoire qui affluent, Hassan Daoud parvient à concilier ainsi avec bonheur peinture du milieu et trame narrative. A la fois narrateurs et acteurs, ses quatre personnages relatent et commentent les mêmes faits, chacun selon son point de vue, éclairant ainsi le lecteur sur leurs motivations, leurs envies et surtout leurs fantasmes les plus extravagants. Grâce à leurs aventures parallèles ou croisées, grâce à leurs multiples observations et jugements, l'auteur, Hassan Daoud, prouve qu'il n'est pas astreint à se montrer conformiste sur des problèmes comme la guerre civile, la condition féminine ou encore la sexualité dans son pays.
A Zahraniya, encore peu touchée par les premiers signes de la guerre civile, tout n'est pas prétexte à querelle, et le caractère frondeur de Mikha ne justifie nullement le geste criminel de Teyssir, même si ce dernier est un handicapé mental. Mais, tout comme la symbolique liée à cette bourgade, rongée par le béton et le sel de la mer, ce geste est prémonitoire de l'orage qui gronde ; il incarne on ne peut mieux la violence aveugle qui s'apprête à déferler sur le pays. Déjà mis hors de lui par les remarques insolentes de Mikha et de ses amis, et aussi par les humiliations répétées que lui inflige son propre père, la futilité du mobile qui a poussé Teyssir à commettre l'irréparable, renforce l'inéluctabilité du conflit.
Néanmoins, les signes de la guerre civile sont habilement distillés, voire sciemment occultés. Il n'y a pas d'affrontements directs entre adversaires ; ce roman de Daoud ne ressemble guère aux œuvres inspirées par la guerre civile comme, par exemple, Hajar al-dahk de Houda Barakat (1990) ; il n'y a ni bombardements, ni embuscades, ni francs-tireurs munis de kalachnikovs et de M-16, sillonnant ostensiblement les rues ; seuls quelques coups de canon se font entendre au loin, suivis un peu plus tard par une explosion. La description reste incluse dans la trame narrative.
Dans son ‘idéogramme' intitulé ‘L'art est-il soluble dans la souffrance ?' paru dans le supplément ‘Lettres & Pensée' de La Presse de Tunisie du 16 juin dernier, notre collègue et ami, Raouf Seddik, a évoqué le rapport susceptible d'exister entre l'expérience de l'art et la souffrance dans un pays comme le Liban, longtemps meurtri par la guerre. En s'arrachant à ce qui “l'empêche et l'entrave dans la nuit de la douleur“, écrit-il,  l'expérience de l'art se construit et se concrétise. Ce beau roman à quatre voix de Hassan Daoud pourrait bien en être l'illustration.
www.rafikdarragi.com
——————————
Hassan Daoud, Cent quatre-vingts crépuscules, traduit de l'arabe (Liban) par Nathalie Bontemps,Sindbad/Actes sud, 240 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.