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Emeutes aux Etats Unis : l'infranchissable frontière de la couleur
Publié dans Leaders le 22 - 08 - 2014

La petite ville de Ferguson, dans le Missouri, au centre des Etats Unis, est en ébullition depuis le 9 août 2014. Un policier blanc a, en effet, abattu de six balles de revolver ce jour-là, un jeune Noir de 18 ans, Michaël Brown qui, lui, n'était pas armé. Deux de ces projectiles ont été logées en pleine tête. Pour Me Benjamin L. Crump, avocat du jeune Brown, «on est en présence d'un policier qui exécute en plein jour un jeune homme non armé.» Quant au Dr Michaël Baden - un fameux légiste qui a pratiqué l'autopsie du Président John Kennedy et celle du Révérend Martin Luther King- il déclare, après avoir été appelé par la famille Brown pour examiner la dépouille de leur enfant : «On n'était pas obligé de tirer autant de balles.»
Quel affreux crime avait commis ce pauvre garçon pour mériter un tel châtiment?
Pour la police, il avait le tort de ne pas marcher sur le trottoir et de gêner ainsi le trafic automobile ! Rappelons qu'en juillet 2013, un tribunal de Floride a acquitté, invoquant la légitime défense, le vigile volontaire assassin de Trayvon Martin, un jeune noir non armé. Le 17 juillet 2014, un jeune vendeur à la sauvette, Eric Garner, a été tabassé à mort dans un commissariat de New York.
En 2014, sous la présidence de Barack Obama, la fracture raciale est toujours à l'œuvre. Le «melting pot» dont se gargarisent certains est «une vaste fumisterie» affirme sur France Info un spécialiste des Etats Unis. La fréquentation des Afro-Américains se limite, pour la minorité blanche de Ferguson, le plus souvent, à la vente à emporter en automobile (drive-in) d'un fast food.
Jeune étudiant aux Etats Unis, en 1958, à Buffalo, dans l'Etat de New York, je me souviens encore de ma stupéfaction quand, à la gare, j'avais vu qu'il y avait des bancs et des toilettes «White Only» (Réservé aux Blancs) et qu'un chauffeur noir avait refusé de me prendre à bord de son véhicule, «réservé aux Noirs» comme l'indiquait un écriteau à la station de taxis de la gare! Aujourd'hui, 2% seulement de Blancs élisent domicile dans un quartier majoritairement noir. Ainsi, le policier auteur des coups de feu, Darren Wilson, habite à Crestwood, à 20 km de Ferguson, là où les Noirs représentent moins de 2% de la population. Pire! Certains Etats essaient de dissuader les Noirs de s'inscrire sur les listes électorales. Le philosophe Dick Howard écrit dans Le Monde (20 juillet 2014, p.17): «Ceux qui disaient aux Noirs de prendre patience, de faire confiance aux institutions, de voter aux élections et de s'organiser politiquement, les ont leurrés.»
La présidence Obama est en vérité l'arbre qui cache la dense forêt des discriminations raciales. Comme on est loin de son discours de 2004 parlant d' «une seule Amérique»! «Les études prouvent que la vieille notion qui veut que les Etats Unis sont une terre d'opportunité pour tous est particulièrement inappropriée dans le cas des Afro-Américains» écrit Thomas Edsall dans le New York Times (19 août 2014).
Dans cette Amérique qui exporte « la démocratie » avec le succès que l'on connaît en Irak, en Afghanistan, à Guantanamo, à Gaza et dont les drones foudroient et tuent sans jugement au Yémen et au Pakistan, le New York Times n'hésite pas à écrire, à propos des émeutes de Ferguson, sous couvre-feu, «ville noire, pouvoir blanc». De fait, le conseil municipal de cette ville de 21 000 âmes ne compte qu'un unique élu afro-américain sur ses sept édiles. Pourtant, 67% de sa population est noire mais 86% des contraventions ainsi que 92% des arrestations concernent des Noirs.
Il semblerait donc qu'il y ait une police adepte du «racial profiling» et travaille donc «au faciès». Du reste, sur un effectif de 53 agents de police, 5 seulement sont noirs. Pour l'ensemble du comté, les policiers appartenant aux «minorités» représentent 13,46% des effectifs, dont 9,44% pour les Afro-Américains «alors qu'ils devraient être le double pour refléter l'équilibre démographique» assure Gilles Paris dans Le Monde (19 août 2014, p.2) Thomas Edsell écrit dans le New York Times (19 août 2014): «Les émeutes de Ferguson attirent l'attention sur la nécessité de s'occuper de la brutalité de la police» et ajoute: «Les balles qui ont tué Michaël Brown ont produit une convergence rare entre la gauche et la droite qui partagent l'opinion que le service de police de Ferguson, avec son écrasante majorité d'agents blancs est devenu une force d'occupation hostile pour la majorité noire de la ville.»
Par ailleurs, la population a été particulièrement choquée par le fait que la dépouille du jeune Brown est restée cinq heures dans la rue avant d'être évacuée vers la morgue. Comme elle a été choquée par le temps mis par la police pour publier le nom de l'agent auteur du crime- Darren Wilson- et pour déclarer que le jeune Brown venait de voler pour 50 dollars de cigarillos dans un commerce avant de se raviser et de dire que l'auteur des coups de feu n'était pas au courant du larcin. Eugène Robinson, un journaliste noir écrit dans The Washington Post du 18 août 2014: «Quiconque pense que la couleur de la peau n'est pas un facteur dans cette rencontre fatale devrait donner des exemples de jeunes gens blancs non armés tués par un policier à la gâchette facile ou par un vigile autoproclamé. Prière donner les noms et les dates.»
Police Militarisse
Mais à exporter la violence à l'extérieur, les Etats Unis se retrouvent avec un exceptionnel surplus d'armes notamment après la guerre en Irak. L'armée US a ainsi transféré à la police et à la Garde Nationale pour 4 milliards de dollars d'armes au cours des dernières années et suite à la création- après le 11 septembre- du Ministère de la Sécurité Intérieure (Homeland Security) qui dispose, semble-t-il, de ressources illimitées. Résultat : les autorités ont déployé à Ferguson des véhicules blindés, des armes de guerre, des agents en tenue de camouflage, avec masques à gaz et gilets pare-balles et on a même vu des lance-grenades.
En un mot comme en cent, Ferguson, dans l'Etat du Missouri, avait dans ses rues une armée en zone de guerre. Cette militarisation de la police a choqué les Américains et a soulevé de nombreuses critiques sur les colonnes de journaux comme le New York Times ou Mother Jones et a été qualifiée d' «erreur» par des politiciens.
Comme pour Gaza, face à cette bavure raciste et ces armes de guerre, Obama ne donne que ce seul conseil au gouverneur de l'Etat du Missouri et aux responsables du maintien de l'ordre dans la ville: «Pas d'usage excessif de la force.» ! Exactement comme il l'a fait avec Benyamin Netanyahou au commencement de la dernière agression israélienne contre la Bande de Gaza et qui fait plus de 2000 victimes.
Pour bien des Américains, ce président est soit «un naïf trop bercé par les institutions blanches et Wall Street » soit un homme politique «acheté par les lobbies – comme bien d'autres». De plus, M. Obama est pris dans la nasse d'un système politique bloqué, les Tea Party (extrême droite) et beaucoup de Républicains – majoritaires à la Chambre des Représentants- ne se résignant pas à le voir à la Maison Blanche.(Dick Howard)
De plus, comme à Gaza encore, la police a empêché la presse de travailler. Une équipe d'al Jazeera a dû fuir et abandonner son matériel face aux assauts des forces de l'ordre. Des journalistes du Washington Post ont été arrêtés ainsi qu'un photographe. D'où une interrogation : que cherche-t-on à cacher ?
Les Noirs américains – en dépit de quelques succès dont les stars sont M. Barack Obama ou le Ministre de la Justice Eric H. Holder - restent en marge de la société américaine, victimes de la discrimination raciale et du décrochage social. Leurs écoles ne sont guère performantes et les jeunes, aux dires même de M. Obama, « ont plus de chances de finir en prison ou devant un tribunal que d'accéder à l'Université ou d'avoir un bon emploi. » De fait, les Noirs n'ont généralement pas de couverture sociale- l'Obamacare (comme disent par dérision les Républicains) – cette réforme de la protection sociale voulue par l'actuel président- ayant été vidée de son sens par l'argent des assureurs privés.
Eugène Robinson écrit dans The Washington Post: «Notre société attend de la police qu'elle maintienne loin des regards et loin de l'esprit les Afro-Américains au chômage et sans instruction. Quand soudainement ils font irruption, éclairés par les flashes et à la lueur des cocktails Molotov, nous feignons la surprise. »
Les Etats Unis - qui prétendent dispenser la démocratie à la terre entière, généralement à coups de canon- devraient commencer par balayer devant leur porte. Les émeutes de Ferguson le prouvent à l'envi.
Martin Luther King (1929-1968), «ce petit fils d'esclave de la Deep South, a prêché l'égalité dans un pays miné par le racisme, la non-violence dans un pays contaminé par la violence, la paix dans un monde ruiné par les guerres. Il voulait éveiller la conscience assoupie de l'Amérique avant qu'il ne soit trop tard ». (David Gakunzi, «Mémoire du monde noir», L'Harmattan, Paris, 1995)
En 2014, il est grand temps que la conscience de l'Amérique sorte enfin de sa léthargie pour que justice soit rendue aux Afro-Américains**!
Mohamed Larbi Bouguerra
** Mardi 19 août 2014, un autre jeune Noir de 25 ans Kajieme Powell, a été abattu par la police à Saint Louis (Missouri). Il aurait été en possession d'un couteau. Un témoin oculaire dit au quotidien londonien The Guardian : «C ‘était excessif. S'il avait un couteau, ils auraient pu lui tirer dans le pied ou lui asséner un coup de Taser. Ils n'avaient pas besoin de le tuer. »
Tags : Ferguson Michaël Brown Mohamed Larbi Bouguerra


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