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Pourquoi notre pays fournit-il un grand nombre de terroristes?
Publié dans Leaders le 11 - 08 - 2015

«La haine est un sentiment qui ne peut exister que dans l'absence de toute intelligence». Tennessee Williams
Cette tentative d'explication plus au moins psycho-anthropologique du phénomène terroriste et de sa progression en Tunisie, se basera sur certains faits historiques et d'avance, on l'admet, paraîtra un peu trop tirée par les cheveux. A un phénomène multiforme, il faut des réponses plurielles. La nôtre vaut ce qu'elle vaut, mais on vous la livre quand même…très modestement.
Notre thèse de départ, c'est que les extrémistes religieux tunisiens et cela depuis plusieurs siècles (disons depuis les conquêtes arabo-musulmanes), charrient en eux une certaine «honte», plus académiquement nous dirons des «blessures historiques», qu'ils cherchent par tous les moyens à réécrire ou à effacer. C'est là, qu'à notre avis se situe le mal originel. Cette «honte» n'est certes qu'un infime détail dans l'explication des causes du terrorisme, mais peut nous aider à mieux saisir ce phénomène. La lecture de l'abondante littérature des Ikhwans et des salafistes takfiristes, surtout celle de l'un de leur théoricien militaire Abou Mossab Al Souri décrivant en détail ce que doit être l'action terroriste d'un «loup solitaire» au regard des préceptes religieux, s'appuie souvent sur ce qu'ils considèrent comme des « hontes historiques ». Leur but, c'est de fournir un véritable modus operandi haineux à ces «inghimassi» (les immergés) afin de leur donner du courage pour qu'ils puissent commettre leurs horreurs en toute quiétude… avec en plus le sentiment du devoir de vengeance pour Dieu accompli ! Ces derniers sont les «combattants» les plus dangereux et les plus honorés chez les islamistes et les jihadistes takfiristes et sont mêmes considérés comme au dessus des simples «martyrs» qui combattent en hordes sanguinaires et suicidaires les armées légales en Syrie, en Irak, en Libye et ailleurs. Par exemple, les frères Kouachi (le massacre de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015) sont considérés comme des « Inghimassi » qui ont réussi, puisque ils ont d'abord créé le buzz tant recherché et surtout, n'ont pas été abattus en cherchant à s'enfuir (ce qui est le cas du terroriste de Sousse Seifeddine Rezgui le 26 juin 2015), mais ont plutôt fait face, armes à la main, aux brigades anti-terroristes avant de mourir. C'est pour cela que sur les sites jihadistes, ils figurent dans la galerie des héros aux côtés de Ben Laden et de Zarkaoui.
Le terrorisme jihado-takfiriste est-il une «exception tunisienne»? Non. Il s'est également répandu dans pas mal de pays, même occidentaux. A titre d'exemple, plus de 2000 jeunes français sont partis faire le Jihad en Syrie, au Yemen, au Mali, en Lybie et en Irak. En Tunisie, qui fournit un nombre plus important de terroristes, disons des jeunes à la socialisation frustrée (quelques 5800 selon une récente étude de l'O.N.U), ce phénomène prend plus d'ampleur à cause justement de ces «blessures historiques». Ces dernières, à notre avis, sont plus importantes chez nous qu'ailleurs dans le monde arabo-musulman, vu notre propre évolution historique. D'autant plus que le rôle plus que trouble joué par la Troïka durant sa gouvernance dans la déliquescence de l'Etat, le laxisme, la complaisance, voire même la compromission avec le terrorisme et qui a manipulé et ravivé à souhait ces blessures, surtout celles de «l'identité», a fortement contribué à l'implantation et la propagation du terrorisme dans notre pays.
De quelques blessures historiques, ou «les identités meurtries»
* Effectivement, dès le début de la conquête arabo-musulmane au VIIe siècle (660-698) décidée par les Omeyades et lorsque les armées musulmanes dirigées par Oqba Ibn Nafaa et Hassan Ibn Nomane, ont traversé tout l'Orient jusqu'aux confins du Maroc, ils n'ont rencontré de résistance qu'en Tunisie où ils seront combattus par une femme berbère, et en plus reine : El Kahena ! Une «honte», une «humiliation», et des pires. Elle sera décapitée à El Jem.
* Au début du 19e siècle, lorsque la secte wahhabite a commencé à sévir en orient, ses chefs ont envoyé des missives à la régence de Tunis lui intimant l'ordre de suivre ce qu'ils croient être la vraie voie de Dieu, à savoir le wahhabisme. En réaction Hamouda Pacha, a chargé certains Ulémas, dont Omar el Mahjoub et Ismaîl Temimi de répondre à ces bédouins sanguinaires d'Arabie par une «lettre réfutant le wahhabisme» (v. Hamadi Redissi, Le Pacte de Nadjd, ed. Seuil, 2007). «Honte» suprême pour nos propres extrémistes qui l'ont bien exprimée puisqu'ils louchaient déjà vers cette secte extrémiste.
* Nous serons le premier pays arabo-musulman à l'époque de Kheireddine Pacha à abolir l'esclavage en 1846 et à élaborer en 1857 un «Pacte fondamental» reconnaissant l'égalité entre toutes les religions et donc à prôner la liberté des cultes. Pour aggraver notre cas, notre pays adopte, certes pour une courte période, en 1861 la première constitution du monde arabo-musulman qui prend à contre-pied une grande partie des lois chariaïques qui inspiraient et guidaient tous les pays arabo-musulmans de l'époque. Pour les dogmatiques de chez nous cela représente «la honte de la honte». Et depuis, et jusqu'à nos jours, ils ne cessent de ruminer contre cette «nahdha tunisienne» (Renaissance, mais la vrai).
* Plus proche de nous. Nous serons le premier pays arabo-musulman à libérer les femmes par un «Code du statut personnel» promulgué le 13 août 1956 et entré en application dès le 1er janvier 1957. Ce Code défend l'égalité entre les hommes et les femmes, abolit la polygamie et la répudiation. C'est la pire des «hontes» pour tous les fondamentalistes tunisiens. Pour se racheter de cette tare ou disons, ce passé qui ne passe pas, les extrémistes de chez nous ont fourni un important contingent de femmes pour le Jihad du Nikah (pour ne pas dire autre chose) en Syrie et en Irak, espérant effacer ainsi l'image de la femme tunisienne libre et moderne.
* Le 3 mars 1965 à Ariha (Jericho en Palestine), Bourguiba va prononcer un discours qui enflammera contre nous tous les pays arabes. Dans ce discours, le leader tunisien demande aux palestiniens et aux arabes, vu leurs faiblesses à tous les niveaux, d'accepter d'abord le partage de la Palestine imposé par l'O.N.U et donc les grandes puissances, puis de continuer la lutte pour demander plus. C'est la fameuse politique des étapes chère à Bourguiba. On sait que Golda Meir a secrètement demandé à ses services de mener une campagne de propagande contre notre leader et de tout faire pour que ce plan très dangereux pour Israël ne passe pas, quitte à assassiner Bourguiba. Elle n'aura pas à le faire, puisque les pays «frères» s'en chargeront en saccageant et brûlant nos ambassades un peu partout dans le monde arabe et en organisant contre nous dans toutes les capitales arabes, de grandes manifestations de haine et d'insultes. Ironie de l'histoire. Juste avant de décéder Yasser Arafat aurait dit «Ah, que les arabes sont bêtes. On en serait pas là si on avait écouté Bourguiba».
* Depuis cette date, qui d'entre-nous n'a pas entendu au moins une fois, cette rumeur qui a la peau dure, à savoir «le marocain est un voleur, l'algérien est un bagarreur et le tunisien est une femmelette, (pour ne pas dire autre chose)», d'autant plus que notre pays n'a pas, selon les mauvaises langues, vraiment combattu par le sang pour accéder à son indépendance, mais plutôt négocié avec les colonisateurs. Une autre «honte» indélébile encore très vive chez tous les extrémistes tunisiens, qu'ils soient marxistes, nationalistes arabes ou intégristes!
* Les quelques tunisiens, de gauche ou de droite, intégristes ou modernistes, courent derrière ces «hontes» que chacun essaie à sa manière d'en effacer les traces ou pour en prendre le contre-pied. Ainsi, et contrairement à tous les pays arabes, les tunisiens (plusieurs études l'ont démontré) étaient, et c'est bien, nombreux à s'engager avec ferveur dans la lutte armée pour la libération de la Palestine auprès du FPLP, du FDLP, de l'OLP… Les tunisiens seront également, et c'est bien, très nombreux et parmi les premiers à s'engager dans la lutte contre le racisme, pour l'égalité et les droits des immigrés en France et en Europe. Les Tunisiens, et c'est bien, seront les premiers à fonder une Ligue de Défense des droits de l'Homme, les premiers à créer une Association Tunisienne des Femmes Démocrates, les premiers en 2011 à entrer en processus révolutionnaire contre l'ordre établi pour demander plus de liberté, d'égalité, de dignité et de démocratie, ce qui leur a attiré l'ire des tous les pays rétrogrades et moyenâgeux arabo-musulmans par peur de contagion et en s'appuyant localement sur les islamistes et leurs acolytes locaux.
* Les tunisiens sont aussi, hélas, nombreux à s'engager dans des sectes religieuses barbares, sanguinaires et obscurantistes d'orient et d'occident, cherchant ainsi, par tous les moyens, à effacer ces «hontes» du passé qui ont pourtant fait la grandeur de la Tunisie toujours à l'avant-garde du progrès et de la modernité. Tout cela, quitte à détruire leur propre pays auquel ils vouent désormais une grande haine et à se laisser bougrement manipuler par les puissances impérialo-wahabo-sionistes qui ont leur propre agenda.
* Une anecdote très significative sur la grandeur de notre pays, parle d'un ministre africain très subtil, venu préparer la visite de son président auprès de Bourguiba, et qui à son retour et voyant que son président demandait avec un brin de jalousie des informations sur notre leader : «alors, raconte-moi comment est ce petit homme aux idées vives, aux yeux bleus perçants et qui parait-il a même osé tenir tête au grand De Gaulle», lui répond avec finesse: «Monsieur le Président, Bourguiba a toujours la taille de celui qui est en face de lui».
De l'inéluctable espoir
Ainsi sont les tunisiens. Ainsi est notre Grand-Petit pays… que ce soit dans le bien ou dans le mal, hélas. A ce dernier, seule l'union de toutes les forces civiles et démocratiques tunisiennes peut venir à bout de la guerre que nous a déclaré le terrorisme. Nous ne ferons pas que nous défendre. Nous l'attaquerons et nous vaincrons. Un Etat fort, c'est d'abord un peuple fort. Ce n'est jamais le contraire! L'enseignement, entre-autres, aura un rôle fondamental à jouer pour panser ces blessures historiques, ce manque d'estime de soi, ces «identités meurtries» vite devenues meurtrières, et les rendre ainsi dans nos esprits et surtout dans l'esprit des jeunes désœuvrés et manipulés, une évolution normale de notre mémoire historique collective. Evolution acceptée par tous. Séparer la religion de la politique, n'est plus suffisant. Il faut également séparer le religieux de l'identitaire et satisfaire d'une autre manière ce besoin qui se mue vite en citadelle meurtrière. Une obligation pour nos intellectuels. Il ne s'agit pas de créer un monde où la religion n'aurait plus sa place. Bien au contraire. Mais il s'agit de créer un monde où «le besoin de spiritualité serait dissocié du besoin d'appartenance» (V. Amin Maalouf, Les Identités meurtrières, ed. Grasset, 1998). Cela ne peut qu'être salutaire pour notre pays, pour «le vivre ensemble», qui a pris le chemin inéluctable de la modernité et de la démocratie, malgré tous les obscurantismes. On ne peut réinventer l'Histoire. Oui, nous vivons une période désespérante, moche et méchante, dans les esprits et dans les actes. Oui, nous vivons une époque où l'incivisme, l'intolérance, l'inculture et la débilité politique ont pignon sur rue, mais nous ne devons jamais plier. Restons debout, pour nous (ce sera dur), pour nos enfants (peut-être), pour nos petits-enfants (surement). Nous vaincrons et l'Histoire retiendra que c'est nous tous qui l'avions fait. Ne décevons pas nos générations futures qui diront surement "Quand la Tunisie s'est réveillée, le monde arabe rétrograde a tremblé". Nous avons le devoir de le faire entrer, même malgré lui, dans la civilisation. Résistons. Ils ne sont forts, que parce que nous sommes divisés et à genoux. Unissons-nous et levons-nous!


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