La question épineuse de l'employabilité des jeunes tunisiens n'a pas trouvé, depuis 2011, ne serait-ce qu'une ébauche de solution. Les promesses électorales des politiques n'étaient finalement que de la poudre aux yeux sans actions concrètes au profit d'une jeunesse désabusée. Certes les conditions économiques actuelles sont loin de pouvoir répondre aux aspirations légitimes et urgentes notamment des diplômés du supérieur. C'est vrai aussi que le déficit de compétences d'une grande partie de demandeurs d'emploi n'aide point à répondre aux besoins d'une économie en phase de restructuration. Mais cela exonère t-il pour autant les responsables politiques en charge du département de l'Emploi, qui, du fait de leur fonction, disposent d'un pouvoir d'action considérable et sont entourés d'experts et de conseillers de haut niveau ? La réponse est non. Car, au-delà des successions des gouvernements qui affecte peu la nature et l'enjeu de la question de l'emploi, on s'attendait, non pas à des recrutements massifs des demandeurs d'emplois dans une administration souffrant d'une faillite managériale irréparable, mais à des dispositifs et mesures avec un impact réel sur les chances des jeunes pour l'intégration du marché de travail aussi déséquilibré soit-il, tout cela en accompagnement des réformes économiques en cours. Il a fallu attendre cinq années pour que l'Etat nous confirme sa volonté de ressusciter les espoirs en mobilisant les acteurs publics et privés et de donner un coup d'accélérateur au rythme de placement des demandeurs d'emploi. Un programme nommé très maladroitement « Forsati »-mêler la chance à la question est inapproprié- servait de matrice à cette vision. Ce programme, qui finalement n'en est pas un, consiste simplement en une « re »définition de la mission de tous les bureaux ou pôles d'emploi dans le monde. Car ce qu'on propose c'est d'accompagner les demandeurs d'emploi pour accomplir leur projet professionnel personnel par les accompagnateurs des bureaux d'emploi. Quoi de plus normal ? N'est –ce pas là le rôle même de ces structures de l'emploi ? Proposer cela comme un programme novateur paraît un peu exagéré. Les initiateurs du projet se vantent que les opérateurs privés vont s'associer à cette démarche en formulant leurs besoins spécifiques en compétences qui devraient être satisfaits, moyennant une formation à la carte au profit du candidat potentiel, en contre partie d'un engagement de l'employeur en faveur de la durabilité de la relation de travail avec le stagiaire. Une prise en charge des charges sociales et du salaire vient compléter le dispositif pour atténuer un tant soit peu la réticence des entreprises à recruter et à titulariser des employés. Une impression du déjà vu ; en clair un sorte de mécanisme SIVP revisité sans plus si ce n'est cette exigence difficilement réalisable d'ailleurs relatif à l'engagement de l'employeur pour le recrutement et, à terme, la titularisation du stagiaire. Au-delà de la nature du programme, c'est son pilotage qui a été très approximatif. Exemple : l'évaluation sommaire de l'impact de ce projet. En effet, le ministre a tenu à préciser que 50000 bénéficiaires seront concernés par le programme dans un premier temps pour toucher 120000 en seconde phase. Par contre, aucune prévision en termes d'aboutissement du processus d'accompagnement, c'est à dire l'employabilité, n'a été avancée. Combien de demandeurs parmi les 50000 bénéficiaires vont arriver à concrétiser réellement leur projet professionnel. On ne sait absolument rien. Nouveau gouvernement, nouveau ministre et changement de décor. Contrat « Dignité » voilà la nouvelle recette magique. 600 Dinars est le salaire que va recevoir les quelques 25000 bénéficiaires de ce mécanisme dans le cadre, dit-on, d'un vrai contrat de travail. Si les dispositifs de mise en place ne sont pas encore précisés, il n'en est pas moins que l'écueil de sélection des bénéficiaires va être insurmontable : quels critères? A qui la priorité ? Toutes les régions sont-elles concernées ?... Loin de moi l'idée de dévaloriser toute initiative pour dynamiser le marché de travail ou de remettre en cause la volonté des responsables de trouver des solutions, mais il est tout à fait légitime d'attirer l'attention sur le déficit de pilotage des programmes, sur les évaluations approximatives des impacts , sur l'inadéquation des ressources disponibles par rapport aux exigences de la mise en œuvre, sur l'inefficacité de la multitude de programmes dans un processus incohérent.. Ali Gana