BNA Assurances obtient le visa du CMF    Investissement : 3,3 milliards de dinars déclarés au premier semestre 2025    Manifestation anti-UGTT devant le siège du syndicat à Tunis    Khaled Nouri contre-attaque : que cache la colère du ministre de l'Intérieur ?    Anis Ben Saïd détaille les règles fiscales applicables aux Tunisiens à l'étranger    Monnaie en circulation - Nouveau record : la barre des 25,7 milliards de dinars franchie    Le prix de l'or s'envole : 4 500 dinars pour 15 grammes de bijoux    « Arboune » d'Imed Jemâa à la 59e édition du Festival International de Hammamet    JCC 2025-courts-métrages : l'appel aux candidatures est lancé !    Ahmed Jaouadi décoré du premier grade de l'Ordre national du mérite dans le domaine du sport    Météo en Tunisie : temps clair, températures en légère hausse    Najet Brahmi : les Tunisiens ne font plus confiance aux chèques !    Emploi à l'Ambassade d'Allemagne pour les Tunisiens : bon salaire et conditions avantageuses !    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    Russie – Alerte rouge au volcan Klioutchevskoï : l'activité éruptive s'intensifie    115 bourses d'études pour les étudiants tunisiens au Maroc et en Algérie    Ahmed Amiri : le prix de la viande d'agneau ne fait qu'augmenter !    Le mois dernier, troisième mois de juillet le plus chaud de l'histoire    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Kaïs Saïed rend hommage à Ahmed Jaouadi pour ses médailles d'or à Singapour    Sous les Voûtes Sacrées de Faouzi Mahfoudh    Disparition d'un plongeur à El Haouaria : Khitem Naceur témoigne    Sidi Bouzid : 402 infractions économiques en un mois !    30ème anniversaire du Prix national Zoubeida Bchir : le CREDIF honore les femmes créatrices    Ahmed Jaouadi décoré par le président Kaïs Saïed après son doublé d'or à Singapour    Kaïs Saïed fustige les "traîtres" et promet justice pour le peuple    Le ministère de l'Intérieur engage des poursuites contre des pages accusées de discréditer l'insitution sécuritaire    Donald Trump impose des droits de douane supplémentaires de 25% sur les importations de l'Inde    Macron dégaine contre Alger : visas, diplomatie, expulsions    Sept disparus à la suite d'un glissement de terrain dans le sud de la Chine    Football-compétitions africaines des clubs 2025/2026: le tirage au sort prévu le samedi prochain en Tanzanie    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    Absence de Noureddine Taboubi : qui assure la direction de l'UGTT ?    Grève dans le transport public : les syndicats reportent leur mouvement et appellent au dialogue    Quand le monde échappe aux cartes : pour une géopolitique de la complexité    Tech Day Kia PV5 : la technologie au service d'une mobilité sans limites    Succession dans le camp MAGA : Trump adoube JD Vance pour 2028    Décès : Nedra LABASSI    A l'occasion du Mondial féminin : une délégation tunisienne au Royaume-Uni pour la promotion du rugby féminin    Création d'un consulat général de Tunisie à Benghazi    Moins d'inflation, mais des prix toujours en hausse !    Vague d'indignation après le retour ignoré d'Ahmed Jaouadi    Ahmed Jaouadi rentre à Tunis sans accueil officiel    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mohamed Arbi Nsiri : Brève réflexion sur la méthode historique de Hichem Djaït
Publié dans Leaders le 09 - 05 - 2019

Il n'est pas certain que s'impose un bilan historiographique des travaux, rares, consacrés à la méthode d'un historien plus reconnu que connu comme Hichem Djaït. Il conviendrait d'expliciter ce paradoxe, cet écart entre la reconnaissance et la connaissance, entre la consécration et les avatars de l'œuvre. Impossible en tout cas de faire l'impasse sur l'importance d'une œuvre qui n'aurait pas trouvé de véritable continuateur. La vie académique de Hichem Djaït ne s'est pas jouée essentiellement ni surtout uniquement autour de son œuvre personnelle : elle a pris sens d'abord autour de ses engagements, de ses réflexions intellectuelles et de ses comptes rendus critiques.
Figure fondatrice du renouveau historiographique en Tunisie, Djaït est indissociable de la tradition qu'il a créée. La question de son rayonnement n'est pas seulement celle de la réception de son œuvre : elle est aussi affaire d'héritage intellectuel et méthodologique à défendre et à perpétuer. Toute lecture et toute interprétation de son œuvre et de son action participent en même temps d'une prise de position sur le sens de cette tradition. Le fait est d'autant plus sensible depuis quelques années qu'une grande partie des travaux des historiens tunisiens et arabes (toutes spécialités confondues) a cherché non seulement à évaluer la vitalité de sa production, mais aussi sa fidélité à son projet initial. Ce n'est donc nullement par rapport à un passé révolu que se mesure la relecture au présent des « textes fondateurs » de Hichem Djaït, mais par rapport aux enjeux historiographiques présents et futurs. Relue sous ce biais, les articles et les ouvrages consacrés à l'œuvre académique et intellectuel de Hichem Djaït révèlent les liens qui unissent l'interprétation historique et les enjeux liés à la tradition académique.
L'inventaire de la bibliographique de Hichem Djaït ne doit pas cependant cacher l'importance de sa production critique. La comptabilité et l'analyse statistique ne suffisent pas à la constituer.Le travail de recension, répété durant toute sa vie académique, révèle ainsi un « militantisme » méthodologique. Pour ceux qui le connaissent, le temps de la préparation de ses comptes rendus sont des moments ritualisés autour du texte qu'il veut présenter, analyser et critiquer. Il s'agit de questionner le sujet dans toutes ses dimensions, de le formuler en des phrases courtes, de sélectionner les concepts importants, les points de faiblesses et les points forts s'ils existent. Cette étape lui permette de poser la problématique, de cerner les besoins documentaires et de sélectionner les concepts/mots clés nécessaires à l'interrogation du livre en question.
Installée en Europe depuis la fin du 19ème siècle, la tradition des comptes-rendus des nouvelles publications est ritualisée depuis l'installation de l'École des Annales vers la fin des années 1920. À ce propos Michel de Certeau note : « Au seul niveau de ce qu'on appelle le "compte-rendu", une altération réciproque sera la marque sans doute la plus discutée, mais aussi la plus pertinente d'un déplacement opératoire. Elle indique un travail indéfini des textes les uns sur les autres, travail médiatisé par les déplacements successifs de cette opération. Elle ne vise plus le dévoilement d'idée ou de faits dont les livres et les documents seraient les signes. Par ces opérations sans fin et sans téléologie un travail de l'histoire fait retour dans l'historiographie ».Ces lignes de l'historien français définissent agréablement ce qu'est la critique en matière d'Histoire. La critique ici définie ne paraît avoir qu'une mémoire et pas d'histoire. Ce n'est pas tant pour échapper à elle-même qu'elle se passe de critique, que parce que l'imprécision qui marque son statut depuis plus d'un siècle rend son histoire difficile. Une semblable indétermination paraît s'attacher également à la personne qui juge de la production historique. À cela, s'ajoute l'extraordinaire variété des textes et des discours. Mais surtout, la critique historique reste cantonnée à l'art académique ; elle ne concerne ni legrand public, ni les curieux cultivés puisqu'elle est un exercice érudit destiné seulement aux spécialistes.
Hichem Djaït a toujours partagé cette conviction. À défaut d'un traité de méthode ou d'articles théoriques qu'il n'a jamais écrits, ne serait-ce pas dans ces centaines de comptes-rendus fourmillant de réflexions de méthode, de projets de recherches, d'esquisses, que seraient enfouies, les traces d'un dialogue fragmenté et disséminé, de Hichem Djaït avec son métier et avec ses sources ? L'ouvrage recensé par Hichem Djaït est aussi un prétexte à dire autre chose, qu'il ne contient pas nécessairement, à ouvrir de nouveaux horizons, à susciter de nouvelles recherches et non pas simplement à contrôler, à censurer, à mesurer. Pré-texte ou prétexte, l'ouvrage recensé par Djaït ouvre un espace possible à l'énoncé de l'innovation. C'est précisément cet espace que Hichem Djaït a cherché à explorer dans son dernier compte-rendu de l'ouvrage intitulé « Les Califes maudits »de Madame Héla Ouardi.
Le problème posé et le point de vue énoncé reste celle d'un grand spécialiste en la matière. Mais au-delà de cet exemple, une perspective possible consisterait à examiner les comptes-rendus du professeur Djaït comme traces, des témoignages d'une méthode, d'une rigueur historique classique, dont l'analyse s'efforcerait de reconstituer l'unité. Or une telle démarche, même s'il n'est pas aisé de s'en affranchir totalement, ne me paraît pas fondée ici. Car s'il s'agissait de reconstituer un discours historiographique « en miettes » que son auteur lui-même n'a jamais jugé utile de recomposer dans un manuel de méthode, emprunter les innombrables sentiers de la critique bibliographique plutôt que les chemins plus sûrs des livres et des articles aurait paru comme un détour coûteux. En tout cas, le surcroît d'information et de compréhension de l'œuvre de Hichem Djaït n'eût pas été certain.
Adoptant un point de vue plus radical, on pourrait même douter que les comptes-rendus mis bout à bout constituent réellement une œuvreou contribuent à établir l'unité ; la notion traditionnelle de celle-ci comme principe de groupement et d'unité des textes pourrait ne pas résister à l'examen. La prolixité qui fut celle de Hichem Djaït me paraît en tout cas en bouleverser la belle et classique ordonnance qui place en premier les livres, puis les articles, reléguant à la dernière place ces textes à l'identité incertaine que sont les comptes-rendus. Car si les livres et les articles forment une œuvre possible, les comptes-rendus n'acquièrent pas aussi aisément ce statut. Ils portent certes la marque d'un auteur, mais celui qui les signe doit autant à lui-même qu'à celui qui lui a permis de les écrire. Il est possible d'écrire un livre ou un article sans se référer explicitement à d'autres livres ou d'autres articles, mais il est impossible d'écrire, à moins de se verser dans le procédé littéraire, le compte-rendu d'un livre qui n'existe pas. Le compte-rendu, dans le cas de Hichem Djaït, pourrait avoir inversé la hiérarchie habituelle de l'œuvre en la situant elle-même comme une sorte de prolongement de ses travaux classiques. En d'autres termes, le compte-rendu serait non seulement premier mais aurait peut-être fini par ordonner l'écriture et l'œuvre elle-même, surtout dans les choix bibliographiques. Dans ce sens, le compte_rendu n'est pas seulement un document qui témoigne des pratiques historiographiques de Hichem Djaït, il n'est pas seulement une des archives possibles de la discipline ; il est une pratique académique dont l'analyse doit expliciter la singularité. Entre histoire et mémoire disciplinaire, les comptes rendus formulaient par le professeur Djaït s'offrent ainsi comme un instrument d'une appropriation critique des traditions historique doublement centenaire.
Mohamed Arbi Nsiri


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.