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Les nationalistes tunisiens et l'Union française1945-1956
Publié dans Leaders le 19 - 05 - 2019

La Tunisie a célébré il y a deux mois le 63e anniversaire de la proclamation de son indépendance. En effet, après 75 ans de spoliation de la souveraineté tunisienne, il est mis fin au protectorat français. Les accords mentionnent notamment: «La reconnaissance officielle par la France de l'indépendance de la Tunisie, l'annulation du Traité du Bardo qui régissait les relations tuniso-françaises et le droit de la Tunisie à exercer sa souveraineté dans le domaine des affaires extérieures, de la sécurité et de la défense».
Cependant, les tentatives de remise en cause des acquis de notre indépendance ne cessent d'alimenter les tiraillements politiques et de troubler les jeunes générations. Aussi, nous-a-t-il semblé opportun de rappeler et le contexte et les conditions historiques qui ont marqué ces accords.
C'est dans cette période charnière que constitua la fin de la Seconde Guerre mondiale pour le colonialisme que s'esquissa le tournant décisif pour le nationalisme tunisien. La restructuration des rapports de force dans le monde avec deux super-grands; les États-Unis et l'Urss, la création de l'ONU, devenant une tribune dont les échos faisaient le tour du monde, la fondation de la Ligue arabe, le 22 mai 1945... amenèrent la politique coloniale française à élaborer un projet ambitieux pour conserver son empire colonial et sauvegarder sa puissance dans le monde.
Il s'agit de l'Union française.
Qu'est-ce donc l'Union française: principe, composition et organisation
Annoncé par le Général de Gaulle à la Conférence de Brazzaville (30 janvier-8 février 1944), ce projet ne prit sa forme définitive qu'après l'adoption de la Constitution, le 13 octobre 1946. Si la conférence heurta le monde colonial en envisageant «une assemblée fédérale respectueuse de la vie et des libertés locales», elle posa au préalable de ses travaux ce principe indiscutable: «Les faits de l'œuvre de civilisation accomplie par la France écartent toute idée d'autonomie, toute possibilité d'évolution hors du bloc français, la constitution même lointaine de self-government est à écarter.»(1)
L'Union française se présentait comme un complément à la République française une et indivisible. L'Union est composée de deux parties inégales: les départements et territoires d'outre-mer y faisaient partie et tous les individus étaient citoyens français. Les États associés par contre gardaient leur nationalité et leur système politique. Les uns et les autres désignaient des membres à l'Assemblée et au haut conseil de l'Union.
Les organismes centraux de l'Union étaient: un président qui était de droit le président de la République française, assisté d'un haut conseil et d'une Assemblée de représentants élus de ces pays avec un rôle consultatif.
Le monde colonial se réjouissait non sans cynisme. «Fort habilement, nos gouvernants ont transformé la maison de la rue Oudinot en un ministère de la France outre-mer et l'empire est devenu l'Union […] mieux vaut changer le nom et garder la chose…»(2)
Quelles étaient alors les données du problème en Tunisie?
A la lumière du texte de la nouvelle constitution française et des interprétations qu'on fit du titre VIII relatif à l'Union française, la question se posait ainsi : les Etats associés, la Tunisie et le Maroc, font-ils d'ores et déjà partie de l'Union française! La question suscita polémiques et débats passionnés. Le 23 août 1946, le Congrès de la «Nuit du destin» réunit toutes les sensibilités politiques, syndicales et religieuses tunisiennes qui, unanimes, revendiquent l'indépendance du pays. Un front nationaliste, hétéroclite certes (moncefistes, zeitouniens, destouriens, néo-destouriens…), mais unanimes à proclamer la déchéance du protectorat, s'organisa. La presse nationaliste mit l'accent sur l'idée d'indépendance, les articles portaient la signature d'éminents destouriens, citons en particulier Allala Belhouane et Hédi Nouira pour «El Horria» et «Mission», Salah Farhat, Habib Chelbi, Moncef El Monastiri, Mohieddine El Klibi pour «El Irada», Chedli Khairallah pour «La Voix du Tunisien»…
Le tableau ci-après fournit quelques exemples
Titres de journaux Éditoriaux ou articles de fond Date
Ezzohra Ils sont têtus 18 septembre 1947
La Voix du Tunisien
Nous ne pouvons adhérer à l'Union française - Nationalisme et Union française
L'Union française et droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
Qu'est-ce que l'Union française
7 décembre 1947
7 mai 1948
21 avril 1948
Mission L'Union française c'est la farce 28 avril 1948
La co-souveraineté est impensable 30 juin 1950
El Irada La nouvelle politique française après Brazzaville Notre indépendance d'abord
11 mars 1948
22 juin 1948
«Que deviendraient les pouvoirs législatifs du sultan du Maroc et le Bey de Tunis!» s'interroge la Voix du Tunisien. «Ne serait-ce pas là un moyen très sournois de dépasser les tolérances contenues dans les traités que déjà Marocains et Tunisiens estiment caducs et ne franchirait-on pas ainsi d'un bond cette prétendue co-souveraineté pour ensuite en faire une étape dans la voie de l'assimilation»(3). «Nous sommes ramenés à une situation inférieure à celle de 1881» ajoute, Mission(4). En outre, relèvent El Irada(5) et Ezzohra(6) Cette adhésion aurait fait perdre aux Tunisiens leur nationalité, leur drapeau, autrefois conquérant du Maghreb et de la moitié de l'Europe. L'avenir de la Tunisie était avec une fédération d'Etats arabes, «aux Français de rechercher la leur auprès de leurs sœurs latines.»
Les rapports de la Résidence générale signalaient une grande effervescence, notamment lors de la commémoration de l'anniversaire de la Ligue arabe. «Le Tunisien n'est pas dupe», affirme Mission, «Non consulté pour le principe, ni sur le fond ni sur la forme, il refuse le fait accompli…»
Il est vrai que l'action conjointe de la Ligue arabe, du comité de Libération du Maghreb et du Bureau du Maghreb arabe au Caire où s'activait Habib Bourguiba… consolida jusqu'à la fin de l'année 1948 les positions intransigeantes du nationalisme tunisien. La jonction du nationalisme avec la cour beylicale était en outre parfaite et inquiétait fort bien la Résidence générale.
«Que veut la Tunisie !», titrait la Voix du Tunisien au nom des leaders du Néo-destour Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef.
«Nous le savons : l'indépendance par paliers, indépendance par transitions, indépendance totale, simple gradation dans la conception d'indépendance aboutissant à un traité d'alliance et d'amitié avec la France dans le cas où cette France aurait favorisé la liberté du peuple tunisien.»
«Ce que la Tunisie ne veut pas ! Nous le savons aussi: pas d'intégration à quelque titre que ce soit dans l'Union française. Nous ne voulons pas être Français. Nous sommes Tunisiens, nous voulons demeurer Tunisiens, amis de la France, si la France respecte notre amour- propre national, adversaires irréductible si elle s'obstine à ignorer nos sentiments…»(7)
En fait, face au raz-de-marée nationaliste, le gouvernement français était acculé à jeter du lest par la promesse de réformes substantielles. Ce fut la mission impossible déléguée aux Résidents généraux : Jean Mons puis Louis Périllier pour convaincre et les Tunisiens et les Français de Tunisie de l'inconciliable. En ce début des années cinquante, les forces nationalistes se réorganisaient. L'apport de l'Ugtt, fondée le 2 janvier 1946 sur l'initiative de Farhat Hached, fut décisif. Celle-ci réussit à articuler l'action sociale et l'action d'émancipation nationale dans une synchronisation rigoureuse avec le Néo-Destour. Profitant de ces années où la France acceptait de nouveau le dialogue, un gouvernement de négociation se constitua en août 1950, avec la participation du Néo-Destour représenté par le leader Salah Ben Youssef. L'objet des négociations, arrêté d'un commun accord, portait sur un plan de réformes susceptibles de conduire la Tunisie à l'autonomie interne.
«La question des étapes est secondaire», écrit Habib Bourguiba, le 12 mars 1951, dans une lettre à son fils de Karatchi: «Si on est d'accord sur le but… nous avons admis que le transfert de ces prérogatives peut se faire par étapes au profit des rouages de l'Etat tunisien mais nous ne pouvons accepter que ces rouages soient eux-mêmes franco-tunisiens»
Sans doute aussi que l'échec des armées arabes au printemps 1948, la création de l'Etat d'Israël, les retombées du problème palestinien, les rivalités franco-britanniques d'un côté, l'opposition américano-soviétique de l'autre expliquaient le réajustement de la stratégie du Néo-Destour qui avait fondé son action sur l'hypothèse d'une aide extérieure (soutien arabe anglo-saxon) qui aurait acculé la France à composer. Mais quand le 15 décembre 1951, la France fait savoir dans une note écrite que les réformes à entreprendre doivent consacrer le principe de la co-souveraineté, opposant de la sorte «une fin de non-recevoir » aux revendications d'autonomie, pour les nationalistes, ce fut la consécration de l'arbitraire. L'escalade résistance-oppression prit une nouvelle ampleur, une forme de lutte ultime apparaît : la lutte armée. Un enchaînement infernal de violence s'abat sur la Tunisie: ratissage des villes et villages, dévastations et pillages, exactions de la Main Rouge dont l'assassinat de Farhat Hached et Hédi Chaker, condamnations et exécutions de militants…La violence et la terreur atteint son paroxysme entre 1952-1954, elle accéléra la jonction entre les différentes composantes de la nation et finit par troubler l'opinion internationale. Elle ne prit fin qu'avec la proclamation de l'autonomie interne du pays. Le protocole d'accord est signé le 3 juin 1955, le 20 mars 1956 la Tunisie accède à l'indépendance sans indication aucune concernant une quelconque appartenance à l'Union française. Le premier gouvernement de la Tunisie indépendante prit place dans un contexte politique, économique et social particulièrement difficile. En effet, à 50 mètres de la présidence, sur la caserne de la Kasbah, flottait encore le drapeau tricolore, des sentinelles françaises veillaient aux abords, la police et la gendarmerie françaises circulaient librement dans le pays, les colons, pour la plupart ennemis déclarés du nouveau régime, tenaient jalousement leurs domaines. Les difficultés extérieures n'étaient pas moindres. Aux frontières algériennes, il fallait soutenir l'Algérie en guerre, sans compromettre l'entente avec la France. Le jeune gouvernement dut protester en effet, en octobre 1956, contre l'enlèvement du militant Ahmed Ben Bella et faire chorus contre la France lancée dans la guerre de Suez…
«Comment dans de telles conditions dégager la souveraineté tunisienne et construire le nouvel Etat? Autant libérer de la ronce un fil de soie», devait dire le leader Habib Bourguiba. Il construira sur tous les plans l'Etat tunisien. Premier président de la République, il disait aussi: «La liberté, c'est certes se libérer du joug de l'étranger mais aussi, se libérer de la faim, du dénuement, de l'ignorance et du fanatisme».
Avec son ami Jean Daniel, il convenait que «L'identité n'est pas faite de rejet, mais de digestion des apports. L'identité d'un jeune Tunisien, ce n'est pas de ressembler à tous les jeunes Arabes ou à tous les jeunes musulmans, c'est d'être Tunisien».
Saloua Khadhar Zangar
(1)Brochure éditée à Alger en avril 1944
(2)«Marchés coloniaux» 23 novembre 1946
(3)La Voix du Tunisien 7 décembre 1947
(4)Mission du 5 mai 1948
(5)El Irada du 9 mars 1948
(6)Ezzohra du 18 septembre 1947
(7)La Voix du Tunisien du 12 septembre 1947
(8)La voix du Tunisien du 5 septembre 1947, un message de Habib Bourguiba


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