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Révolution: Dix ans après, la Tunisie attend toujours...
Publié dans Leaders le 13 - 01 - 2021

Par Emna Ben Arab - Dix années après le soulèvement de 2011, instabilité et incertitude dominent de façon durable le paysage politique en Tunisie en dépit des changements profonds qui l'ont affecté. Tous les indicateurs soulignent que la réalité est devenue alarmante: la croissance a baissé de moitié depuis 2010 et le déficit public est à 13,4%, le taux de chômage est proche de 16% etencore bien plus élevé et nettement plus persistant chez les jeunes. Avec un taux se rapprochant de 90% du PIB, l'endettement public n'arrête pas de s'alourdir et décourage les bailleurs de fonds qui soutenaient le pays à bout de bras.
Le soulèvement a également mis à jour la tension entre toute une génération de jeunes qui doit composer avec bien des ruptures pour s'imaginer un avenir, et l'Etat dont le déficit de leadership et l'absence d'un système de bonne gouvernance le rendent incapable de répondre aux enjeux de progrès et d'équité socialeen termes d'éducation, d'accès aux soins, ou à un logement convenable, en plus de la corruption, du népotisme, et d'une administration pléthorique et inefficace de plus de 650000 employés.
À cela s'ajoute une crise politique quasi permanente empêchant tout progrès et entravant une transition démocratique sereine. En dix ans, la Tunisie aura connu 12 gouvernements, témoignant de l'échec des coalitions et du consensus entre les partis dans un archipel parlementaire où l'on délibère par l'insulte pour finir par ne s'accorder sur rien ce qui a entraîné une stagnation dans la prise de décision autour de questions politiques clés.
Dans ce contexte, à la fois bigarré et malsain, la politique sécuritaire, déterminant majeur de toute stabilité politique, a pris un coup. Au lendemain du soulèvement, la Tunisie était devenue une importante enclave d'une mouvance salafiste djihadiste en pleine croissance soutenue par le Parti des Frères Musulmans (Ennahdha) et ses relais locaux dont le but était de pousser vers un ordre politique religieux à travers un maillage du pays avec des écoles coraniques, de mosquées contrôlées par des prêcheurs radicaux et une administration largement noyautée par des recrues islamistes. Les gouvernements successifs d'Ennahdha, regardant ailleurs, avaient laissé se tisser des réseaux de rabatteurs qui ont trouvé chez les jeunes désabusés des proies faciles pour l'édification, en Tunisie comme ailleurs, d'un Etat idéologiquement régit par la loi islamique. Rien qu'en deux ans, entre 2012 et 2014, les Tunisiens représentaient déjà le contingent le plus important au monde des djihadistes combattant en Syrie, en Irak et en Libye.
La situation sécuritaire dans le pays avait été en outre aggravée, dès le départ, par la prise de risque inconsidérée du démantèlement des forces de sécurité intérieures qualifiées d'instrument de répression de l'Etat et socle d'un régime honni. Ceci a ouvert la voie à une fragilisation des forces de police censées garantir une politique de protection contre les crimes et délits qui menacent les citoyens. De nouvelles nominations au sein de l'appareil sécuritaire, favorables au Parti des Frères Musulmans, a forcément conduit à la convergence entre les intérêts de politiciens peu scrupuleux et les services de sécurité de la nation. Ce fut le prélude à une période dramatique, parsemée d'actes terroristes particulièrement meurtriers, y compris l'assassinat d'activistes politiques opposés à l'idéologie des islamistes d'Ennahdha. Par ailleurs les attaques djihadistes dans les monts Chaambi et Semmama le long des frontières avec l'Algérie ont conduit à des activités de contrebande et à d'autres genres de trafics lucratifs.
Le marasme économique, touchant nombre de secteurs d'activités, ajouté à l'impact de l'instabilité politique, ont semé l'incertitude, l'inquiétude et le désarroi dans la population. Les tensions s'exprimaient à travers les nombreux mouvements de protestation qui avaient atteint le nombre de 871 rien que pour le mois d'octobre 2020 selon le Forum tunisien des droits socio-économiques. L'impact était également perceptible dans le nombre croissant d'émigrants clandestins. En 2020 environ 12500, quatre fois plus qu'en 2019, ont mis pied sur les côtes italiennes entrainant une tension dans les relations entre les deux pays.
Face à cette crise multidimensionnelle, en profondeur et en durée, les gouvernements successifs ont été exceptionnellement lents à réagir. En l'absence d'une classe politique compétente, les défis structurels n'ont pas été traitéscomme il fallait et comme l'exigeait la difficile transition démocratique, ce qui a mis en évidence deux réalités devenues insurmontables. D'un côté un système politique hautement polarisé qui menace de dérailler à tout moment dans un pays très divisé selon des lignes idéologiques, géographiques et socio-économiques, aggravées par un blocage constitutionnel. De l'autre, le développement d'une culture dela violence, de l'intolérance et de l'impunité qui décrédibilise le processus démocratique dans son ensemble et qui porte atteinte à la souveraineté de l'Etat.
Le système politique actuel a favorisé l'apparition de clivages partisans qui ont prévalu depuis la promulgation de la Constitution en 2014 qui a mis en place un système hybride et a permis l'émergence d'une fragmentation politique dont témoigne l'extrême diversité des groupes parlementaires. Ce même clivage est également présent au sein de l'exécutif entre le président de la République et le chef du gouvernement (Caid Essebsi vs. Essid / Caid Essebsi vs. Chahed / Saïed vs. Mechichi) et transparait nettement dans les relations entre les pouvoirs et leurs représentants (le législatif vs. l'exécutif / le Président de l'ARP vs. le Président de la République). Ces conflits lancinants ont été exacerbés par l'élection en 2019 d'un chef d'Etat, Kais Saïed qui estime, quant à lui, que le meilleur moyen d'asseoir son autorité est d'adopter une posture de confrontation plutôt que de rassemblement, de factionnalisme régional plutôt que d'unité nationale. Partant du slogan "Le peuple veut!", scandé par des milliers de manifestants pendant le soulèvement, K. Saïed s'est lancé dans une rhétorique populiste qui vise à autonomiser les clans régionaux et à affaiblir l'unité nationale, tout en affichant une franche hostilité envers les partis politiques, un gouvernement central fort et un parlement national.
L'actuelle impasse politique se manifeste par la prépondérance de la violence et de l'impunité au niveau de l'Etat autant qu'à celui du gouvernement, mettant à l'arrêt les activités prioritaires de la politique gouvernementale: introduction de réformes économiques structurelles, lutte contre le terrorisme, la corruption, les disparités régionales, etc. L'échec de l'ARP à mettre en place la Cour Constitutionnelle chargée de contrôler la constitutionnalité des projets de loi, de même que l'absence de dispositions constitutionnelles permettant au chef de l'Etat d'affronter lescrisesetagir contre l'adversité, compromettent gravement leprocessus démocratique.
Cette situation s'est répercutée sur le débat politique. Trois grandes tendances y figurent désormais:
• Une proposition, jusque-là sans précédent, qui séduit l'homme ordinaire autant que l'élite, de faire appel à l'armée pour redresser le pays. Une perspective que traduit clairement la baisse régulière du soutien à la démocratie parmi les Tunisiens - de 70% en 2013 à 46% en 2018 - et l'augmentation du soutien aux alternatives antidémocratiques telle que l'instauration d'un régime militaire puisque 47% de la population y est favorable.
• Une deuxième tendance appelle le président K. Saïed à suspendre temporairement la Constitution, dissoudre le parlement et organiser un référendum sur les propositions liées à la loi électorale et au système politique avant d'appeler à des élections anticipées. C'est là, dit-on, la voie royale pour sortir de l'impasse actuelle qui mine les performances gouvernementales.
• À l'autre bout du spectre, l'appel, cette fois de l'UGTT (l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens, principal syndicat du pays) à un dialogue national pour procéder à l'amendement de la loi électorale et de la Constitution afin d'aboutir à un nouveau système politique plus opérationnel, supprimant le système du ni-ni (ni présidentiel ni parlementaire). Bien que soutenue par la société civile et un nombre croissant de partis politiques, cette initiative ne vient que depuis peu d'avoirl'aval du président K. Saïed. Cette tendances intègre bien dans une tradition consensuelle très tunisienne. Elle fut déjà mise à l'épreuve avec succès par le Quartet du dialogue national, lauréat du prix Nobel de la paix en 2015 pour son rôle dans la prévention du pire et la stabilisation du pays au cours de la période 2013-2014.
Le débat politique actuel vise à explorer les moyens de freiner la crise. Cela nécessite en premier lieu l'accord de toutes les forces politiques sur un nouveau contrat social dont le but est de réduire la polarisation et de mettre de côté les différences idéologiques dans un souci d'unité et de cohérence politique. Par ailleurs, il est vital qu'une déclaration claire des attentes et des résultats soit énoncée pour répondre aux besoins socioéconomiques et sécuritaires pressants de la Tunisie. Enfin, une résolution politique s'avère nécessaire pour réaménager les structures de gouvernement de l'Etat par des réformes constitutionnelles et législatives audacieuses. Plus tôt les Tunisiens s'y mettront, mieux ce sera, autrement un blocage nous mènera droit au chaos et à la perte du pays.
Emna Ben Arab, Ph.D
Professeur Universitaire


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