De cette enfance nomade et heureuse où le travail de son père l'avait entraîné d'une ville à l'autre de sa chère Tunisie, Adnan gardera un grand attachement au microcosme familial, noyau stable et durable, au milieu d'un environnement changeant et éphémère. Quant à la science, elle l'a de tout temps passionné et ses économies d'adolescent étaient toutes englouties dans l'achat des Magazines Science et Vie, incontournables références des scientifiques en herbe. Mais plusieurs de ses professeurs n'étaient pas aussi enthousiastes et lui avaient prédit d'échouer s'il s'engageait dans un cheminement de recherche scientifique à commencer par l'un de ses professeurs de physique. Malgré, ou plutôt grâce à ces conseils, Adnan Ghribi s'acharnera davantage pour réaliser son rêve, devenir astrophysicien. Il retournera même, quelques années après avoir terminé tout son parcours académique, rendre visite à l'un de ses enseignants universitaires qui ne le voyait pas faire un Doctorat, pour lui montrer qu'il avait tort. « Je sais que je ne suis pas doué d'une intelligence exceptionnelle, c'est pourquoi je m'investis énormément dans ce que je fais, je m'astreins à une grande rigueur dans mon travail et je considère chaque étape comme un défi à relever. C'est la clé du succès pour moi. Ne pas décevoir mes parents a également été l'un de mes principaux moteurs, mon père, Brahim, Sorbonnard qui m'a transmis le goût des études supérieures et ma mère, Fatima, qui a, entre autres, vendu sa voiture pour que je puisse aller en France poursuivre des études d'astrophysique qui n'existent pas en Tunisie ». Après avoir passé ses premières années d'études supérieures à Reims, c'est à Toulouse, capitale européenne du spatial et de l'aéronautique qu'Adnan s'installe le temps d'accomplir sa Licence et son Master. Il passera ensuite son Doctorat à l'Université Paris Diderot dans le laboratoire AstroParticule et Cosmologie dont l'un des défis est de détecter les ondes gravitationnelles primordiales, un défi de taille car ces ondes sont aussi difficiles à détecter que les pas d'une fourmi marchant sur terre à partir de la lune mais leur détection, si elle a lieu, pourrait constituer la plus grande découverte de la cosmologie moderne car il s'agit de l'empreinte du Big Bang qui nous parviendrait du fond des âges de l'Univers. Au laboratoire de cosmologie expérimentale de la University of California Berkely où il poursuit actuellement un post-doctorat, Adnan Ghribi continue ses recherches sur ces fameuses ondes gravitationnelles dans le cadre d'un autre projet qui utilise un télescope actuellement en cours d'acheminement vers le désert de l'Atacama au Chili. De là, il devrait pouvoir fournir des données exploitables dès le printemps 2011. La cosmologie est une science passionnante car elle permet à l'Homme de se mesurer à l'infiniment grand, de remonter là où tout n'était que néant. « En outre, raconte Adnan, les financements qu'elle a pu attirer ont permis de développer des outils et techniques qui peuvent être exploités par d'autres domaines d'activités, tel est le cas des bolomètres qui sont actuellement utilisés pour la détection des radiations ainsi que les supraconducteurs que les entreprises de télécommunications utilisent depuis plusieurs années déjà. Seulement, ces neuf années passées loin des miens n'auront pas été faciles. La volonté parfois vacille ! Mais j'ai appris que je pouvais servir mon pays même en étant loin. A moyen terme, parvenir à retourner en Tunisie serait un accomplissement personnel de taille ». "Si j'avais un conseil à donner à un Tunisien..." Au milieu d'un environnement étranger et confronté à des défis scientifiques de taille, Adnan rappelle, encore une fois, l'importance du soutien familial, qu'il doit ces dernières années, particulièrement, à sa femme Leïla qui l'a fortement soutenu lors de ses trois années de travail sans relâche pendant sa thèse de Doctorat et au sourire de sa petite fille Sabah, précieux sésames qui lui ont permis d'avancer d'un pas sûr vers le succès. Adnan a également tiré des leçons de vie de sa pratique du Taekwondo où, dit-il, l'amour du combat en fait supporter les douleurs ainsi que de l'escalade où le défi d'atteindre le sommet est plus fort que la peur de la chute dans le précipice. Aussi, Adnan rappelle l'importance du bénévolat où les personnes que nous aidons nous aident bien plus qu'on ne l'imagine, dit-il. « Si je peux m'adresser à un jeune tunisien qui voudrait d'un conseil, je lui dirai de ne sous-estimer aucune expérience. C'est en tant qu'ouvrier du bâtiment que j'ai compris personnellement les principes de base de la mécanique pendant ma Licence et c'est en faisant la vaisselle dans un restaurant d'Air France que j'ai appris à considérer le côté humain dans la sécurité aéronautique ». Tout est important et tout mérite d'être vécu. Tout est dit …