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Kamel Jendoubi - Djihadisme : «Il faut mettre un terme au gâchis tunisien»
Publié dans Leaders le 04 - 05 - 2021

Dans une Opinion publié dans Le Monde du 3 mai 2021, Kamel Jendoubi pointe du doigt le laisser-aller, le laxisme et l'incoséquences qui ont favorisé l'émergence de l'extrémisme religieux.
Allons-nous continuer à assister, impuissants, à ces crimes terroristes perpétrés par des Tunisiens, comme celui du 23 avril par Jamel Gorchène qui a sauvagement assassiné Stéphanie Monfermé, une agente administrative au commissariat de Rambouillet, dans le département des Yvelines ? Comme celui, encore, de la basilique Notre-Dame-de-l'Assomption à Nice, en 2020, ou, en 2016, à Nice toujours, celui commis par un terroriste originaire du même village que Jamel Gorchène ?
Allons-nous continuer à subir l'embarras de nos autorités et des milieux bien-pensants sans agir fermement contre les promoteurs de la haine et de la violence jusqu'au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) de Tunis ? L'un de ses députés, Rached Khiari, n'a-t-il pas justifié l'assassinat du professeur d'histoire Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020 sans être le moins du monde inquiété ? Seuls des acteurs de la société civile, en Tunisie et en France, ont réagi fermement et continuent de le faire.
Allons-nous continuer à intérioriser une culpabilité « collective » car ces crimes nous prennent pour cibles et nous tiennent en otages, étant commis en notre nom et au nom de la religion qui est la nôtre, l'islam ? Il s'agit là d'une double assignation.
Radicalisation à la tunisienne
D'un côté, l'injonction de nous aligner sur la communauté qui exonère l'islam de ces crimes en désignant les auteurs de ces attentats comme ultra-minoritaires ! De l'autre, la sommation à choisir «son camp». Celui du «pire» : la fabrique de la violence et de la haine. Ou du « moins pire » : les politiques sécuritaires et répressives attentatoires aux droits et à la dignité des personnes, bien souvent génératrices d'une violence dite légitime qui, à son tour, alimente la contre-violence terroriste.
Expliquer le profil, les ressorts et les circonstances ne suffit pas. Il faut comprendre que le mal est aussi et d'abord en nous. On assiste depuis l'avènement, en 2011, du « printemps tunisien » à une sorte de radicalisation à la tunisienne. Non pas que le phénomène n'ait pas existé avant, bien au contraire. Il a germé sous l'effet d'un double délitement : celui du lien social et celui du lien national.
Le djihad est devenu en quelque sorte une identité de substitution pour ceux qui ne se sentent plus d'identité, ces jeunes « hors circuit », exclus d'un système scolaire en crise (soit 100 000 chaque année), sans emploi et donc sans avenir.
Les pépinières de cette identité djihadiste sont connues : les chaînes de télévision par satellite financées par les monarchies pétrolières et relayées par divers organismes, prédicateurs et mosquées. Mais aussi les prisons transformées en lieux d'endoctrinement et de recrutement.
Epanouissement du salafisme
Le phénomène ne se limite pas à la Tunisie. Pourtant, son essor chez nous, depuis 2011, est aussi l'histoire d'une succession d'événements et de décisions.
Le contexte post-révolution, en ouvrant un espace d'expression débridée où la liberté et le fanatisme ne pouvaient faire bon ménage, a alimenté un engrenage favorisant l'épanouissement du salafisme en général, et du djihadisme en particulier. Ce phénomène s'est amplifié à la faveur de l'amnistie de chefs djihadistes (emprisonnés dans les années 1990), du laxisme coupable de certains gouvernants (par naïveté ou par calcul), de la guerre des mosquées, des tentes de prédication et des kermesses de takfir (salafistes prêchant l'excommunication des mécréants).
La carence de l'autorité de l'Etat, son renoncement au social et une certaine cécité politique ont réuni les conditions pour le développement de ce fléau, des monts Chaambi (frontière algéro-tunisienne) au Moyen-Orient en passant par l'Europe.
Quid de la politique religieuse ? Si l'Etat ne doit pas se mêler de la foi, il est tenu de s'occuper de la dimension collective, sociale de la religion et de protéger le culte. Il y a une politique religieuse (en l'espèce, une politique de l'islam) comme il y a une politique culturelle, éducative, etc. Elle consiste à organiser l'exercice du culte dans l'espace public (gestion des mosquées, fêtes religieuses, pèlerinage), l'enseignement de la religion, le statut personnel et les questions matrimoniales : autant de questions qui doivent relever de l'Etat et non de l'interventionnisme cacophonique d'une nébuleuse d'associations plus ou moins contrôlées.
Laxisme et obsession identitaire
L'affaissement de l'Etat consécutif à la révolution a créé une situation propice à de graves dérives : l'annexion d'une partie des mosquées par le takfirisme ; la confusion entre la prédication et le savoir religieux qui a permis la promotion d'imams doctrinaires à la tête d'institutions religieuses, y compris à la mosquée Zitouna à Tunis, mais aussi dans les médias ; la prolifération d'associations «religieuses » hors de tout contrôle, d'écoles maternelles « coraniques » évoluant en dehors de l'éducation nationale et de ses règles ; les attaques contre les artistes et intellectuels libres penseurs.
Tout cela a bénéficié du laxisme et de l'obsession identitaire donnant des ailes aux extrémistes. La remise à plat d'une politique religieuse qui traduit ce que feu Béji Caïd Essebsi (chef d'Etat entre décembre 2014 et juillet 2019) avait résumé en une phrase – « un pays musulman et un Etat civil » – est un travail à la fois urgent et de longue haleine et doit associer tous les acteurs. Faute de quoi, on continuera à subir les méfaits des prédicateurs qui affichent leur piété exhibitionniste en guise de compétence avec la complaisance de certains partis et médias, à laisser les mosquées (près de 6 000 en Tunisie) devenir des tribunes politiques et des lieux de mobilisation électorale pour les islamistes et les salafistes et à maintenir la situation de non-droit qui régit aujourd'hui les associations religieuses, laissant la porte ouverte à toutes les dérives.
Il faut avoir le courage et la détermination de comprendre ce qui nous arrive à nous, Tunisiens. Jamais un débat national n'a été organisé sur cette question. Sitôt annoncé, sitôt abandonné. Les appels n'ont pas manqué mais n'ont jamais été entendus. Comme si on voulait fuir, ne pas regarder ce qui nous mine.
Des gages à Ennahda
Pour l'avoir vécu quand j'étais chargé par le chef de gouvernement Habib Essid, au lendemain de l'attentat de Sousse [le 26 juin 2015, faisant 39 morts], de la préparation d'un congrès national sur le terrorisme, j'ai pu mesurer les résistances et les lâchetés. Plus de deux mois de préparations et de tergiversations n'ont abouti à rien. Il était urgent… de ne rien faire et d'attendre !
Il est clair que les hautes sphères de l'Etat et les principaux partis politiques ont préféré temporiser en donnant des gages à Ennahda (d'inspiration islamiste, partie prenante au gouvernement), laquelle craignait – non sans raison – que le congrès ne se transforme en procès à charge. Il m'était alors apparu combien, faute de volonté, nos dirigeants apparaissaient désarmés.
Depuis, sous la pression internationale, une stratégie a été mise en place et un certain nombre de mesures ont été prises avec, parfois, des résultats significatifs sur le plan sécuritaire. Mais sans aborder les faiblesses structurelles qui exigent une refonte urgente et totale de notre approche. Tel est également le sens de l'appel lancé par des Tunisiens à l'étranger pour mettre un terme à ce gâchis.


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