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Décès d'un grand écrivain: Charles Juliet et la quête douloureuse de soi
Publié dans Leaders le 29 - 07 - 2024

Par Arselène Ben Farhat - Aujourd'hui, je viens d'achever l'élaboration d'un travail de recherche sur «Lambeaux» de Charles Juliet. Pourtant c'est un jour bien triste pour moi. J'ai appris que l'auteur de cet admirable roman sur lequel j'ai travaillé pendant plusieurs mois avec passion et plaisir et qui a été l'objet de mes enseignements les deux dernières années à "l'Institut Supérieur des Langues de Gabès" vient de nous quitter la semaine dernière, le 26 juillet 2024 en laissant un riche héritage : des recueils poétiques, des romans, des récits brefs, des pièces de théâtre, des journaux, etc. La caractéristique principale de ses écrits, c'est qu'il est toujours l'objet et le sujet de sa création littéraire, au centre de ses livres. Son obsession est de retrouver sa voie et sa voix de créateur du XXI ème siècle, de découvrir son moi profond et d'assurer la reconstruction de soi par soi. Il dit : «Ecrire, c'était m'élucider, creuser dans ma mémoire, dans mon inconscient. […] Donc j'ai dû travailler pour éliminer, et aller à la rencontre de cet inconnu que j'étais pour moi-même.» («Télérama», 26 mars 2010).Le héros de son roman «Lambeaux», est un auteur fictionnel qui cherche, comme Charles Juliet, non seulement à explorer la langue et à trouver les mots justes, mais également à retrouver sa mère qui a sombré dans la dépression après sa naissance et a été, après sa tentative de suicide, internée en hôpital psychiatrique jusqu'à sa mort, une mort atroce étant délaissée par les nazis sans nourriture, ni assistance médicale. Comment faire sortir cette mère, tant aimée, de sa tombe, comment lui donner vie, la décrire et la reconstituer alors qu'il a été séparé d'elle en ayant uniquement quelques semaines ?
Pour l'écrivain fictionnel ainsi que pour l'écrivain réel, le véritable enjeu de l'écriture dans «Lambeaux» (Charles Juliet, Lambeaux, Folio, 1995) est à la fois la naissance de soi et la découverte de la vérité sur la raison de la tentative de suicide de sa mère. A-t-il été la cause de sa dépression et donc de sa mort? Il faut creuser, mener une enquête, explorer la langue et le passé, explorer ses multiples blessures, blessure d'être abandonné à sa naissance par une mère qui a «choisi» de mourir, blessure d'être délaissé par un père à une famille d'accueil de paysans suisses, blessure de se sentir trahi, incompris, morcelé en «lambeaux»: «Insupportable à toi-même. Brûlé par un feu. Brûlé et consumé et détruit par ce dégoût et cette haine que tu t'inspires.» («Lambeaux», p. 142) Comment surmonter cette terrible fragmentation de soi ? Peut-il vraiment unifier les bribes de sa vie et de celles de sa mère ?
L'écriture apparait comme le seul moyen, le seul remède qui pourrait libérer Juliet de son drame et lui permettre de retrouver sa mère et de lui dire son amour. Quand on lit : «Mais ces instants que je voudrais revivre avec toi» («Lambeaux», p. 142), on comprend que même morte, elle est toujours là et qu'il établit avec elle un dialogue permanent dans le silence de sa solitude et s'il s'engage dans un long et difficile apprentissage de la création littéraire qu'il décrit dans la deuxième partie de Lambeaux, c'est qu'il cherche à la «ressusciter», à la «recréer» par la fiction et à vaincre la mort :
«Te ressusciter. Te recréer. Te dire au fil des ans et des hivers avec cette lumière qui te portait, mais qui un jour, pour ton malheur et le mien, s'est déchirée.» (Lambeaux, p. 10)
L'instance maternelle est donc toujours présente non seulement dans ses romans et ses textes poétiques, mais également dans son « Journal », une œuvre colossale de dix tomes qui retracent le parcours de Charles Juliet l'homme, l'auteur, le critique, le chroniqueur et le témoin actif de son époque. Le premier tome du «Journal», «Ténèbres en terre froide (1957-1964)» a été publié en 1989 et le tome 10 «Le jour baisse (2009-2012)» en 2020. Ces dix tomes ont une forte interdépendance avec le reste de la production littéraire de Charles Juliet. C'est un magnifique recueil de témoignages, de réflexions, de scènes et de portraits saisis sur le vif. Ils nous fournissent également de précieuses informations sur la lente et difficile élaboration des œuvres de Charles Juliet, les difficultés qu'il a rencontrées. Il nous explique, par exemple, dans le tome VI, pourquoi il a trouvé d'énormes problèmes à écrire «Lambeaux» :
«La cause la plus importante, je l'ai découverte récemment en travaillant à "Lambeaux". Elle est liée à mon histoire, à une culpabilité provenant de ce qu'inconsciemment, je me sentais responsable de la maladie et de la mort de ma mère. Or quand on s'éprouve coupable, on ne peut s'accorder le droit de prendre la parole. Les mots sont verrouillés au plus noir de la nuit, et les déverrouiller s'accompagne d'une lutte. Une lutte qui retentit sur le corps.» («Journal VI», 20 juillet 1996, p. 140).
Les dix tomes permettent ainsi de suivre au jour le jour la rédaction des romans de Charles Juliet et de découvrir les multiples problèmes que l'écrivain a affrontés et a surmontés. Ils deviennent au fil du temps et des publications un espace où s'édifie la réflexion esthétique de l'auteur et traduisent cette difficile quête de soi à travers sa quête des mots justes. Nous citerons, à titre d'exemple, l'extrait ci-dessous tirés du tome VI «Lumières d'automne, 1993-1996». Charles Juliet nous présente les raisons qui le poussent à écrire et pourquoi l'écriture est au centre de sa vie. Il dit :
«Ecrire pour obéir au besoin que j'en ai.
Ecrire pour apprendre à écrire. Apprendre à parler.
Ecrire pour ne plus avoir peur.
Ecrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance.
Ecrire pour ne pas vivre dans l'ignorance.
Ecrire pour surmonter mes inhibitions, me dégager de mes entraves.
Ecrire pour déraciner la haine de soi. Apprendre à m'estimer.
Ecrire pour déterrer ma voix.
Ecrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.
Ecrire pour épurer mon œil de ce qui conditionne sa vision.
Ecrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m'unifier.
Ecrire pour conquérir ce qui m'a été donné.
Ecrire pour gravir la pente qui mène à la simplicité.
Ecrire pour tenter de réduire, de dissoudre le moi.
Ecrire pour devenir toujours plus conscient de ce que je suis, de ce que je vis.
Ecrire pour affiner et aiguiser mes perceptions.
Ecrire pour savourer ce qui m'est offert. Pour tirer le suc de ce que je vis.
Ecrire pour repousser mes limites, agrandir mon espace intérieur, me rendre toujours plus libre.
Ecrire pour soustraire des instants de vie à l'érosion du temps.
Ecrire pour retrouver ― par-delà la lucidité conquise ― une naïveté, une spontanéité, une transparence.
Ecrire pour produire la lumière dont j'ai besoin.
Ecrire pour tenter de voir plus loin que mon regard ne porte. […]
Dans cette énumération des raisons que j'ai d'écrire, il arrive que certaines se recoupent, se chevauchent, disent plus ou moins une même chose mais abordée sous des angles différents. Il faut voir qu'elles sont indissociables, et que toutes contribuent à nourrir cette passion qui me tient.» » («Journal VI», p. 247-248)
En conclusion, à travers ses écrits qui appartiennent à divers genres littéraires (romans, nouvelles, poèmes, pièces de théâtre, journal), Charles Juliet vit la création littéraire comme une exploration intérieure et comme une quête de soi. Un tel voyage lui a permis de surmonter sa crise existentielle et de réaliser une miraculeuse renaissance. Le «tu» qui apparait dans tous les chapitres de «Lambeaux» et le «je» qu'on retrouve dans ses œuvres agissent en osmose et se définissent comme révélateurs non pas d'un auteur déjà conçu et formé comme chez Alphonse Daudet («Jack»), mais d'un écrivain en germe, en formation permanente. C'est pourquoi je pense qu'à travers ses lecteurs, Charles Juliet vaincra la mort.
Paix à son âme!


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