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Bochra Belhaj Hmida : Toujours une cause à défendre
Publié dans Leaders le 10 - 08 - 2012

L'avocate risque de vous surprendre. Demandez-lui d'assurer votre défense dans une affaire qui se déroule un peu loin de Tunis. Pour tout l'argent que vous lui offrez, elle risque de s'en excuser courtoisement. Mais, si vous lui signalez un grave cas de violence ou d'injustice subies par une femme au fin fond du pays, elle sautera dans la voiture pour y aller, sans demander le moindre sou. C'est bien Bochra Belhaj Hmida, cette militante invétérée de la cause des femmes, deux fois présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Un vrai personnage de la société civile et une mémoire vivante des grandes luttes politiques et sociales en Tunisie depuis le début des années 70. Arrivée à l'âge de 15 ans, de son Zaghouan natal, au Lycée El Omrane pour y poursuivre son second cycle secondaire, elle laissera depuis lors révéler son caractère chahuteur et de meneuse de foules. Plus tard, dès son entrée à la faculté de Droit, elle sera souvent à la buvette, de tous les débats et intégrera le Mouvement réformiste. Commencera alors une vraie vocation.
Douce enfance dans l'air pur de Zaghouan, au milieu d'une famille unie : père cultivateur qui se convertira après la collectivisation à la vente du miel, et 4 enfants au total, à parité, 2 filles et deux garçons. Depuis son jeune âge, Bochra a toujours aimé la gaieté, la bonne humeur et la joie de vivre. Interne au Lycée El Omrane, elle défrayera la chronique par les gags qu'elle monte comme transmettre un faux ordre à ses camarades de se préparer pour aller au hammam ou à une sortie au Belvédère. La surveillante générale tombera des nues en voyant ses élèves en rangs serrés dans la grande cour, prêtes à partir. Mais, derrière cet esprit marrant se cache en fait un caractère très ferme dès qu'il s'agit d'inégalité entre hommes et femmes, d'injustice et d'oppression. On la retrouve entraînée par ses aînées, Jalila Baccar, Safia Farhat et d'autres pionnières, dans les manifestations lycéennes qui furent sa première expérience politique.
Montée au Campus pour faire son droit, elle était donc bien préparée à l'action. Dès les premières semaines, elle se retrouvera dans les structures syndicales provisoires, rejoindra Lakhdhar Lala, Ali Mhedhebi, Mustapha Tlili et d'autres camarades dans ce qui sera le courant réformiste. Une tendance proche des communistes, mais bien marquée par rapport à la gauche radicale qui dominait alors la scène estudiantine. Pourquoi ce choix? «Tout simplement, dira-t-elle à Leaders, parce que les gauchistes s'intéressaient beaucoup plus au Vietnam et à la Chine qu'aux problèmes syndicaux quotidiens des étudiants que prend en charge le courant réformiste».
La cause des femmes
Bochra s'y engagera à fond et le mouvement sera le premier à évoquer l'article 8 de la Constitution relatif aux libertés, puis à poser la question des femmes et celle des acquis de la République. A l'époque, le mouvement féministe était tout naissant. Azza Ghanmi, Ilhem Marzouki, Neila Jerad et Amel Ben Aba lançaient les premiers débats au Club Tahar-Haddad. «Nous étions attirées par ces débats, surtout que nous vivions au concret la misogynie, même parmi nos camarades de gauche. Ils continuaient à attribuer à la femme un statut inférieur et à promener sur elle un regard hautain, n'ayant pas réussi à dépasser toute l'éducation reçue. J'ai compris alors qu'il ne suffisait pas d'être de gauche pour croire en l'égalité des genres. Tout cela s'attisait avec la montée de l'islamisme, mettant en cause les acquis de la femme. Quant au régime en place, il se contentait d'octroyer certains droits, sans laisser à la femme de décider elle-même de son sort, à tous les niveaux, sans la tutelle de l'Etat ».
Jeune avocate, Bochra décrochera son stage auprès de Me Ridha Kahia, un grand nom du barreau, destourien certes (député à l'Assemblée nationale), qui refusait d'accueillir des stagiaires, mais a bien accepté d'en prendre deux, Bochra, «l'opposante», et une autre candidate.
Saisissant cette chance, elle se mettra à s'initier aux arcanes de la profession et aux nuances de son art, sans pour autant renoncer à son combat féministe. La cause avance bien. Le groupe formé par les militantes s'emploie à la fois à approfondir les débats en interne et multiplier les actions sur le terrain et parmi les autres composantes du paysage politique démocratique et la société civile. En 1985, la naissance de la revue Nissa vient poser un nouveau jalon. Mais, il fallait s'organiser et se structurer? C'est ainsi que naquit l'ATFD en 1986, à l'issue d'un très grand débat finissant par trancher en faveur de sa constitution. L'œuvre de cette association sera d'un apport crucial dans les avancées réalisées. Largement ouverte sur les adhérentes démocrates, elle n'a pas pour autant délaissé la prise en charge des problèmes posés par des femmes du mouvement islamique, notamment pour ce qui est de leurs droits et libertés bafoués.
Des effets de manche qui ont bien porté
Bochra poursuivra également son engagement militant en tant qu'avocate, prenant la défense des détenus politiques, plaidant dans les grands procès politiques. Tout en condamnant l'attaque de Gafsa, début 1981, elle s'élèvera vivement contre la peine de mort planant sur la tête de ses auteurs. Elle montera en première ligne lors des procès de l'affaire du pain en 1984, comme lors des procès intentés aux islamistes et aux militants de gauche. Mehdi Ben Gharbia, Hamma Hammami et Taoufik Ben Brik se souviendront longtemps de ses plaidoiries en leur faveur. Elle gardera elle aussi en mémoire cette réplique de Ben Brik au juge d'instruction : «Si vous m'empêchez de voyager, je vous empêcherai, moi aussi, de fouler le sol européen».
Tout comme ce jeune Tunisien détenu à Guantanamo et pour lequel elle n'a pas hésité à se rendre à New York, organiser sa défense avec un cabinet américain. Bochra sera particulièrement marquée, en outre, par des procès de droit commun portant sur des affaires de pédophilie, d'inceste, de séquestration de femmes et d'enfants. Mais l'affaire qu'elle n'est pas près d'oublier, c'est sans doute celle de cette femme qui a tué son mari après lui avoir fait absorber des somnifères, puis l'a découpé en pièces qu'elle dissimulera dans divers endroits. A l'annonce du crime, toute la presse s'était élevée pour réclamer la peine de mort avant même que la justice ne se prononce. Toujours à contre-courant, comme à son habitude, Bochra se fendra d'un article dans Assabah pour dénoncer la cabale médiatique, contester la peine de mort et appeler la justice à à se pencher sur l'affaire en toute sérénité. Ayant lu l'article, la famille de l'accusée lui a vivement demandé d'assurer sa défense. Ce qu'elle fera en s'employant à démontrer à coups d'expertises psychiatriques que sa cliente avait commis son acte dans un moment de démence. La cour suivra l'avis médical et l'accusée a été sortie de prison pour être placée dans un hôpital psychiatrique.
«Vous savez, dit Bochra, avec mon métier et mes actions, j'ai beaucoup appris sur la fragilité de l'être humain. Je lutte pour que chacun se sente bien en lui-même et je crois beaucoup plus aux libertés individuelles qu'aux libertés collectives». La veille du 14 janvier, elle était pour la première fois invitée sur un plateau TV. Ces propos, ce soir-là, lui vaudront beaucoup de reproches, mais elle les assume. Au lendemain de la révolution, elle est sollicitée de partout, mais l'atomisation des partis et l'absence de vrais programmes l'inquiètent. Entre le PDP et Ettakatol, le choix qui lui était offert, à part Ennahdha, était très réduit. Elle finira par rejoindre Mustapha Ben Jaafar et son équipe qu'elle croyait incarner le plus les valeurs socialistes et progressistes et sera présentée comme tête de liste à Zaghouan.
L'aventure d'Ettakatol
«Dans cette circonscription, aucun parti ne s'attaquait à un autre, se préoccupant chacun de faire pousser sa liste, sauf, confie Bochra, Ennahdha qui a mené une campagne très soutenue contre moi. J'étais leur bête noire, ce que je ne comprenais pas. Je savais qu'ils tenaient à exclure du champ public les femmes démocrates et les femmes modernes, mais je ne croyais pas les déranger, personnellement, autant. Avec du recul, j'ai pu réaliser qu'Ennahdha voulait coûte que coûte me barrer la voie d'accès au Bardo et aux instances supérieures d'Ettakatol, de crainte de me voir compromettre leur alliance de la Troïka. Ils croyaient en effet que j'étais systématiquement opposée à eux et à toute alliance avec eux quelle qu'en soit la forme, alors qu'au fond de moi-même je sais qu'Ennhadha est incontournable mais qu'il va falloir bien négocier avec ses dirigeants pour aboutir au consensus réel et équitable pour tous ».
Bochra ne décrochera pas son siège au Bardo. Mais, déjà bien avant la campagne électorale, elle commençait à remettre en question son engagement au sein d'Ettakatol qu'elle finira par quitter quelques jours après le scrutin. Les griefs étaient nombreux et n'ont fait que se confirmer par la suite. Aujourd'hui encore, Bochra demeure «choquée de ne pas voir l'empreinte d'Ettakatol dans le programme du gouvernement ». «J'ai l'impression, poursuit-elle, que ce parti est complètement absent, comptant beaucoup plus dans ses rangs réduits des techniciens que des politiques, de vrais militants capables de créer un véritable mouvement qui entraîne les masses et peser de son poids pour le rééquilibrage du paysage politique ».
En fait, pour elle, tout cela relève du passé. Son combat d'avenir (voir notre article : «Inquiète et rassurée») est pour la réussite des élections en toute transparence, mais aussi la lutte contre la violence. Que ses fans, comme ses détracteurs, se rassurent, Bochar Belhaj Hmida est loin de jeter l'éponge. Elle a toujours une cause à défendre.


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