"Jazz à Carthage" n'aura probablement pas lieu en 2017. Le festival fondé par Mourad Mathari est en train de jeter l'éponge sous les coups de boutoir des Journées musicales de Carthage qui se sont appropriées ses dates et tentent de le couper de ses sponsors historiques... Une nouvelle affaire révélatrice de l'aventurisme dont font preuve certains directeurs de festivals qui instrumentalisent le service public pour écraser les initiatives privées... Au mépris de la doctrine des pouvoirs publics et de la diversité de la vie culturelle... Depuis leur refondation, les Journées musicales de Carthage (JMC) semblent n'avoir qu'un seul objectif, une véritable obsession qui consisterait à écraser, purement et simplement écraser une autre manifestation musicale plébiscitée par le public et qui n'est autre que "Jazz à Carthage", un festival créé il y a douze ans par Mourad Mathari, le dernier dinosaure à rêver et agir pour le jazz. En 2016, tous les observateurs de la scène culturelle avaient déploré le chevauchement des deux manifestations qui se sont déroulées en même temps contre toute logique et selon la volonté léonine du directeur des JMC qui s'est évertué à mettre en oeuvre les moyens du service public pour tenter d'écraser un festival antérieur. On est en droit de se demander quelle mouche a bien pu piquer M. Hamdi Makhlouf pour s'entêter à ce point et se rendre coupable d'un pareil hold up qui consiste à s'approprier le dates d'un autre festival sans crier gare et avec de surcroît des intentions douteuses et une ligne de défense difficilement défendable. Une absurdité aggravée S'agit-il de ressentiment ou de vieux litiges qui l'opposeraient à Mourad Mathari, un homme dont le dynamisme et la ténacité cristallisent beaucoup de jalousies? S'agit-il simplement d'hubrys et d'une myopie assimilable à un aveuglement volontaire? S'agit-il plus gravement de mépris, de cette "hogra" honnie dont les pseudo-puissants abusent? Il est difficile de démêler l'écheveau des motivations de M. Makhlouf qui, bien entendu, fait mine de balayer les dégâts qu'il occasionne au seul festival de jazz qui tient encore la route en Tunisie. Car invoquer des arguments du genre " Ce ne sont pas les mêmes publics qui sont visés" ou bien "Il existe d'autres chevauchements comme par exemple pour Mûsiqât et l'Octobre musical" n'est convaincant pour personne. En effet, les problèmes sont ailleurs. D'abord, au niveau éthique, car on ne vient pas bousculer un festival qui a douze ans et qui se déroule à un moment précis pour le déloger et s'emparer de sa place. Ensuite, au niveau de la visibilité car ce faisant, la direction des JMC disqualifie médiatiquement les deux festivals qui, au lieu de profiter ensemble de l'attention médiatique, devront se la disputer. Ensuite, faire entrer en concurrence deux festivals culturels est une absurdité. Les deux devraient au contraire se concerter pour le bien de la vie culturelle et au bénéfice du public. D'ailleurs, dans le cas d'espèce, il s'agit d'une absurdité aggravée car c'est le service public de la Culture qui s'attaque insidieusement à une initiative privée qu'il est supposé par essence soutenir, qui plus est lorsqu'il s'agit d'un festival de jazz unique en son genre et qui a fait ses preuves depuis plus d'une décennie. L'obstination discutable de Hamdi Makhlouf Plus grave encore, les JMC engageant une fuite en avant voire une danse du scalp se mettent aussi au jazz. De manière symptomatique de l'entêtement de leur directeur, les JMC invitent pour cette troisième session des artistes qui se sont produits l'an dernier pour Jazz à Carthage et ouvrent le festival avec le jazzman Mohamed Ali Kamoun. Si ce n'est pas persister et signer... La méthode de M. Makhlouf est discutable, inacceptable même. Elle consiste à écraser en utilisant les moyens du service public. Elle consiste à étouffer un festival en le privant de sa visibilité acquise de longue date et en l'entrainant dans des malentendus avec ses sponsors. Car, au fond, l'objectif de la manoeuvre ne serait-il pas de faire perdre à Jazz à Carthage ses sponsors, les pousser - sans avoir l'air d'y toucher - à lui retirer leur appui car il aurait perdu sa visibilité en lui volant ses dates? Le directeur des JMC est en train de commettre un véritable crime contre la culture en creusant la tombe d'un festival qu'il considère à tort comme concurrent. Ce faisant, il entraine malgré lui le ministère des Affaires culturelles (MAC) dans un combat de chiffonniers et lui fait porter la casaque d'une institution qui écrase les initiatives privées alors que c'est loin d'être le cas. Encore une fois, la pléthore de festivals du MAC semble lui échapper avec des directeurs qui n'en font qu'à leur tête et, malheureusement, parfois, selon des intérêts occultes. La compréhensible amertume de Mourad Mathari Il est trop tard pour remédier à la situation car dans sa course vers le crime parfait, la direction des JMC a publié l'intégralité de son programme qui d'ailleurs est bon et qui se déroulera du 8 au 15 avril. Exactement aux mêmes dates que Jazz à Carthage qui s'en trouve quasiment torpillé... Très amer, Mourad Mathari vient de publier un post sur son compte Facebook dans lequel il exprime la profondeur de son désarroi en des termes d'une tristesse infinie : "Jazz à Carthage a survécu au régime répressif, aux affres de la révolution et aux cafouillages des derniers gouvernements... Jazz à Carthage a continué malgré le couvre-feu, les deuils et les grèves... Jazz à Carthage a continué malgré un cadre légal anachronique et une concurrence déloyale du ministère de la Culture... Jazz à Carthage a défendu sa spécificité et lutté contre la morosité... Mais il faut croire que c'est l'ère des gouvernements modernistes et des tribulations des partis au pouvoir qui lui donneront le coup de grâce... Sans soutien, Jazz à Carthage disparaitra très probablement en 2017". Avec ce post, Mourad Mathari laisse entendre qu'il jette l'éponge, qu'il n'organisera pas comme prévu Jazz à Carthage du 8 au 16 avril 2017. La situation semble inquiétante et il serait malvenu pour quiconque de claironner à la direction des JMC qui a choisi, en bouleversant les calendriers coutumiers, de couper Jazz à Carthage de ses sponsors. En effet, comment claironner lorsqu'on transforme une manifestation culturelle du service public en fossoyeur d'un festival historique? Puisse la raison, la culture et l'intelligence enfin prévaloir. Dans un monde des arts trahi par les siens...