Une journée nationale contre la discrimination raciale, organisée par le haut commissariat des nations unies aux droits de l'homme à Tunis (HCDH) et le ministère des relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l'homme se tiendra, demain à Tunis. Cette journée nationale verra la participation d'universitaires, de magistrats, de membres du comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de représentants d'associations concernées par la lutte contre la discrimination raciale . Des conférences seront données, au cours de cette journée sur " la discrimination raciale en Tunisie : etat des lieux ", " les engagements de la Tunisie en tant qu'Etat partie de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale " et " le juge et le vide juridique en matière de lutte contre la discrimination raciale " La loi numéro 54-2016 relative à l'élimination de la discrimination raciale sera présentée à cette occasion, , outre un exposé sur le rôle de l'instance nationale des droits de l'homme dans la lutte contre la discrimination raciale en Tunisie. Une tente des droits de l'homme sera dressée à l'avenue Habib Bourguiba abritant les stands du HCDH et de la société civile travaillant sur la discrimination raciale : " Mnemty, Ula, Tunisie terre d'asile " , une exposition sur l'abolition de l'esclavage en Tunisie en partenariat avec les archives nationales de Tunisie, la projection du court métrage " Prestige " de Walid Tayaa, un atelier d'expression pour enfants, un mur de témoignages pour adultes et une session graffiti. Un atelier thématique sera organisé à cette occasion sur " le rôle des médias dans la lutte contre la discrimination raciale " avec la participation de la haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle HAICA. L'Association tunisienne de soutien des minorités (ATSM) a plaidé en faveur d'une loi criminalisant la discrimination raciale en Tunisie. Lors d'un point de presse organisé, vendredi, à Tunis, le chargé des affaires juridiques de l'Association, Mohamed Amin Jelassi a souligné que l'élaboration d'une loi criminalisant la discrimination raciale en Tunisie ne manquera pas de renforcer le dispositif des droits et des libertés et de garantir la dignité à chaque citoyen abstraction faite de sa race. Jelassi a appelé les décideurs politiques à prendre les mesures nécessaires et appropriées en vue de mettre en place une loi criminalisant le racisme ainsi que toutes formes d'incitation à la haine en Tunisie. De son côté, la responsable de la communication au sein de l'ATSM, Ghaida Thabet, a dénoncé l'absence d'une volonté politique visant à criminaliser la discrimination raciale en Tunisie. Une proposition de loi élaborée par l'association a été soumise aux élus du peuple sans nulle réaction, a-t-elle regretté. Pour mémoire, l'esclavage fut aboli en Tunisie le 23 janvier 1846 sous le règne de Ahmed Pacha Bey. L'abolition de l'esclavage des noirs en Tunisie (1846) L'abolition de l'esclavage des blancs fut imposée au Maghreb d'une façon générale au lendemain du congrès de Vienne de 1815, au cours duquel la mystique fraternité chrétienne tout en voulant instaurer un nouvel ordre humanitaire, en s'opposant à la piraterie, la traite et l'esclavage, comptait « pacifier » la Méditerranée. L'Europe s'était décidée, pour imposer un certain libéralisme économique avec comme corollaire une liberté commerciale et une libre circulation des biens et des personnes, à mettre fin à la course et à l'esclavage. Cela fut réellement imposé aux Beys, à partir de 1816 et notifié par des traités à partir de 1819. En outre, ces esclaves, une fois convertis de leur plein gré, pourraient accéder à des hautes fonctions, voire à la plus haute fonction de l'Etat, comme les Beys Mouradites, dont le fondateur de cette dynas-tie était originaire de Corse. Des ministres de la dynastie husseinite, comme Youssef Saheb Et-Tabaa, l'homme fort du règne de Hammouda Pacha, ou le ministre réformateur Khéreddine étaient d'origine européenne et étaient capturés enfants par les corsaires et vendus dans les marchés des esclaves à Is-tanbul. Certains princes, comme Hammouda Pacha et Ahmed Bey, étaient nés de mères esclaves. Les noms des esclaves ou affranchis rele-vés dans les documents d'archives confirment cette origine multiple et diversifiée : à côté des noms fréquents comme « Burnaoui », « Ghdamsi » et « Ouargli », on rencontre des noms indiquant une ori-gine d'autres centres de l'Afrique de l'Ouest comme « Jennaoui » ou « Tombouctaoui ». Ces esclaves noirs n'étaient pas en fait soutenus par des puissances étrangères. Ils étaient séparés, après avoir été vendus par leurs pairs à des négriers, qui faisaient le commerce transsaharien de la poudre d'or, des plumes d'autruches et du séné, l'ivoire et la cire jaune, de leur milieu africain. Ils étaient également résignés à accepter cette nouvelle situation, préférant vivre dans l'opulence des de-meures de leurs maîtres, que de vivre dans les situations précaires que connaissaient les régions sub-sahariennes. Nous croyons qu'en se trouvant face au dilemme de choisir la servitude avec la garantie d'assurer leur survivance, même dans la douleur, et la précarité de la vie, avec le risque de vivre d'atroces famines, ils auraient choisi la première situation. Et de choisir par là la conversion à l'Islam, malgré la suspicion de certains Ulémas, qui les considéraient encore comme des animistes, pour avoir un droit à un traitement équitable. Car, dans la civilisation musulmane, même si elle était esclavagiste comme les autres sociétés, étant donné les Musulmans, selon Bernard Lewis, s'étaient interdits « la mise en esclavage non seulement des musulmans nés libres, mais également des non-musulmans vi-vant sous la protection d'un Etat musulman ». Aussi, lorsque la question de la libération des esclaves fut posée dans les années 1840, au temps du règne d'Ahmed Pacha Bey, il prit précaution de procéder par étapes. Néanmoins, il faut remarquer que malgré ces précautions, cette mesure fut bien accueillie par l'ensemble de la société, comme ce fut le cas de l'émancipation de la femme en Tunisie en 1956, du fait qu'il y avait une certaine prédisposition culturelle et intellectuelle pour accepter une telle mesure. Avant de procéder à l'abolition définitive de l'esclavage des noirs dans la Régence de Tunis, Ahmed Bey eut le 29 avril 1841 un entretien avec Thomas Reade, consul anglais, qui lui conseilla d'interdire à l'instar de la Grande Bretagne cet infâme commerce. Convaincu de la nécessité d'une telle action étant lui-même fils d'une esclave et considéré comme un prince ouvert au progrès, prompt à réprimer toute forme de fanatisme, il décida d'abord d'interdire l'exportation des esclaves.