On a souvent parlé de politiques, d'hommes de lettres et d'écrivains. On a aussi parlé de chanteurs, d'artistes et de peintres et on en relate les vocations. Mais on n'a jamais parlé des hommes de sciences et de savoir, qu'ils soient vivants ou morts. Est-il alors opportun d'ouvrir le « carnet des souvenances » sur ceux qui ont laissé pour leur part, un héritage scientifique et, sur le plan de la sante et de l'hygiène de vie, une stratégie de prévention sanitaire d'avant-garde ? En hommage à un des éminents personnages du monde scientifique et médical, en l'occurrence le Dr Zouheir Kallel , nos souvenances nous incitent à en rappeler diverses réalités : personnage de notoriété, il avait connu, par son rayonnement intellectuel, sa forte personnalité et son éloquence, une période de gloire. Il était encore, fier et hautain, parfois même, débordant et percutant, mais, courtois et coopératif. Peu de ses collègues étaient au courant de sa relation avec le Pr Jean Trémolières , nutritionniste de réputation mondiale et dont il fut, au cours de ses études de médecine, un des éminents disciples. Il faudrait rappeler qu'en son temps, les rois de la bouffe, de l'hyper bouffe et de la malbouffe qui s'en rassasient et qui en étouffent, avaient rendu l'alimentation un facteur d'obésité et un problème de santé. Alors que les appétits démesurés et la nutrition déséquilibrée devenaient préoccupants, pour avoir provoqué le diabète sucré, les maladies cardiovasculaires et l'hypertension, le régime du Dr Hakim basé sur la diététique thérapeutique y apporta une mesure de salut, à la gloire du Dr Kallel qui en affirma son talent et s'en fit une réputation. Placés sous l'autorité de ce diabétologue, six médecins de spécialité s'appliquaient au traitement des troubles métaboliques sur le plan curatif et préventif. outre la supervision du corps médical, certaines réalisations restent à l'actif du Dr Kallel : la création de « l'Institut national de nutrition » inauguré le 14 juin 1974 par Bourguiba, Hédi Nouira , Mohamed Mzali et le Dr Tijeni Haddam représentant du Front de libération nationale algérienne en Tunisie. Bourguiba qui encourageait toute initiative de progrès scientifique, s'adressa au fondateur de l'institution, en ces termes : « Je vous félicite pour cette initiative susceptible d'assurer une éducation nutritionnelle et une bonne hygiène de vie ! » L'Institut de nutrition sur lequel on n'avait cependant pas fait couler assez d'encre, était une référence au niveau du Maghreb arabe, comptant en outre, deux pharmaciens biologistes, deux ingénieurs chimistes, deux vétérinaires et deux chirurgiens dentistes. C'était ainsi , la principale clinique des maladies de la nutrition qui avait donné, par la vulgarisation successive des vertus de l'alimentation équilibrée , une grande place à la nutrition, dans la défense complexe de l'organisme , ce qui rappelle, dans ce domaine précis, la requête de Dr Etienne Burnet rattaché, depuis l'ère de Charles Nicolle , à l'Institut Pasteur de Tunis. C'est de cette façon que l'alimentation de santé et la diététique, trouvèrent une large application dans les hôpitaux et les cliniques privées. Une seconde et importante réalisation s'inscrit encore au palmarès du Dr Kallel : « l'Ecole supérieure des sciences de la nutrition » qui joua un rôle aussi primordial que celui de la fondation mère. Placée sous l'autorité et la compétence de Abderrahmane Dziri, docteur en pharmacie , l'Ecole avait mis en place un programme d'enseignement basé sur la classification et l'identification des éléments nutritionnels , sur la composition chimique et les propriétés biochimiques des aliments, sur leurs teneurs en oligoéléments , sur leurs différenciations en protides ( protéines) , en lipides ( matière grasse) , en glucides ( matières sucrées) , en sels minéraux et en vitamines. La seconde vocation de l'établissement, la technologie alimentaire, avait d'autre part, favorise la formation des nutritionnistes et des technologues, une première génération de cadres paramédicaux, à l'échelle nationale. Pionnière en matière d'enseignement fondamental, l'unité avait lancé et développé en outre, le contrôle microbiologique des aliments et des plats cuisinés, une première expérience dans le domaine de l'hygiène alimentaire. Grace à cette école superieure, plus d'une centaine de diététiciens, de technologues et de techniciens de laboratoire, avaient rejoint les secteurs médicaux, paramédicaux et industriels. Par autant de réalisations en matière de santé et de prévention, nous rendons, hommage à titre posthume au Dr Kallel qui fut à la fois un réalisateur d'œuvres de santé, un promoteur de régimes alimentaires et un instigateur de la diététique thérapeutique. En reconnaissance à ce talentueux et prolifique personnage, l'Institut national de nutrition auquel il doit sa fondation, portera désormais, le nom de « Zouheir Kallel ».