Surtout ne la tuez pas cette révolution! N'étouffez pas le feu sacré qui l'a enfantée, ne la dénigrez pas, ne la minimisez pas, ne la jetez pas aux oubliettes, n'en faîtes pas un mort né! Ne lui jetez pas l'opprobre, ne la noircissez pas ! N'utilisez pas les termes les plus vils pour la qualifier ! Ne vous flagellez pas ! L'auto flagellation est suicide. Gardez en mémoire ces jours beaux et sombres, lumineux et douloureux, chaotiques et sublimes! Vous étiez esclaves d'un système qui vous a anesthésiés au point de ne plus sentir le fouet de la censure, de porter vos bâillons, objets de votre servitude jusque chez vous. A l'intérieur de vos murs, vous chuchotez votre indignation et la peur était devenue prison. Avez-vous oublié tous ceux qui ont osé braver la répression policière et manifester, crié, protesté ? Avez-vous oublié ceux qui ont été froidement tués, ceux qui ont été arrêtés, torturés? Avez-vous oublié le policier arrogant qui vous harcelait pour un rien, pour un mot de trop, pour un geste, pour avoir revendiqué le droit à l'expression libre, pour un cri d'indignation? Vous avez appris à vos enfants à avoir peur, à craindre la police, à se soumettre, à s'agenouiller, à mentir, à se grimer. Et pourtant, malgré la chape de plomb, des révoltes ont eu lieu, des mouvements de protestation ont émaillé nos vies, des insoumis ont élevé la voix. La réponse fut terrible, à chaque fois, la répression s'est abattue et le feu de la colère fut étouffé. Mais, la saison de la colère a fini par avoir son heure, dans la douleur et dans le sang et le jour de la délivrance est arrivé, plein de promesses et d'offrandes. Ce qui advint par la suite était, certes, attendu car un bouleversement ne peut se faire dans la sérénité, mais, cela a dépassé les prévisions les plus sombres. Malgré toutes les tempêtes, un nouveau souffle nous a donné le désir et la force de nous battre. Ne pas abandonner ce rêve commun est un impératif catégorique face à tous les défis à relever. Six ans d'attente déçue, de chemin de croix, de bouleversements, de déconvenues, d'abattement, de désillusions recommencées, de luttes infinies, de manifestations, de grèves, de jours amers à ressasser les multiples obstacles. La route est longue, périlleuse, tortueuse et torturée. La société civile est épuisée, à bout de souffle, mais toujours là. La manifestation contre le terrorisme a prouvé que le feu sacré ne s'est pas éteint. Seule dans l'arène, elle s'en est rendu compte. Constat bien amer. Mais, c'est la leçon à retenir. Elle ne peut compter que sur sa capacité à se relever et à agir. Demeurer debout, se rassembler, unir ses forces, s'organiser, se préparer pour les prochaines échéances, compter sur sa capacité à se mobiliser pour des combats vitaux sont garants d'un avenir à tisser ensemble. Menons cette lutte et n'oublions pas que notre point de mire sera le rêve que le 14 Janvier a enfanté, beau et haut, porté par tous, sans divisions, sans conflits, dans scissions. Ne nous sous-estimons pas, ne dénigrons pas tout ce que nous avons accompli, ne partons pas perdants! Réveillons le désir, le rêve, à force de volonté et d'efforts pour reconstruire ce qui a été démoli, pour refaire ce qui a été défait, pour tout recommencer. Le 14 Janvier n'est pas un jour de lamentations, ne tuez pas cette révolution en marche, le soleil est à portée de mains.